
Inscrivez-vous à Un Canada plus fort à l’ère Trump pour recevoir nos toutes dernières analyses politiques sur les prochaines orientations du Canada.
(English version available here)
L’Arctique, autrefois une périphérie négligée, est aujourd’hui au centre de la concurrence géopolitique mondiale. La fonte des glaces ouvre des voies maritimes et libère des ressources précieuses, ce qui place les intérêts militaires, économiques et stratégiques au premier plan pour les nombreux pays qui le bordent et pour ceux qui veulent l’utiliser.
Le Canada, avec son vaste littoral arctique, doit prendre des mesures pour faire face aux changements de situation. Le gouvernement fédéral s’est efforcé d’améliorer ses capacités de défense dans la région, mais les progrès restent inégaux.
Le premier ministre Mark Carney a reconnu les défis et s’est engagé à augmenter les investissements dans la défense. Le chef du Parti conservateur Pierre Poilievre a lui aussi souligné que la sécurité dans l’Arctique est une priorité nationale. Néanmoins, l’empreinte militaire du Canada demeure minime par rapport à son exposition stratégique.
Cinq mesures offrent une feuille de route réaliste. Une flotte aérienne hybride et un réseau de surveillance multidomaines pourraient étendre la visibilité et le contrôle du Canada. Des capteurs sous-marins et des véhicules aériens sans pilote pourraient sécuriser les routes sous-marines. Une force terrestre agile, jumelée à des unités de missiles mobiles, pourrait donner au Canada la capacité de répondre aux menaces sans trop solliciter ses forces armées.
Ce modèle asymétrique n’est pas un raccourci ou un compromis. Il consiste en une stratégie fondée sur les forces et les réalités du Canada. Il reconnaît les contraintes budgétaires, tire parti des liens diplomatiques et applique des technologies modernes à de vieux défis en matière de défense. Plus important encore, il présente une voie à suivre autonome dans l’Arctique sans se retirer des engagements du NORAD ou de l’OTAN.
Les enjeux sont de taille
La Russie a mené la militarisation de l’Arctique. Elle maintient une présence formidable avec des sous-marins à propulsion nucléaire, des destroyers, des bombardiers stratégiques, des missiles hypersoniques et la plus grande flotte de brise-glaces au monde.
Les ambitions du président russe Vladimir Poutine sont claires : d’ici 2030, la Russie vise à transporter 100 millions de tonnes de marchandises par la route maritime du nord, un corridor maritime qui s’étend de la mer de Kara au détroit de Béring, le long de la côte arctique de la Russie, et qui relie l’Europe et l’Asie par l’océan Arctique.

Cette position militaire appuie à la fois les objectifs de sécurité et les objectifs commerciaux de la Russie, ce qui lui permet de montrer ses muscles en termes de domination régionale.
Pendant ce temps, les États-Unis continuent de traiter l’Arctique comme une zone d’intérêt stratégique, surtout en ce qui concerne le Groenland et le passage du Nord-Ouest. Bien qu’ils soient le plus proche allié du Canada, les États-Unis ne reconnaissent pas les revendications d’Ottawa sur le passage et ont agi unilatéralement d’ouest en est, créant ainsi la possibilité de flanquer les eaux canadiennes.
Le président américain Donald Trump a récemment critiqué ce qu’il appelle le manque de préparation d’Ottawa dans l’Arctique, faisant écho aux préoccupations de nombreux observateurs de la défense.
Aide possible d’autres pays nordiques
Le Canada fait des efforts pour améliorer son état de préparation. Il cherche à établir des partenariats avec la Finlande pour acquérir de nouveaux brise-glaces et pourrait entamer des discussions avec le Royaume-Uni pour moderniser sa flotte d’aéronefs.
Les options envisagées pour remplacer nos CF18 vieillissants comprennent le Gripen, le Rafale et l’Eurofighter Typhoon, des options de rechange qui peuvent offrir une plus grande flexibilité que le programme américain plus coûteux des F-35.
Malgré ces initiatives, le Canada risque toujours d’être stratégiquement encerclé par la domination des États-Unis et de la Russie sur ses deux flancs, ce qui limite la marge de manœuvre d’Ottawa.
Les pays nordiques disposent de forces arctiques compétentes, mais elles sont d’envergure limitée et incapables de faire contrepoids à Moscou de manière indépendante. Tout cela laisse au Canada peu de possibilités d’affirmer sa souveraineté par des moyens militaires conventionnels.

Il n’est tout simplement pas possible de reproduire le renforcement militaire de la Russie ou des États-Unis. Le Canada n’a ni le budget, ni la base industrielle, ni le temps de rivaliser dans ces conditions.
Il a plutôt besoin d’une approche plus personnalisée. La stratégie de guerre asymétrique en cinq points, conçue en tenant compte de la capacité financière, de la souplesse et de l’innovation technologique, pourrait offrir au Canada une façon crédible de défendre ses intérêts sans dépasser ses ressources.
Un plan en cinq points
L’une des composantes de cette approche serait une stratégie hybride de défense aérienne. Plutôt que de remplacer tous les CF18 actuels, le Canada pourrait prolonger la durée de vie de certains avec des mises à niveau ciblées, y compris des modifications pour le temps froid et des capteurs modernes.
Ces avions à réaction pourraient être complétés par une modeste flotte de véhicules aériens sans pilote à longue portée, comme le MQ-9 Reaper, qui offre une surveillance continue et une capacité de frappe limitée à une fraction du coût des chasseurs pilotés.
Sous la surface, le Canada peut renforcer ses capacités de surveillance sans aggraver les tensions.
Au lieu de déployer des mines sous-marines, qui comportent d’importants risques politiques et militaires, on pourrait placer des capteurs acoustiques sous-marins passifs et des véhicules sous-marins autonomes dans des zones clés comme le passage du Nord-Ouest pour recevoir une alerte rapide en cas d’activité sous-marine tout en restant discret.