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Par volonté ou par nécessité, les Canadiens prennent leur retraite plus tard que par le passé.
Mais ce n’est pas suffisant pour compenser le nombre proportionnellement plus faible de jeunes entrant sur le marché du travail. Cette situation a des conséquences importantes pour l’économie canadienne, qu’il s’agisse des pénuries de main-d’œuvre ou des coûts budgétaires élevés nécessaires pour financer les programmes de revenu de retraite d’une population vieillissante.
Convaincre un plus grand nombre des 21,8 % de Canadiens en âge de travailler qui sont proches de la retraite de continuer encore quelque temps pourrait desserrer une partie de la pression.
Pour ce faire, il faudra que les lieux de travail soient mieux adaptés à leurs besoins. Réformer le système canadien de soins de longue durée pourrait être l’une des clés, car l’allègement du fardeau que représente la prise en charge des partenaires et des parents vieillissants pourrait permettre à certains travailleurs âgés de continuer à travailler ou de réintégrer le marché du travail.
Méconnu et sous-utilisé
La croissance du nombre de travailleurs âgés a commencé à s’accélérer en 2001, année où la première vague de baby-boomers a atteint l’âge de 55 ans. Le taux d’activité des travailleurs âgés de 55 ans et plus était de 36,4 % en avril 2024, contre 25,7 % au même mois en 2001. L’âge moyen des retraités est passé à 65,1 ans en 2023, son niveau le plus élevé depuis la fin des années 1970.
De nos jours, il est peut-être plus facile pour les personnes âgées de conserver leur emploi. Ils ont un niveau d’éducation plus élevé que les générations précédentes et une meilleure maîtrise de l’informatique. Ils restent en bonne santé plus longtemps et ont une espérance de vie plus longue.
La diminution de la couverture globale des retraites et le passage de régimes de retraite à prestations définies à des régimes de retraite à cotisations définies, moins avantageux, influencent également les décisions en matière de retraite.
La nature des emplois a également changé, nombre d’entre eux exigeant moins d’effort physique.
Néanmoins, comme les baby-boomers continuent de prendre leur retraite et que les jeunes sont proportionnellement moins nombreux à entrer sur le marché du travail, le taux global de participation à la population active a chuté.
En avril 2024, il était à 65,4 %, contre 66 % en 2001 et 67,1 % en 2011, année où la première vague de baby-boomers a atteint l’âge de 65 ans. Selon les projections de Statistique Canada, il devrait continuer à baisser au moins jusqu’en 2036.
Les Canadiens âgés pourraient contribuer à combler les pénuries de main-d’œuvre qui se profilent à l’horizon, mais ils restent une « source de main-d’œuvre négligée et sous-utilisée », selon un rapport de la Banque Scotia, qui affirme que des centaines de milliers de Canadiens âgés pourraient rester plus longtemps sur le marché du travail ou le réintégrer grâce à des politiques adéquates.
Le Canada est à la traîne de plusieurs pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), dont la Suède, le Japon et la Nouvelle-Zélande, où les trois quarts des personnes âgées de 55 à 64 ans avaient un emploi en 2022, contre 63,5 % au Canada. En Islande, le taux est de plus de 80 %.
L’allongement de la durée de vie professionnelle des Canadiens n’est pas seulement bénéfique pour le marché du travail. Des recherches menées par l’OCDE ont montré qu’il est bénéfique pour les performances des entreprises.
L’étude a révélé que la productivité des travailleurs âgés est similaire à celle de leurs homologues en milieu de carrière et qu’elle est supérieure à celle des jeunes travailleurs. Les travailleurs plus âgés ont un taux de roulement plus faible, ainsi qu’une plus grande expérience en matière de gestion et en général.
La même étude a montré qu’il est avantageux de faire travailler ensemble des personnes d’âges différents, car la complémentarité des compétences des employés de différentes générations améliore les performances de l’équipe et accroît la productivité globale des entreprises.
Pourtant, les employeurs ont peu de politiques visant à encourager la collaboration multigénérationnelle, ajoute le rapport.
Le défi des soins aux personnes âgées
Les travailleurs âgés peuvent toutefois rencontrer des difficultés à rester sur le lieu de travail. On peut penser par exemple à l’âgisme qui n’attire pas autant l’attention que d’autres enjeux d’équité, de diversité et d’inclusion sur le lieu de travail, et qui fait l’objet de moins d’éducation et de formation.
De nombreux travailleurs âgés doivent également faire face à la pression que représente la prise en charge d’autres membres âgés de la famille. Selon une étude publiée par l’Institut de recherche en politiques publiques, plus de 33 % des personnes âgées de 55 à 64 ans et 23,5 % des personnes âgées de 65 ans et plus s’occuperont d’un adulte dépendant en 2022.
Les femmes sont plus susceptibles que les hommes de fournir des soins non rémunérés à des adultes, d’y consacrer plus d’heures et d’en recevoir fatigue et anxiété.
La prestation de soins peut entraîner des contraintes financières. Selon une estimation, le manque à gagner des aidants canadiens qui s’absentent du travail, réduisent leurs heures ou démissionnent s’est élevé à 221 M$ par an pour les femmes entre 2003 et 2008, et à 116 M$ par an pour les hommes.
Les personnes interrogées dans le cadre d’un récent sondage mené auprès de 3000 aidants non rémunérés et prestataires de soins rémunérés ont réclamé des politiques plus favorables sur le lieu de travail, telles que des jours de congé, des modalités de travail flexibles et des congés payés, afin de les aider à concilier leurs responsabilités professionnelles et en matière de soins.
Lever les freins au travail
Le gouvernement fédéral a apporté plusieurs modifications au système canadien de revenu de retraite afin de réduire les facteurs qui dissuadent les gens de continuer à travailler.
Les Canadiens peuvent différer le versement de la Sécurité de la vieillesse (SV) après 65 ans jusqu’à 5 ans afin de bénéficier d’une prestation mensuelle plus élevée.
Le budget fédéral 2024 a augmenté l’exemption de gains pour le calcul du Supplément de revenu garanti (SRG), une prestation mensuelle offerte aux bénéficiaires de la SV à faible revenu. Cela signifie que les bénéficiaires du SRG peuvent désormais gagner jusqu’à 15 000 $ par an sans que leur prestation ne soit réduite, contre 3500 $ auparavant.
Les Canadiens peuvent également choisir de commencer à recevoir leurs prestations du Régime de pensions du Canada (RPC) avant 65 ans tout en continuant à travailler et peuvent continuer à cotiser pour une prestation post-retraite qui complète les paiements du RPC dans les années à venir.
Certains experts ont demandé au gouvernement fédéral d’en faire plus, notamment en ajustant le taux de récupération des paiements de la SV, en introduisant un crédit d’impôt pour prolongation de carrière similaire à celui du Québec et en revenant sur sa décision de ramener l’éligibilité à la SV de 67 à 65 ans.
D’autres ont demandé aux entreprises d’actualiser leurs pratiques de gestion en introduisant par exemple des modalités de travail flexibles et en élargissant leur politique en matière de congés.
L’amélioration des soins de longue durée et leur financement adéquat contribueraient grandement à réduire la charge qui pèse sur les travailleurs âgés qui fournissent des soins.
Le budget 2024 souligne que le taux d’activité des femmes en âge de travailler a atteint un niveau record de 85,7 % en septembre 2023, en partie grâce au programme de garde d’enfants à 10 $ par jour, qu’il qualifie de «bonne politique sociale et bonne politique économique ».
Pourtant, l’amélioration des soins de longue durée est rarement considérée comme un moyen de permettre aux Canadiens âgés de rester sur le marché du travail. Bientôt, les gouvernements n’auront peut-être plus d’autre choix.
Les dépenses consacrées au revenu de retraite devraient exploser au cours des prochaines décennies. Le budget 2024 prévoit que les dépenses liées au programme de la SV (y compris la SV, le SRG et les allocations connexes) devraient atteindre près de 100 G$ d’ici 2027-2028 et 234 G$ d’ici 2055-2056, contre 80,6 G$ à l’heure actuelle.
Encourager les Canadiens âgés à travailler plus longtemps pourrait être bénéfique pour les finances publiques, améliorer les performances des entreprises, offrir des retraites plus sûres sur le plan financier et améliorer le bien-être des travailleurs eux-mêmes. Mais cela va nécessiter des changements. Cela devrait commencer par un meilleur financement des soins de longue durée.