Alors que le Canada fait face à de nombreux défis, le gouvernement Carney propose un budget qui « vise haut », en misant sur des investissements dits générationnels pour bâtir, protéger et renforcer le pays.

Pour y parvenir, le budget inclus une stratégie industrielle axée principalement sur les infrastructures et l’amélioration de la productivité et de la compétitivité des entreprises. Il couvre plusieurs enjeux majeurs grâce à des investissements dans les infrastructures commerciales, les minéraux essentiels et des mesures fiscales favorisant l’investissement privé. Il mise aussi sur le pouvoir fiscal fédéral pour attirer des investissements provenant de diverses sources, afin d’optimiser l’impact économique de chaque dollar des fonds public.

Cependant, le budget contient peu de mesures directement destinées aux ménages et semble reléguer au second plan la question de l’abordabilité, pourtant urgente pour de nombreux Canadiens. Le gouvernement semble parier sur le fait que la population comprend la nécessité de consolider les bases économiques qui soutiennent les programmes sociaux du pays. Comme le rappelle souvent le premier ministre du Manitoba, Wab Kinew, « l’économie tire la charrette sociale ».

Le gouvernement Carney semble aller dans la bonne direction, mais la capacité du budget à remplir ses promesses reste à démontrer. Pour réussir, la fonction publique devra exceller dans l’exécution, alors que son personnel, son financement et son accès à des consultants externes sont réduits. Il s’agit d’un test majeur pour l’administration fédérale.

La première stratégie industrielle depuis des décennies

Le budget 2025 utilise une série de verbes forts comme « accélérer », « stimuler », « renforcer », « mobiliser », « catalyser » et « suralimenter » pour décrire des mesures qui constituent probablement la première véritable stratégie industrielle globale du Canada depuis le milieu du XXe siècle. L’objectif consiste à utiliser les dépenses fédérales et l’outil fiscal afin d’inciter le secteur privé et les gouvernements provinciaux et municipaux à investir, en compensant les coûts économiques liés aux droits de douane et à l’incertitude qu’ils entraînent.

Le budget double les investissements publics en capital sur cinq ans pour permettre plus de 1000 milliards de dollars en projets, notamment dans les infrastructures majeures et le logement. Une série d’avantages fiscaux permettra également aux entreprises canadiennes d’obtenir le taux d’imposition marginal effectif le plus bas du G7.

Parmi les mesures phares :

  • cinq milliards de dollars sur sept ans dans un fonds pour la diversification des corridors commerciaux destiné aux chemins de fer, ports et autres infrastructures afin d’améliorer l’accès aux marchés hors États-Unis;
  • deux milliards de dollars sur cinq ans pour un fonds souverain pour les minéraux essentiels, afin d’investir dans des projets stratégiques et des entreprises;
  • la création d’une super-déduction pour la productivité, comprenant des incitations fiscales encourageant les entreprises à investir dans des actifs et technologies qui augmentent la productivité.

Une multiplication de stratégies : certaines solides, d’autres moins

La stratégie industrielle englobe une stratégie de compétitivité climatique, une stratégie industrielle de défense et une stratégie de diversification commerciale. Une stratégie en matière d’intelligence artificielle est également prévue d’ici la fin de 2025.

La stratégie de compétitivité climatique se révèle décevante. Elle promet de travailler avec les provinces et territoires pour définir l’évolution de la tarification du carbone industriel après 2030 et un cadre harmonisant les plans régionaux. Elle prévoit aussi de finaliser la réglementation sur les émissions de méthane, les véhicules électriques et les carburants propres, ainsi que d’ajuster les crédits d’impôt.

Elle laisse par ailleurs entendre l’abandon du plafond des émissions du secteur pétrolier et gazier, en misant sur des technologies comme le captage et stockage du carbone pour en réduire la nécessité. Les mesures sur les minéraux critiques sont également intégrées à cette stratégie, étant donné leur rôle dans les véhicules électriques et les énergies propres.

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La politique industrielle face à l’avenir incertain du Canada

La stratégie industrielle de défense prend une tournure plus concrète. Ottawa prévoit investir 6 milliards de dollars sur cinq ans pour créer le Bureau de recherche, d’ingénierie et de leadership avancé en innovation et en sciences (BOREALIS), une nouvelle structure vouée à accélérer l’innovation et à renforcer la capacité industrielle du pays.

Le plan soutient également les PME afin qu’elles puissent mieux contribuer aux chaînes d’approvisionnement en défense et répondre aux besoins militaires du Canada. Il mise sur le développement et la commercialisation de technologies à double usage, civiles et militaires, pour favoriser l’innovation tout en soutenant la sécurité nationale.

Par ailleurs, des fonds sont prévus pour stimuler les technologies quantiques, sécuriser l’accès aux minéraux critiques et bâtir une capacité nationale de lancement spatial. Ensemble, ces mesures visent à positionner le Canada comme un acteur crédible dans un environnement stratégique mondial en mutation rapide. Si elles permettent une coordination réelle entre institutions fédérales, ces mesures pourraient s’avérer très efficaces.

Défis pour la mise en œuvre

La réussite du budget repose sur une fonction publique appelée à faire plus avec moins.

Le gouvernement prévoit réduire les effectifs fédéraux de 40 000 postes sur trois ans, soit une baisse de 10 % par rapport au sommet atteint en 2023-2024. Des mesures de retraite anticipée pourraient adoucir cette transition, mais au prix d’une perte importante d’expertise. La fonction publique doit aussi réduire de 20 % ses dépenses en services-conseils externes, ce qui limitera l’accès à des ressources spécialisées.

Les recherches de l’IRPP montrent que le succès des politiques industrielles dépend de la clarté stratégique, d’une gouvernance solide et d’une évaluation rigoureuse des programmes. La stratégie du gouvernement Carney exige donc une mise en œuvre irréprochable, appuyée par une fonction publique compétente, bien dirigée et efficace. C’est un objectif difficile en période de compressions.adership, significant expertise and effective processes. This may be a tall order for institutions that must cut programs and staff.

Des attentes élevées, des risques réels

Avec un discours ambitieux, le gouvernement a suscité de grandes attentes. Les Canadiens pourraient conclure qu’il a trop promis sans livrer suffisamment.

Les effets économiques des investissements prendront du temps à se matérialiser, même si l’exécution est rapide. Le gouvernement devra donc démontrer des résultats tangibles à court terme pour conserver la confiance du public. Sans cela, ses efforts pourraient demeurer lettre morte.

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Rachel Samson

Rachel Samson est vice-présidente de la recherche à l’Institut de recherche en politiques publiques. Elle était auparavant directrice de la recherche sur la croissance propre à l’Institut climatique du Canada. Rachel a également œuvré pendant 15 ans en tant qu’économiste et cadre au sein du gouvernement fédéral, et cinq ans en tant que consultante indépendante. Twitter @rachel_e_samson

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