Un article publié dans une revue spécialisée évaluée par des pairs est lu, en moyenne, par une dizaine de personnes tout au plus, selon un commentaire controversé intitulé « Prof, no one is reading you », qui s’est répandu comme une traînée de poudre sur Internet l’année dernière, Ses auteurs, Asit Biswas, universitaire basé à Singapour, et Julian Kirchherr, chercheur à l’Université d’Oxford, rappellent des statistiques frappantes : environ 1,5 million articles évalués par des pairs sont publiés chaque année et 82 % d’entre eux ne sont jamais cités, ni même par d’autres chercheurs.

Autrement dit, les publications universitaires n’influencent que rarement les modes de pensée au-delà des cercles dans lesquels elles sont produites, et la grande majorité d’entre elles sont loin d’avoir un effet sur les politiques et le débat publics portant sur des questions cruciales.

Certains chercheurs contestent ces statistiques désastreuses et utilisent des méthodes différentes pour étayer leurs chiffres, en tenant compte d’autres éléments par exemple (incluant les citations de leurs propres travaux et de textes non universitaires) et en faisant appel à des paramètres plus larges pour vérifier les citations de leurs travaux.

Dans son blogue de la London School of Economics intitulé « Are 90 % of academic papers really never cited? », Dahlia Remler jette un doute sur ces chiffres accablants. Elle note qu’en réalité le taux de citation varie beaucoup selon le domaine, mais reconnaît tout de même que jusqu’à un tiers des articles en sciences sociales, 82 % des travaux en sciences humaines et 27 % des travaux en sciences naturelles ne sont pas cités. Ce qui avait commencé par la réponse d’une sceptique se termine par un simple appel : « Il faut améliorer la façon de publier les travaux universitaires. »

Au cas où l’on penserait que les sciences tirent mieux leur épingle du jeu, les données ne sont pas si favorables. En effet, la revue Science constatait il y a 20 ans que seulement 45 % des articles publiés dans les 4 500 revues scientifiques les plus importantes étaient cités dans les 5 ans suivant leur publication. Une étude plus récente révèle que ce chiffre est en baisse : seulement 40,6 % des articles publiés dans les principales revues spécialisées en sciences et sciences sociales étaient cités dans les 5 ans suivant leur parution.

En d’autres termes, le problème n’est pas nouveau et semble s’aggraver. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il y a trop de choses à lire.

Nous sommes inondés par une marée d’articles non lus

Il y a eu un accroissement spectaculaire du nombre de revues et, par le fait même, du nombre d’articles publiés chaque année. En 2015, le rapport de l’International Association of Scientific, Technical and Medical Publishers, le STM Report, a relevé plus de 28 000 revues savantes évaluées par des pairs en activité, qui publient environ 2,5 millions d’articles en anglais chaque année. Le rapport constate que le nombre de revues augmente d’au moins 3,5 % par an, ce qui reflète un accroissement du nombre de chercheurs d’environ 3 %.

Cet accroissement du nombre de revues universitaires est peut-être lié aussi à leur forte rentabilité, ce qui peut surprendre, ainsi qu’au contre-courant de l’offre de revues en libre accès. En d’autres termes, la cadence de publication des articles universitaires fait plus que doubler tous les 20 ans, d’après le site Chronicle of Higher Education. Et ce sont là des chiffres prudents. Le STM Report voit plutôt une croissance du nombre d’articles de 6,3 % par année en moyenne.

Résultat ? Une tendance à avoir davantage d’articles recueillant moins de citations.

Mais il s’avère que ce n’est pas une mauvaise nouvelle pour tout le monde. Juste pour la majorité. À mesure que le nombre de revues augmente, la moyenne du nombre de citations par article décroît. Le rapport de la STM indique, cependant, que la distribution des citations est très inégale et que 80 % des citations se retrouvent dans moins de 20 % d’articles. Le chercheur James A. Evans a résumé cette tendance de la façon suivante : « Moins de revues et d’articles sont cités, et il y a davantage de citations qui vont à un nombre restreint de revues et d’articles. »

Autrement dit, le déluge d’articles non cités s’accompagne d’une poignée d’articles qui montent à la surface comme la pointe d’un iceberg. Et contrairement aux attentes, ce ne sont pas les revues bien établies qui en profitent. L’influence des revues prestigieuses qui dominaient jusqu’à présent pourrait bien être chose du passé. Il s’avère que les articles abondamment cités publiés dans des revues qui sont beaucoup citées sont de moins en moins fréquents, tandis que le nombre d’articles abondamment cités venant de nouvelles revues moins bien établies augmente régulièrement.

Un certain nombre de facteurs expliquent pourquoi tant d’articles ne sont pas cités. En voici quelques-uns : le mantra « publish or perish », qui semble être inculqué aux nouvelles générations de plus en plus tôt ; le « saucissonnage » des études en de nombreux éléments pour maximiser la quantité d’articles publiés ; un système universitaire qui récompense les chercheurs pour la quantité d’articles qu’ils publient et pas nécessairement pour leur influence. En résumé, on ne verra pas de changement à moins que, comme le souligne un commentaire, « le système de récompenses soit changé ».

Une partie de la responsabilité, et pas la moindre, revient au système qui regarde de haut, ou du moins écarte, l’engagement des universitaires auprès des médias, des décideurs politiques et du reste du monde. Pourtant, en dehors du milieu universitaire, peu de gens connaissent ou lisent les revues spécialisées.

Inciter les universitaires à collaborer avec les médias

En expliquant au public pourquoi leur recherche est importante, les universitaires feraient un pas modeste mais néanmoins essentiel. On peut supposer qu’une grande partie des recherches dont les résultats sont publiés dans des revues spécialisées pourraient ou devraient revêtir un intérêt au-delà des cercles universitaires, en particulier aux yeux de ceux qui élaborent les politiques.

Dans leur article, Biswas et Kirchherr appuient précisément cette démarche. D’après eux, la recommandation aux chercheurs qui vivent en vase clos dans le monde des revues spécialisées est de sortir de ce carcan et d’engager un débat avec les médias généralistes : « Si les universitaires veulent avoir un impact sur les décideurs et les intervenants, ils doivent tenir compte des médias populaires qu’ils ont ignorés. » Il ne s’agit pas de rejeter les publications universitaires ni de réfuter les données importantes qu’elles communiquent, mais de prolonger le processus de publication.

Alors pourquoi n’est-ce pas encore le cas, ou du moins pas souvent ?

L’auteur d’un blogue de SciLogs, Kirk Englehardt, l’explique ainsi : « Le plus grand obstacle est que le milieu universitaire n’a pas encore trouvé un moyen d’inciter les chercheurs à s’absenter de leurs laboratoires pour aller à la rencontre du public. Les universités fonctionnent encore selon un ancien système qui attache seulement de l’importance à la production de travaux de recherche. »

Le médecin chercheur Daniel Cabrera a lancé un appel pour changer la manière dont les « facteurs d’impact » d’une citation dans une revue spécialisée servent à la promotion des carrières universitaires. Il propose que l’on mettre en place un système qui récompense également les chercheurs qui attirent l’attention du public et partagent leurs connaissances par l’entremise des médias traditionnels, nouveaux ou sociaux. Le décompte des revues et des citations ne suffit plus.

Cabrera fait valoir que de nombreuses données probantes sont maintenant disponibles et accessibles au public dans les médias traditionnels et sociaux. Il pense qu’il est temps que les universitaires s’impliquent au-delà des articles de revues spécialisées et communiquent leurs données et leurs idées à un public intéressé plus large.

Ces appels à la collaboration des universitaires avec les médias, et au-delà, ne sont en aucun cas isolés. C’est une sorte d’appel au clairon.

L’année dernière, le journal The Guardian publiait un commentaire enjoignant les universitaires de quitter leur tour d’ivoire et de présenter leurs travaux aux médias. Son auteure, Kristal Brent Zook, elle-même universitaire mais également journaliste, affirme s’être demandé pourquoi ses collègues chercheurs ne collaboraient pas et n’écrivaient pas plus souvent dans les médias : « Pourquoi n’entendons-nous pas davantage parler les personnes derrière les données ? » Elle a posé cette question à différents universitaires, et les réponses obtenues l’ont étonnée.

Il se trouve que la principale raison est la peur. D’après Zook, les chercheurs ne collaborent pas avec les médias parce qu’ils ont peur de l’inconnu que représentent les médias et leur fonctionnement, et le dialogue avec le grand public. Il existe également une méfiance tacite, voire une certaine hostilité, entre les universitaires et les journalistes, qui ont des cultures, des objectifs et des échéanciers distincts.

Toutefois, selon Sense About Science USA, la porte des journalistes est (presque) toujours ouverte. Les auteurs du site ont récemment publié de nouveaux guides sur les médias à l’intention des scientifiques et ont interrogé plus de 200 journalistes à cet effet. Ils ont constaté les faits suivants : 92 % des journalistes sont toujours ouverts quand des scientifiques les appellent pour partager de l’information ; 94 % disent qu’ils veulent savoir si leurs sources pensent avoir été mal citées ou mal représentées ; et 94 % lisent toujours ou la plupart du temps les articles universitaires en question avant de se mettre en rapport avec les scientifiques et demander une entrevue sur leurs recherches.

Que se passe-t-il lorsque les chercheurs sortent de la chambre d’écho que sont les revues universitaires ?

Dans son commentaire, Zook constate les effets positifs de la présence des chercheurs dans les médias. Une universitaire raconte que l’un de ses textes en ligne est devenu viral et s’est retrouvé dans de nombreux programmes d’études, ce qui lui a donné des occasions de rédiger de nouveaux articles de recherche, des chapitres d’ouvrages et même un livre ; indirectement, elle a aussi pu obtenir une bourse. « Cela a été un catalyseur », explique-t-elle. Une autre chercheuse observe qu’en écrivant pour les médias, elle a amélioré ses compétences rédactionnelles. Elle s’est rendu compte que ses articles étaient truffés de jargon et que ces grands mots étaient souvent une « béquille ». « Je dois condenser tout ce baratin et m’exprimer en termes clairs et précis. »

Dans un blogue publié récemment dans le British Medical Journal, David Payne fait écho à l’appel lancé en faveur d’une intervention plus grande des chercheurs auprès du public : « L’essence même du travail d’universitaire, c’est justement de faire connaître ses recherches au monde. N’abandonnez pas vos articles. » En d’autres termes, la publication d’un article n’est que le début du processus d’échange, et non la fin.

De même, Duncan Green souligne dans un blogue publié sur le site London School of Economics Impact que les chercheurs passent la grande majorité de leur vie professionnelle à l’intérieur des vénérables « murs à péage » des revues universitaires. Mais ils pourraient et devraient être plus actifs dans les nouveaux médias et les médias sociaux pour attirer l’attention du public sur leurs recherches.

Un article du Wall Street Journal intitulé « Why the Dean of Harvard Medical School Tweets » explique également comment une stratégie d’échange et de collaboration réussie — dans ce cas, en utilisant Twitter — peut donner un sens à la recherche au-delà du milieu universitaire en touchant d’autres éducateurs, des décideurs, des économistes et des politiciens, et en apportant d’importants bénéfices. Lorsqu’on met à profit les médias traditionnels et nouveaux pour atteindre un public plus large, on peut pérenniser la recherche et changer les choses.

Comment le public récolte les fruits du rayonnement universitaire

Intéresser le public par le biais des médias traditionnels et nouveaux est donc bénéfique à plusieurs égards pour le rayonnement universitaire, mais cela se révèle aussi bénéfique pour le grand public. Selon des données rapportées par Deepti Pradhan, seulement 2 % des citoyens des États-Unis sont engagés activement et officiellement dans une formation scientifique, alors que le reste de la population acquiert des connaissances par l’entremise des médias généraux. La diffusion de données probantes de qualité dans les organes d’information peut façonner les perceptions du public et nourrir les débats sur plusieurs enjeux politiques cruciaux. Un manque d’information, par contre, peut parfois avoir des effets désastreux.

La baisse des taux de vaccination est un bon exemple. Dans le cadre d’une étude dont les résultats ont été publiés l’an dernier, 60 chercheurs dans le domaine de l’autisme ont répondu aux questions d’un sondage concernant l’importance de communiquer leurs travaux au public. Alors que 59 % des répondants ont déclaré que leurs recherches pourraient présenter un intérêt pour les parents d’enfants autistes, moins de la moitié ont dit trouver « très important » de s’y consacrer eux-mêmes. Autrement dit, ces chercheurs estiment que cela ne fait pas partie de leurtravail. La moitié dit ne pas avoir l’occasion de communiquer avec le public, et la moitié encore estime ne pas en avoir le temps.

Mais les auteurs de l’étude soulignent les effets d’un tel manque de rayonnement. Ils constatent que de l’information erronée circule largement dans le domaine de l’autisme, y compris parmi les parents et les soignants d’enfants autistes. Les conséquences sont bien réelles, à commencer par les mythes malheureusement récurrents à propos des méfaits de la vaccination (voulant que les vaccins causent l’autisme, alors que cela est contredit par des preuves substantielles), qui ont des répercussions directes sur les taux de vaccination dans la population.

Les données probantes sont là, et c’est très bien, mais elles ne se rendent pas jusqu’au public. Le manque de communication entre les chercheurs scientifiques et le public « compromet les liens avec la collectivité qu’ils essaient d’aider », soutient un éditorial de la Simons Foundation Autism Research Initiative.

Appelant parmi d’autres à une présence universitaire accrue dans le monde au-delà des publications spécialisées, Ben Goldacre déclarait dans Times Higher Education que cet engagement est tout particulièrement nécessaire dans l’élaboration des politiques gouvernementales : « Il faut plus, et non moins, de cette interaction. » Cet universitaire publie régulièrement des articles dans les médias grand public et s’entretient avec les conseillers politiques et les politiciens en vue de faire rayonner la recherche au-delà des revues scientifiques, de manière qu’elle éclaire l’élaboration des politiques et des lois. Selon Goldacre, le personnel politique souhaitent vivement que des universitaires qui sont experts dans leur domaine exercent des pressions. Ils veulent s’appuyer sur des données probantes pour accomplir leur travail, et les universitaires souhaitent que leurs travaux aient une portée. Il s’agit en quelque sorte d’un mariage parfait.

Il existe toutefois des obstacles que l’on ne peut ignorer. Pour plusieurs universitaires, le défi réside dans le fait que même s’ils ont la volonté de s’engager dans de tels débats publics — ce qui veut dire se rendre là où se trouvent les différents publics, dans les médias traditionnels, nouveaux et sociaux —, ils ne savent souvent pas comment s’y prendre, et peu d’entre eux ont le temps ou les ressources pour le faire correctement.

Comment 700 mots peuvent faire bouger les choses

C’est exactement dans ce contexte qu’EvidenceNetwork.ca est né au Canada. Les universitaires fondatrices de ce réseau, Noralou Roos et Sharon Manson Singer, étaient frustrées par le fait que des travaux de recherche qu’elles connaissaient bien dans le domaine des politiques canadiennes de santé parvenaient rarement à une diffusion dans les médias grand public. Il y avait certes quelques exceptions notables, venant d’une poignée de journalistes aguerris dans le domaine de la santé, et par ailleurs éparpillés à travers le pays. Dans l’ensemble, elles constataient que les débats dans les médias étaient dominés par les exagérations des groupes d’influence de gauche et de droite ainsi que des partis politiques. Les positions extrêmes obtenaient du temps d’antenne, mais les nuances et la profondeur que l’on retrouve dans les recherches étaient évacuées.

Roos et Manson Singer désiraient introduire plus de données probantes dans les discussions et voir accorder un égal temps d’antenne au monde de la recherche universitaire. Elles ont donc fondé EvidenceNetwork.ca. Une contribution financière notable des Instituts de recherche en santé du Canada et de Research Manitoba allait leur permettre de bâtir un pont entre le milieu universitaire et le monde journalistique.

En consultation avec nos experts universitaires, nous avons découvert que les universitaires craignent souvent de perdre le contrôle sur le message et sur la manière de présenter leurs travaux s’ils accordent une entrevue traditionnelle dans les médias. Par ailleurs, nos conseillers médiatiques nous ont expliqué comment les universitaires ne parviennent souvent pas à adopter le ton, le style d’expression et l’ampleur des débats dans les contributions qu’ils proposent aux publications grand public.

C’est de cette tension qu’est née l’idée d’aider nos partenaires universitaires à rédiger des textes destinés aux pages d’opinion que l’on retrouve dans la plupart des organes d’information. Ces articles d’opinion influencent fréquemment les politiciens, les responsables de l’élaboration des politiques et autres décideurs. Il s’agit d’un genre médiatique lu par un grand nombre de personnes, et où les travaux scientifiques et leurs résultats peuvent apparaître au premier plan.

Nous avons adopté un modèle légèrement différent, en considérant que les universitaires n’ont pas tous les talents et ne peuvent satisfaire tout le monde. On ne peut s’attendre à ce qu’ils connaissent comme le fond de leur poche tout l’univers médiatique ou à ce qu’ils aient le temps ou l’envie d’entretenir des liens directs avec les journalistes et les éditeurs. Nous avons donc décidé de le faire pour eux. Ce qui n’était qu’une expérience en 2011 est devenu un service médiatique complet à l’intention des universitaires et un centre d’échange d’information qui réunit des articles originaux et de grande qualité sur les politiques en matière de santé, des articles prêts à être publiés dans les médias.

EvidenceNetwork.ca agit en tant que médiateur et service d’édition auprès des universitaires, auxquels on demande de rédiger une ébauche de leur texte d’opinion. Nous les guidons sur la manière de réaliser ce premier jet, en leur indiquant les choses à faire et à éviter, et prenons ensuite le relais. Le travail de notre équipe d’édition consiste à resserrer le texte d’opinion en prenant en considération les exigences de différents types de médias. Les premières versions des textes sont souvent élaguées pour en arriver à un nombre de mots précis, l’argumentation est resserrée et le jargon est remplacé par un vocabulaire simplifié ou un ton conversationnel qui correspond au style traditionnel du texte d’opinion.

L’auteur fait partie de ce processus, du début à la fin. Les textes d’opinion passent habituellement par trois étapes de révision et, si le sujet est controversé ou se rapporte de quelque façon à un enjeu politique, ils sont soumis pour examen à d’autres experts, qui valident l’équilibre et l’exactitude du contenu. Tous les éléments probants sont reliés à leurs sources par des hyperliens. Lorsque nous estimons que le texte est prêt à être publié, nous faisons approuver la version par l’auteur, puis EvidenceNetwork.ca entreprend au nom de l’auteur les démarches requises en vue de la parution de l’article dans les principaux médias.

Nous avons de solides données qui montrent que cela fonctionne. En 2015, nous avons édité plus de 100 textes d’opinion, dont nous avons assuré le placement dans les médias. Au cours de cette seule année, nous avons obtenu près d’une cinquantaine de publications dans les 5 principaux organes de presse (Globe and Mail, National Post, Toronto Star, La Presse et Le Devoir), de même que 191 publications dans d’autres journaux de grandes villes et 665 dans la presse régionale. Les résultats se sont d’ailleurs améliorés au fil des ans. Au total, en moins de 5 ans, nous avons assuré l’édition et le placement de 494 textes d’opinion, qui se sont traduits en plus de 2 000 publications médiatiques, depuis les plus grands organes de presse jusqu’aux journaux ruraux ou associés à des créneaux particuliers partout au pays.

À la suite de ces publications, les auteurs de textes d’opinion que nous avons accompagnés ont été cités par des ministres et ont été invités à des audiences parlementaires, à des comités et à des réunions préparatoires, aux paliers tant fédéral que provincial. Nos articles ont été les déclencheurs d’autres enquêtes médiatiques, d’éditoriaux et d’entrevues pour nos auteurs, que ce soit dans la presse écrite, sur le Web, à la radio ou à la télévision. Plusieurs auteurs ont reçu des prix de rayonnement universitaire de la part des universités les plus avant-gardistes. Il est difficile d’évaluer exactement dans quelle mesure les résultats de recherche publiés dans les textes d’opinion est pris en compte par les milieux politiques, gouvernementaux et autres. Une chose est sûre toutefois : la recherche est présente dans l’environnement social plutôt que de se confiner dans les revues universitaires.

L’amorce d’un mouvement mondial

Nous espérons que le pont que nous avons contribué à construire entre les médias grand public et la recherche universitaire inspire d’autres échanges et formes de collaboration entre ces deux milieux distincts. Nous souhaitons aussi que notre modèle misant sur les textes d’opinion soit repris par d’autres et ailleurs.

EvidenceNetwork.ca n’est certainement pas le premier média à s’engager dans cette voie. Plusieurs autres modèles visant à aider les universitaires à mettre en valeur leurs recherches auprès du grand public se sont révélés fructueux. Fondé à Prague mais avec un siège à New York, Project Syndicate propose des commentaires provenant d’universitaires, édités par des professionnels et prêts à la publication, à des médias ayant une diffusion mondiale, en se fondant sur un modèle d’abonnement (les médias s’abonnent à un tarif établi en fonction du service choisi). Project Syndicate affirme diffuser des contenus dans 476 médias répartis dans 154 pays.

Avec des équipes aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Australie, The Conversation, un fournisseur de contenu de qualité, mise sur la collaboration entre des journalistes et des universitaires pour « traduire » la recherche universitaire en articles d’information et d’analyse fondés sur des données probantes. The Conversation favorise la republication gratuite de tous ses articles sous la marque Creative Commons et forme des partenariats avec une diversité de médias afin de diffuser ces contenus à l’échelle mondiale. Son financement provient d’un large éventail de partenaires universitaires et de fondations.

Depuis des décennies, des think tanks de premier plan, comme l’Institut de recherche en politiques publiques et son magazine Options politiques/ Policy Options, ont mis la recherche en politiques publiques à la portée d’une diversité de lecteurs.

Quant au Centre canadien science et médias, il ne fournit pas directement de contenu aux médias, mais favorise la collaboration entre les journalistes et les experts universitaires, organise des webinaires et propose aux médias des explications et du matériel contextuel sur des questions de recherche complexes. Le Centre partage aussi avec les journalistes des articles universitaires dont la publication est imminente afin d’accroître la couverture médiatique des dossiers scientifiques. Financé par les secteurs privé, public et sans but lucratif, il assure son indépendance en refusant que plus de 10 % de son financement provienne de la même source.

Il existe aussi au Canada et aux États-Unis des projets visant à améliorer la place qui est accordée aux voix des femmes dans les médias. La ressource canadienne Informed Opinions offre des ateliers sur la rédaction de textes d’opinion dans des universités et auprès d’organisations non gouvernementales dans différentes régions du pays et fournit des conseils stratégiques pour aider les femmes à publier davantage de textes et être interviewées plus souvent par les médias. Le slogan humoristique qu’a adopté Informed Opinions, « What if I really am the best person ? » résume sans l’ombre d’un doute ce que ressentent un trop grand nombre de femmes universitaires au moment de se frayer un chemin dans les médias et de revendiquer leur place en tant qu’expertes. Shari Graydon, la fondatrice, a d’ailleurs réalisé une étude originale sur la sous-représentation des femmes dans les sources journalistiques au Canada. Malheureusement, malgré l’attention accordée à ce problème ces dernières années, les statistiques montrent que les choses n’ont pas changé depuis quelques décennies, alors que les femmes ne sont citées comme sources que dans une proportion de 21 % par rapport aux hommes. Les textes d’opinion représentent pour elles une occasion unique de garder le contrôle de leur voix et de leur message tout en diffusant leur expertise à de plus larges publics.

Il est grand temps qu’un mouvement mondial fasse rayonner les fruits de la recherche universitaire dans tous les milieux, sous une forme accessible, afin que cette contribution ne reste plus cantonnée derrière les « murs à péage » des revues spécialisées et devienne une source de changement dans le monde où nous vivons.

Nous avons tous intérêt à ce que les travaux universitaires soient largement diffusés et soient discutés en profondeur. Ce sont les faits qui comptent, et cela passe par une reconnaissance des données probantes.

Ce texte est une adaptation d’un livre numérique qui paraîtra bientôt sous le titre Why We Need More Canadian Health Policy in the Media. Dirigé par Noralou Roos, Kathleen O’Grady, Eileen Boriskewich, Mélanie Meloche-Holubowski, Carolyn Shimmin, Kristy Wittmeier et Nanci Armstrong, l’ouvrage pourra être consulté en différents formats, dont Kindle, Apple et Google.

Photo: Sergei25/Shutterstock.com

 


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Kathleen O’Grady
Kathleen O'Grady is a writer, editor and political strategist living in Ottawa. She is a research associate at the Simone de Beauvoir Institute at Concordia University, and the author and editor of numerous books and articles on health policy, women's and cultural issues. She is the director of QUOI Media Group.

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