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Les Canadiens ont peut-être l’impression que les phénomènes météorologiques extrêmes sont la nouvelle réalité de l’été. Beaucoup d’entre nous ne sont plus de simples observateurs. Si nous ne sommes pas directement touchés, il y a de fortes chances que nous ayons un proche qui doit faire face à des ordres d’évacuation, à des inondations, aux vagues de chaleur ou à des pannes d’électricité.
Des milliers de personnes ont déjà été évacuées cette année dans diverses municipalités de la Colombie-Britannique et de l’Alberta au cours de la saison des feux de forêt, y compris lors de la dévastation récente de Jasper, en Alberta.
En juin, un dôme de chaleur touchant les provinces atlantiques, l’Ontario et le Québec a établi des records de chaleur dans plus de 100 localités. Les provinces et les territoires, y compris le Nunavut, ont émis des alertes de chaleur tout au long du mois de juillet.
Des inondations soudaines en Nouvelle-Écosse ont causé la mort d’un garçon de 13 ans, un rappel de l’inondation tragique l’an passé qui a coûté la vie à 3 enfants et 1 adulte.
Les Torontois ont renoué avec les pluies extrêmes lorsqu’une tempête a provoqué des pannes d’électricité et des inondations à grande échelle, affectant des maisons, des stations de métro et de grandes artères. Des inondations similaires en 2013 et 2018 dans la ville ont entraîné des dommages assurables de plus d’un milliard de dollars et de 80 millions de dollars, respectivement.
Face à des événements météorologiques dévastateurs, les communautés méritent mieux que de se faire féliciter d’être « résilientes ». Les conditions météorologiques extrêmes suscitent également des appels à l’action climatique.
Si la compréhension des liens entre les phénomènes météorologiques extrêmes et les changements climatiques est une étape importante pour se préparer à l’évolution des conditions environnementales, il ne suffit pas de faire ces liens pour protéger les communautés. Que faut-il donc faire ?
Le gouvernement Trudeau a publié une stratégie nationale d’adaptation en 2023, mais des lacunes importantes subsistent en matière de planification, de financement et de coordination, ce qui maintient les villes, provinces et régions canadiennes dans une situation de vulnérabilité face aux conditions météorologiques extrêmes.
Nous réagissons présentement aux conditions météorologiques extrêmes plutôt que de planifier les perturbations et les déplacements inévitables auxquels les communautés sont confrontées. Voici trois approches pour combler ces lacunes et favoriser des adaptations plus durables et équitables.
Tout d’abord, nous devons comprendre que la nature ne se pliera pas à notre volonté. En développant les villes, les industries et l’agriculture, nous avons modifié les milieux naturels d’une manière qui expose les communautés à des conditions météorologiques extrêmes.
Par exemple, les villes ont été construites en déplaçant des rivières, en asséchant des milieux humides et en construisant à grande échelle des surfaces dures et imperméables telles que des bâtiments, des routes et des stationnements. En cas de fortes pluies, ces aménagements empêchent l’eau d’être absorbée efficacement par le sol.
À la suite des récentes inondations à Toronto, on a beaucoup parlé de la nécessité d’améliorer les infrastructures d’évacuation des eaux usées et des eaux pluviales. Bien qu’il s’agisse d’une initiative louable, quoique coûteuse, il n’existe aucun moyen de se prémunir contre les précipitations extrêmes.
Il est nécessaire de réaménager des espaces naturels faits pour absorber l’eau. Le spectacle des pompiers sauvant des passagers submergés sur la Don Valley Parkway nous rappelle que l’Autoroute a été construite sur une rivière détournée.
Le projet Port Lands de la ville, d’une valeur de 1,4 milliard de dollars, qui vise à protéger contre les inondations les régions nouvellement développées où la rivière Don et le lac Ontario se rejoignent, ne suffit pas à surmonter le développement généralisé qui bloque l’absorption de l’eau dans toute la vallée de la Don.
Les modèles mis en place dans des endroits de faible altitude ou ayant subi des inondations dévastatrices, de Calgary aux Pays-Bas, montrent qu’il est essentiel, pour la protection future contre les phénomènes météorologiques extrêmes, de modifier les perspectives et le développement des infrastructures pour passer de la lutte à la cohabitation avec l’eau.
Deuxièmement, nous devons éviter de nous laisser séduire par des solutions techniques qui font plus de promesses qu’elles ne sont capables d’en tenir. Nous misons sur l’intelligence artificielle (IA) pour soutenir l’adaptation au climat, qu’il s’agisse de prédire les maladies et la sécheresse dans l’agriculture ou de faciliter la plantation rapide d’arbres.
S’il ne fait aucun doute que l’innovation technologique peut nous aider face aux phénomènes météorologiques extrêmes, il ne faut pas croire qu’elle peut se substituer aux autres changements nécessaires dans nos façons de penser et d’agir.
Par exemple, l’utilisation de l’IA pour déterminer où planter des arbres au lieu d’adapter les pratiques de l’industrie forestière et d’entreprendre des stratégies de protection des forêts ne permettra pas seulement de prévenir les incendies de forêt, mais pourrait les accélérer. L’IA elle-même consomme des quantités massives d’énergie pour fonctionner, ce qui accélère les émissions de carbone au lieu de soutenir les objectifs de décarbonation.
Troisièmement, nous devons cibler et financer les réponses aux conditions météorologiques extrêmes en pensant aux groupes les plus vulnérables. Par exemple, en juin et juillet 2021, un dôme de chaleur en Colombie-Britannique a tué 619 personnes, dont la majorité était âgée, à faible revenu, souffrait d’un handicap ou vivait seule.
À Vancouver, cet événement a renforcé la conviction qu’il faut une réponse socialement orientée aux conditions météorologiques extrêmes afin de servir les groupes vulnérables. La municipalité entreprend désormais des actions d’éducation à la chaleur au sein de la communauté et distribue des « kits de fraîcheur » aux organisations communautaires qui en ont le plus besoin.
Même si ces efforts sont admirables, ces initiatives ne sont pas de grande envergure et devraient être mieux financées à travers les villes du pays.
Si nous ne nous adaptons pas mieux aux conditions météorologiques extrêmes, les communautés continueront à subir les conséquences de mauvaises politiques publiques. Nous devons nous engager dans des formes de planification qui protègent et reconnaissent le pouvoir des milieux naturels sans se laisser distraire par l’éclat des nouvelles technologies.
Pour prévenir les décès dus aux conditions météorologiques extrêmes, il faut également mettre l’accent sur les personnes les plus exposées, notamment les locataires, les communautés nordiques et isolées et les personnes qui n’ont pas les moyens de se chauffer ou de se rafraîchir.
Bien entendu, l’atténuation des effets des changements climatiques est essentielle pour empêcher l’aggravation de la situation environnementale à l’avenir. Néanmoins, nous ressentons aujourd’hui les effets de décennies de négligence environnementale et nous pouvons mieux y répondre.