Dans la littérature savante comparée, on a coutume de classer le Canada et le Royaume-Uni comme des pays appartenant aÌ€ la catégorie des EÌtats dits « libéraux ». Typiquement, l’EÌtat dans ces pays se limite aÌ€ suppléer au marché ou aux solidarités privées en cas de « défaillance » de celles-ci. Ainsi, c’est d’abord le marché qui doit é‚tre sollicité par celui qui a besoin d’aide, puis la famille (clause imposée par le droit civil), et ce n’est qu’en dernier lieu que le nécessiteux tombe dans le domaine de la respon- sabilité publique, qui s’exerce par une action limitée et ponctuelle. Les politiques publiques sont ainsi ciblées en direction de groupes identifiés comme les plus marginalisés. En matié€re de politique familiale, ces EÌtats sont générale- ment tré€s réticents aÌ€ intervenir dans ce qui relé€ve des attri- buts ordinaires de la famille et la problématique de la conciliation n’est pas un champ d’intervention publique tré€s couru. Pour ce qui est du soin aux enfants, l’aide publique est traditionnellement dirigée vers les familles pau- vres. De mé‚me, les structures de gestion de la « dépen- dance » ou de l’offre de soins, quand il y en a, sont tré€s décentralisées, formant un ensemble peu cohérent ouÌ€ pré- domine le secteur informel et privé.
L’examen des politiques adoptées récemment par le Canada, le Royaume-Uni et le Québec en matié€re de conci- liation travail-famille révé€le toutefois que le régime libéral de bien-é‚tre ne se caractérise pas uniquement par l’inaction de l’EÌtat ou de la collectivité, et mé‚me qu’il existe de multi- ples « façons de faire ».
Au cours des dernié€res années, le Canada et le Royaume-Uni ont en effet mis en place des changements importants aÌ€ leurs programmes de congés parentaux et de maternité. Ils se sont aussi engagés aÌ€ développer leurs services de garde aÌ€ l’échelle nationale. Ils ont également modifié leurs discours et leur perception de la conciliation travail-famille, bien qu’ils aient laissé aux entreprises le soin de mettre en place des horaires de travail plus flexibles, ce qui a donné lieu aÌ€ des résultats plutoÌ‚t mitigés. Ces réformes marquent un changement profond d’orientation des poli- tiques aÌ€ l’égard de la famille par rapport aÌ€ la traditionnelle attitude de non-intervention de l’EÌtat libéral dans la sphé€re familiale.
Les politiques québécoises apparais- sent, de ce point de vue, particulié€re- ment innovantes. L’apparition d’une politique familiale explicite, en tant qu’ensemble plus ou moins concerté de mesures destinées ouvertement aux familles aÌ€ la fin des années 1980, démar- que clairement la situation québécoise de celle des autres sociétés appartenant au régime libéral de bien-é‚tre, et cons- titue aÌ€ ce titre une rupture. AÌ€ la dif- férence du Royaume-Uni et des autres provinces canadiennes, la légitimité des interventions de l’EÌtat dans la vie familiale des Québécois est aujourd’hui largement reconnue. Le champ de l’in- tervention aupré€s des familles est ainsi devenu un terrain privilégié d’innova- tion politique et la thématique de la conciliation a contribué aÌ€ des réformes novatrices par rapport aÌ€ la logique « his- torique » du régime libéral. Le Québec offre un contre-exemple qui, s’il se pérennise, pourrait ouvrir la voie aÌ€ d’autres logiques d’intervention.
Que ce soit lors des discussions concernant l’accroissement des heures supplémentaires des tra- vailleurs britanniques, le manque criant de places en service de garde et la lutte contre la pauvreté des enfants, la conciliation travail-famille a été au centre de l’aré€ne politique des dernié€res années au Royaume-Uni. Cette lutte contre la pauvreté a d’abord consisté aÌ€ rendre le travail plus attrayant et plus payant, notamment par l’introduction d’un salaire mini- mum (en 1999) et par la généralisation des primes aÌ€ l’emploi aÌ€ tous les salariés (en 2003). Le Royaume-Uni offre égale- ment de généreuses allocations familiales universelles qui ont été constamment augmentées.
L’autre type de mesures a consisté aÌ€ améliorer les opportunités d’emploi des parents en favorisant la concilia- tion travail-famille par l’entremise de congés parentaux et de congés de maternité plus étendus et plus généreux. Au printemps 2003, le congé de maternité rémunéré est passé de 18 aÌ€ 26 semaines et les prestations ont été bonifiées. Le congé de maternité est clairement lié aÌ€ la situation en emploi puisqu’il ne concerne que les femmes bénéficiant de contributions suf- fisantes aux régimes d’assurance. Aucune disposition du congé de maternité ne garantit un retour dans le mé‚me emploi que celui précédemment occupé; cependant, l’emploi offert au retour du congé ne doit pas é‚tre moins bien rémunéré qu’avant. Une série de nouvelles mesures ont également été introduites en avril 2003 pour les nou- veaux parents, dont un congé de pater- nité payé d’une durée de deux semaines, un congé payé pour les parents adoptifs et un droit de requé‚te permettant aux parents de réduire leur durée de travail de 25 p. 100 sans com- pensation jusqu’aÌ€ ce que leur enfant atteigne l’aÌ‚ge de huit ans. Pour ce qui est du programme de congé parental, il est toujours le parent pauvre des poli- tiques familiales au Royaume-Uni. Instauré en 1999 suite aÌ€ la Directive de l’Union européenne sur les congés parentaux, qui établit un minimum de trois mois de congé impayé pour chaque employé, le congé parental bri- tannique est non rémunéré et d’une durée maximale de 13 semaines.
En 1998, le Royaume-Uni se dotait d’une premié€re Stratégie nationale en matié€re de service de garde (the National Childcare Strategy). AÌ€ plus court terme, le gouvernement du Royaume-Uni s’était fixé comme objec- tif d’assurer une place en service de garde de qualité et aÌ€ prix raisonnable pour tous les enfants de quatre ans et pour 70 p. 100 des enfants de 3 ans avant la fin de 2003. Les carences en service de garde ont longtemps été con- sidérées comme un frein majeur aÌ€ l’em- ployabilité des femmes.
Tout comme le Royaume-Uni, le Canada fait pié€tre figure en matié€re d’offre et d’accé€s aux services de garde et n’a aucune politique nationale en la matié€re. Cependant, les engagements du Royaume-Uni sont plus clairs que ceux du Canada, pour qui les services de garde passent par une meilleure entente entre les gouvernements des provinces et le fédéral. On estime qu’en 2001, seule- ment 12 p. 100 des enfants cana- diens de 0 aÌ€ 12 ans avaient une place en garderies. Pourtant, depuis 1980, les gouvernements fédéraux (conser- vateurs et libéraux) ont pris l’engage- ment d’investir dans un systé€me de services de garde aÌ€ l’échelle du pays, mais ces promesses ont été reléguées au second plan, suite aux échecs des négociations avec les gouvernements provinciaux et, pour mieux laisser place aÌ€ l’objectif du « déficit zéro » lancée par le gouvernement fédéral en 1995.
En fait, le support offert aux familles par le gouvernement canadien passe essentiellement par le systé€me fiscal (exception faite des congés parentaux et de maternité). Par exem- ple, la déduction pour frais de garde d’enfants permet aux parents de déduire une partie de leur frais en ser- vice de garde de leurs impoÌ‚ts, ce qui diminue le revenu imposable d’au maximum 7000$ par enfant par année. Une autre déduction d’impoÌ‚t pour personne aÌ€ charge (qui peut aussi é‚tre un époux) reconnaiÌ‚t aux familles qui le désirent qu’un des parents demeure aÌ€ la maison pour s’occuper des enfants. Le Canada n’offre pas aux parents de réelles subventions pour les services de garde, mais il fait en sorte que ces services représentent un couÌ‚t non imposable pour eux.
Bien que le gouvernement cana- dien n’ait pas de politique générale de réduction de la pauvreté, il a été fort actif sur le front de la pauvreté infantile depuis 1998. La réduction de la pauvreté infantile passe par l’employabilité des parents (en particulier les mé€res) qui est encouragée par des mesures visant aÌ€ ren- dre le travail payant, mé‚me pour les petits salariés. Le programme phare du gouvernement canadien aÌ€ cet égard est la Prestation nationale pour enfant (PNE), qui cible les enfants pauvres et dans laquelle le gouvernement a investi des sommes considérables, qui seront majorées graduellement d’ici 2007. Le gouvernement fédéral transfé€re égale- ment des sommes aux provinces afin qu’elles investissent dans des pro- grammes liés au développement de la petite enfance. Plusieurs provinces utilisent ces sommes pour consolider des programmes déjaÌ€ existants plutoÌ‚t que pour mettre en place un véritable réseau de services de garde. La situation qui prévaut dans ce secteur est pour le moins paradoxale dans un pays ouÌ€ l’em- ployabilité et la participation des parents au marché du travail sont les nouveaux mots d’ordre.
Les contradictions de la politique fédérale en matié€re de conciliation tra- vail-famille se reflé€tent aussi dans la récente extension du congé parental qui, en 2000, est passé de 26 aÌ€ 52 semaines payées aÌ€ raison de 55 p. 100 du salaire. L’extension du congé parental avait pour but de permettre aux parents de main- tenir leur attachement au marché du tra- vail et de réduire la demande pour les services de garde les plus couÌ‚teux, soit pour les enfants de moins d’un an. Toutefois, cette démarche apparaiÌ‚t con- tradictoire puisque l’admissibilité au sys- té€me d’assurance-emploi (qui donne droit aux congés parental et de mater- nité) a été réduite considérablement en 1996 lors de la réforme de l’assurance- emploi. Cette réforme a amené bon nom- bre de travailleurs aÌ€ temps partiel aÌ€ se retirer du systé€me dans son ensemble et les demandes de prestations de maternité ont chuté de 7,3 p. 100 entre 1996 et 1997. Malgré des assouplissements intro- duits en 2001 dans la législation, environ la moitié des femmes qui travaillent n’ont pas accé€s au congé de maternité.
Si le régime libéral de bien-é‚tre n’est pas resté insensible aÌ€ la cause de la conciliation travail-famille ces dernié€res années, l’intervention publique est tout de mé‚me restée li- mitée, tant au Canada qu’au Royaume- Uni, et ce en dépit du fait que le marché du travail y est relativement plus accessible aux femmes qu’il ne l’est dans les EÌtats d’Europe continen- tale et que le taux d’activité féminine y est relativement élevé. On continue d’entrevoir les mesures de conciliation en des termes propres aux EÌtats libéraux, comme faisant partie d’une politique d’emploi et d’activation plus vaste visant aÌ€ remettre au travail cer- taines catégories de prestataires, comme les mé€res seules. Dans ces deux pays, cette remise en emploi des mé€res a comme toile de fond une lutte contre la pauvreté chez les enfants et les familles, qui fait suite aÌ€ l’augmentation considérable de la pauvreté infantile durant les dernié€res décennies.
L’expérience québécoise suggé€re qu’il est possible de sortir de ce moule et de faire mieux. Jusqu’aÌ€ la fin des années 1970, le Québec avait, aÌ€ l’instar des autres provinces canadiennes, une politique familiale axée surtout sur les familles dans le besoin et des services de garde tré€s peu développés. Ce n’est qu’aÌ€ partir des années 1980 que le développement d’une politique familiale d’envergure devint un objectif explicite des acteurs politiques et de la société civile au Québec. Si les 10 premié€res années de la politique familiale québécoise (de 1987 aÌ€ 1996) se sont surtout concentrées sur des préoccupa- tions démographiques et des objectifs natalistes, la mise en place des nouvelles dispositions de la politique familiale en 1997 témoigne d’un éloignement consi- dérable de l’approche nataliste en direc- tion d’une approche favorisant la conciliation travail-famille et l’interven- tion aupré€s de la petite enfance. Alors que le Canada et les autres provinces se dotent de politiques d’aide aÌ€ la famille de plus en plus sélectives qui ciblent en premier lieu les familles aÌ€ faibles revenus, le gouverne- ment du Québec s’engage dans le développement de politiques universelles pour les familles.
AÌ€ l’automne 1996, le gouverne- ment du Parti québécois, bénéficiant de l’impulsion déterminante du Premier Ministre de l’époque, Lucien Bouchard, et de la ministre respon- sable de la Famille, Pauline Marois, annonçait ainsi trois nouvelles disposi- tions en matié€re familiale, dont deux touchaient directement l’objectif de la conciliation :
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Le développement progressif d’un réseau public de services éducatifs aÌ€ la petite enfance (CPE) au prix fixe de 5$ par jour, accessible aÌ€ tous les enfants, ainsi que des ser- vices de garde en milieu scolaire, aussi aÌ€ 5$ par jour, pour les enfants qui fréquentent la mater- nelle ou une école primaire du secteur public.
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L’instauration d’une nouvelle allo- cation familiale variant en fonc- tion de la situation familiale (famille monoparentale ou biparentale), du revenu familial et du nombre d’enfants. Jusque-laÌ€ universelles, ces allocations sont depuis 1997 sélectives aÌ€ l’image des prestations fiscales cana- diennes, et en ce sens, tout aÌ€ fait conforme aÌ€ la tradition libérale d’intervention sociale.
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Enfin, un projet d’assurance parentale, incluant un congé pour les pé€res, plus accessible et plus généreux que celui offert actuellement par le régime d’assurance-emploi du Canada, et qui doit faire l’objet de négociations avec le gouvernement fédéral.
Comme le Canada, le Québec compte aussi sur la bonne volonté de l’entreprise privée afin qu’elle assume ses responsabilités « sociales ». Ainsi, selon le Plan concerté pour les familles du Québec développé par le gouverne- ment québécois en mai 2002, l’EÌtat s’en- gage a donné l’exemple aux entreprises en devenant lui-mé‚me un employeur soucieux de l’équilibre travail-famille et en faisant de ce thé€me un élément important des prochaines négociations en vue du renouvellement des conven- tions collectives du secteur public. Dans un mé‚me ordre d’idées, le gouverne- ment a procédé aÌ€ des modifications aÌ€ la Loi sur les normes du travail faisant passer de 5 aÌ€ 10 le nombre de journées par année ouÌ€ un employé peu s’absenter du travail ”” sans salaire toutefois ”” pour des raisons familiales. Le Québec est d’ailleurs l’une des seules provinces, avec l’Ontario et la Colombie- Britannique, aÌ€ offrir un congé pour obli- gations familiales, mais les modalités sont un peu différentes d’une province aÌ€ l’autre (le Québec prévoit 10 jours, l’Ontario également mais seulement pour les employés des entreprises de plus de 50 employés et la Colombie-Britannique 5 jours).
En perspective comparée, les mesures envers les familles du Québec relé€vent de différentes logiques d’inter- vention, faisant davantage penser aÌ€ un processus d’hybridation des systé€mes de bien-é‚tre qu’aÌ€ un mouvement de conti- nuité avec l’idéal-type d’origine. Ainsi, la mesure-phare de la politique familiale québécoise, la mise en place des centres de la petite enfance, appartient plus aÌ€ une approche scandinave de la pro- blématique de la conciliation, notam- ment par son caracté€re universel. De mé‚me, le projet d’assurance parentale généreux sur papier emprunte aux pra- tiques suédoises.
D’autres éléments rapprochent les politiques québécoises des politiques françaises. C’est le cas des mesures dites natalistes (présentes au Québec aÌ€ partir des années 1970 jusqu’au milieu des années 1990), mais c’est surtout le cas des institutions intervenant dans le champ « famille ». Comme en France, le Québec s’est doté d’un Conseil de la Famille et de l’Enfance et d’un mi- nisté€re du mé‚me nom (rattaché, depuis l’élection du Parti libéral du Québec au ministé€re de l’Emploi et de la Solidarité). Enfin, comme en France (et aÌ€ la différence de l’ensemble des autres pays industrialisés) existent au Québec des associations familiales actives qui ont joué et jouent encore un roÌ‚le de premier plan dans les débats entourant la politique familiale. Couvrant un large spectre de tendances et d’attitudes, le mouvement familial a su rallier aÌ€ certaines de ses revendications, notamment les revendi- cations en matié€re de services de garde, le mouvement des femmes. Cette alliance, pour surprenante qu’elle soit, a notamment permis aÌ€ ces acteurs de porter le projet politique de valorisation et de prise en charge collective des questions reliées aÌ€ la famille jusqu’au sommet de l’EÌtat.
Ceci étant dit, le nouveau gou- vernement élu en avril 2003 ne semble pas porter une attention aussi soutenue aux questions reliées aÌ€ la famille. Le gouvernement actuel, au nom de la nécessaire « réduction de la taille de l’EÌtat » et au nom du « libre- choix » des parents, ne prévoit pas faire la promotion de solutions collec- tives aÌ€ la question de la conciliation. Il propose plutoÌ‚t de concentrer son action sur la réduction d’impoÌ‚t des familles avec enfants (et en particulier celles avec de jeunes enfants) et de développer les garderies privées en remettant en question les deux fonde- ments du systé€me des CPE; le principe de l’universalité (qui consiste en un couÌ‚t unique pour tous les parents peu importe leurs revenus) et le maintien d’un réseau de services de garde public.
Dans ce contexte, les chances de survie du « modé€le québécois » de poli- tiques familiales paraissent faibles. Parce qu’au Québec, il ne s’agit pas seulement de mettre en place des directives européennes mais bien de sortir du « moule libéral » dans un ensemble géo- graphique, l’Amérique du Nord, peu porté aÌ€ se tourner vers l’EÌtat pour résoudre les questions sociales. Toute réforme majeure en ce domaine nécessite la présence d’un gouvernement tré€s volontariste, porteur d’un projet poli- tique global; ce qui ne semble pas é‚tre le cas du gouvernement en place.
Malgré tout, il est peu probable, que le Québec suive la voie américaine ou celle des provinces conservatrices du Canada (comme l’Alberta) pour des raisons d’ordre culturel (la légitimité plus grande de l’intervention de l’EÌtat), historique (la présence d’acteurs so- ciaux qui veillent au grain) et institu- tionnel (le dossier famille est déjaÌ€ ancré dans des structures). Il ne faut pas oublier que l’intervention de l’EÌtat aupré€s des familles remonte aux années 1960 (pour ce qui est du gouvernement québécois) et n’a fait que s’accroiÌ‚tre depuis. Ainsi, les dépenses du gouverne- ment québécois en direction des familles ont augmenté de manié€re con- tinue depuis le milieu des années 1980, contrairement aÌ€ la tendance observable au palier fédéral. Mé‚me si une stagna- tion ou un arré‚t du développement est fort probable, un retour en arrié€re sem- ble plus difficile aÌ€ envisager, ne serait-ce qu’en raison des couÌ‚ts politiques, le programme des services de garde jouis- sant d’un fort appui populaire.
L’analyse comparative des interven- tions aÌ€ l’égard de la famille dans la période récente, nous apprend deux choses : que les EÌtats libéraux évoluent avec leur temps et doivent répondre, eux-aussi, aÌ€ de nouveaux « problé€mes sociaux » (celui de la conciliation en étant un de taille); que les réponses apportées, en termes de politiques publiques mises en place, suivent la logique d’ensemble du régime libéral, aÌ€ moins d’un gouvernement ayant une volonté politique extré‚mement forte de faire autrement. Le premier enseignement soulevé éclaire sous un jour un peu différent le débat concer- nant la « grosseur » de l’EÌtat. En effet, les problé€mes sociaux aux- quels nos sociétés modernes sont confrontées se diversifient et se complexifient. Il n’est pas éton- nant alors que l’intervention de l’EÌtat suive elle aussi cette voie, et apparaisse laÌ€ ouÌ€ on ne la con- naissait pas (le terrain de la famille), mé‚me si la mise en œuvre concré€te des politiques élaborées peut faire intervenir d’autres acteurs que l’EÌtat, comme c’est le cas au Québec. Le deuxié€me enseigne- ment nous montre clairement que si on veut défendre des solutions novatrices, qui sortent du cadre libéral toujours restreint (comme prendre en charge de manié€re universelle la garde des jeunes enfants), les effets d’annonce ne suf- firont pas. Quel que soit le palier d’in- tervention retenu, il faudra mettre en place un travail législatif contraignant.
Une version antérieure de cette article a été publiée dans la revue belge Politiques Sociales, en novembre 2003.