L’arrivée de l’Internet est en voie de changer tout le fonc- tionnement de la société. Les façons de produire et de livrer les biens et services aux agents économiques sont déjà en pleine mutation. Les gouvernements ont commencé à utiliser la technologie Internet pour communiquer avec les citoyens, les entreprises et organismes. Mais nous en sommes encore au tout début et la technologie n’a pas encore transfor- mé en profondeur les façons de faire des gouvernements. Ces derniers ont lancé divers forums pour réfléchir sur les inci- dences d’Internet sur leur structure, sur les façons de produire et livrer les services publics et de façon plus générale sur leurs relations avec la population. Le passage de l’ère Industrielle à celle de l’Information va transformer en profondeur l’institu- tion démocratique qu’est le gouvernement.

Dans ce premier article, nous examinons comment Internet modifie les paradigmes de gestion et les façons de faire dans le secteur privé de l’économie pour apprécier les transformations qui sont en voie de se produire dans les appareils publics. Nous analysons l’incidence de ces change- ments sur la qualité et le coët des services publics.

Jusqu’au début des années 1990, les technologies de l’in- formation étaient considérées comme une façon d’améliorer la productivité d’un maillon de la chaîne des valeurs ou encore d’offrir de meilleurs produits ou services à la clientèle. Une telle amélioration à la marge du processus de production ne remettait pas en cause le modèle d’affaires d’une entreprise. Avec le développement des réseaux télé- matiques, un nouveau paradigme de gestion est apparu : cette première vague d’innovation dans les modèles d’affaires est illustrée à la figure 1.

La venue d’Internet accélère ces mutations de l’économie. Internet réduit les barrières à l’entrée sur les marchés et contribue à fragmenter davantage la chaîne des valeurs ajoutées à l’échelle mondiale. Des produits autre- fois considérés à valeur ajoutée deviennent des « com- modités ». On observe une disparition de divers intermé- diaires et en contre-partie, une ré-intégration électronique de la chaîne de valeur ajoutée. Le contact avec le client (7/24) permet une « personnalisation de masse » des pro- duits et services.

De nouveaux modèles d’affaires ainsi qu’une culture originale de gestion permettent l’éclo- sion de jeunes entreprises. Des compagnies comme Cisco et Dell à travers tout un réseau de sous-traitants et d’alliés stratégiques créent des partenariats d’information qui se présentent sous la forme d’une chaîne de valeur ajoutée électroniquement intégrée. Dans un tel partena- riat, l’information est transparente et chaque intervenant sait qui fait quoi et à quel moment le faire.

Des grandes corporations comme Ericsson, Motorola, Sony, Toyota, Microsoft, etc. adoptent des versions de ce modèle d’affaires en sous-trai- tant à des fournisseurs de services manufacturiers électroniques (comme Solectron, Flextronics, Celestica… ) toute la fabrication de leurs produits afin de se concentrer sur les activités à très haute valeur ajoutée : marketing, service après-vente, R & D, financement.

De l’entreprise bureaucratique, tournée vers l’intérieur, repliée sur ses propres besoins et opérant à travers des départements souvent étanches, on passe à l’entreprise dégroupée en diverses unités et décloisonnée qui repose à travers des réseaux de communication, sur une circulation fluide de l’in- formation à la fois de façon verticale et horizontale. Une circulation horizontale de l’information signi- fie l’abandon de l’architecture organisationnelle fondée sur les départements où le personnel pro- tégeait l’information. Le fonctionnement en « silo » n’est plus approprié dans une entreprise-réseau. Il s’agit ici d’une des transformations des entreprises souvent difficiles à implanter parce qu’elle s’attaque à des vieilles façons de faire et touche la culture des organisations. La firme en réseau est également tournée vers l’extérieur et à l’écoute du marché et opère en mode de commerce en ligne avec ses sous- traitants, partenaires et clients.

Dans ce monde de transparence de l’infor- mation, l’organisation des ressources humaines est profondément transformée. Les travailleurs fonctionnent de façon très souple et également dans un mode coopératif en partageant l’infor- mation. Des conventions collectives rigides issues de l’ère de l’industrialisation sont incompatibles avec de tels modèles d’affaires. Dans un environ- nent où on délègue des responsabilités aux tra- vailleurs, une rémunération fondée sur la pro- ductivité devient essentielle.

Au delà des pionniers comme Dell qui ont adopté d’emblée le modèle de l’entreprise-réseau, l’adoption de ce mode d’organisation se fait à des rythmes différents selon les secteurs d’activité (Mandel, M. J. et R. D. Hof, « Rethinking the Internet », Business Week, 26 mars 2001). De jeunes entreprises sans héritage technologique et culturel ont pu adopter plus facilement ce mo- dèle d’affaire souple et décentralisé où la relation avec le client domine les opérations des unités d’affaires. Dans le cas d’entreprises tradition- nelles, le passage à un tel modèle est plus laborieux et se heurte à des obstacles culturels, technologiques et organisationnels. Ce retard peut créer des problèmes majeurs pouvant même entraîner la faillite. Enfin, il faut souligner que de jeunes entreprises Internet qui n’avaient pas de modèles d’affaire cohérents et rentables ont fait faillite ou encore ont dë modifier leur mission d’affaire pour survivre. En somme, il ne suffit pas d’utiliser la technologie numérique pour être rentable; il faut aussi avoir un modèle d’affaire qui permet de livrer biens et services aux clients de façon concurrentielle.

Certaines entreprises autrefois protégées de la concurrence ou en monopole, fortement bureaucratisées et dominées par une culture non marchande peuvent éprouver des difficultés con- currentielles. Habituées à imposer à la clientèle des produits ou services jugés appropriés sur des critères techniques, tout en ayant la capacité de refiler à cette clientèle les coëts de développement, de production et de livraison des produits, de telles entreprises peuvent avoir de la difficulté à fonc- tionner dans le nouveau contexte concurrentiel.

Des entreprises du secteur de l’énergie ou des télécommunications avec l’ouverture de la con- currence et l’arrivée d’Internet se sont retrouvées dans cette situation. D’ex-monopoles de la télé- phonie, par exemple, éprouvent présentement de sérieuses difficultés concurrentielles.

L’exemple d’entreprises lentes à changer leur modèle d’affaires nous rapproche de la cul- ture et des façons de faire du secteur public. L’inefficacité de l’appareil gouvernemental et la lourdeur bureaucratique sont illustrées à la figure 2, ci-haut.

Il est cependant erroné de croire que l’ab- sence de concurrence fait en sorte qu’il n’y a jamais de sanction de marché reliée à la presta- tion des services gouvernementaux. Un gou- vernement peu efficace, lourd et très bureau- cratisé doit imposer un fardeau fiscal plus élevé qui réduit la compétitivité d’une économie. De plus, des délais ou encore une complexité dans la livraison des services publics retardent les déci- sions d’affaires et peuvent ainsi affecter le niveau des investissements. Des coëts de conformité élevés réduisent la capacité concurrentielle d’une économie. De plus, lorsque les gouvernements occupent une part importante dans une économie, ils exercent un effet d’entraînement sur les façons de faire des divers agents économiques. Un gouvernement qui a une organisation lourde et peu dynamique n’incite pas les citoyens et les entreprises, en particulier les PME, à être efficaces et à changer leurs façons de faire.

De plus, une organisation du travail fondée sur de vieux modèles d’organisation est loin des façons de faire de l’économie numérique. Dans ces conditions, un gouvernement qui tarde à passer au numérique amoindrit la capacité con- currentielle d’une économie.

Les gouvernements ont, comme plusieurs entreprises, hérité d’une structure issue de la révolution industrielle : l’activité gouverne- mentale se présente à travers des ministères, des organismes publics ou encore, parapublics. Plusieurs gouvernements fonctionnent encore en « silo ». Chaque ministère possède sa bureaucratie et souvent ne partage pas l’infor- mation qu’il possède avec les autres ministères ou organismes publics. De plus, même à l’in- térieur d’un ministère, l’information ne circule pas toujours de façon horizontale alors que diverses unités ne connaissent pas les activités d’autres secteurs.

La notion de guichet unique gouvernemental prenant la forme d’un portail sur le Web est relativement nouvelle (Alcock R. and D. G. Lenihan, « Opening the e-Government File : Governing in the 21st Century, Results of the Crossing Boundaries cross-country Tour », Changing Government, Volume 2, January 2001).

Un tel portail permettrait aux contribuables de traiter facilement et de façon transparente avec tout l’appareil gouvernemental. Les citoyens ont souvent à traiter avec de multiples unités soit à l’intérieur d’un ministère ou soit à travers divers ministères avant de recevoir le service auquel ils ont droit. Divers ministères ont des missions qui se chevauchent de sorte que l’on se retrouve avec des duplications ou encore un éparpillement de l’information qui génèrent des coëts élevés d’interaction. Pour guider les entreprises à travers le dédale des divers pro- grammes gouvernementaux, il existe des firmes de conseillers qui préparent des logiciels réper- toriant toutes les aides de l’État disponibles par ministère et organisme public. Ces services privés à la manière d’un portail réduisent les coëts d’interaction. Ils illustrent en même temps l’opacité, la fragmentation et en con- séquence la difficulté d’obtenir de l’informa- tion qui devrait être facilement accessible puisque produite avec l’argent des con- tribuables.

De plus, une fois résolu le problème de la cueillette d’information, il faut ensuite savoir la traiter et l’utiliser pour éventuellement faire une transaction avec un ou des ministères. À nou- veau ici, des experts-conseils aident les entre- prises à faire une transaction. Les PME qui n’ont pas toujours les moyens de payer les services de ces experts sont donc pénalisées alors que plusieurs aides gouvernementales leur sont des- tinées. Au Canada, les problèmes d’accès à l’information, de chevauchement des actions des gouvernements et de capacité à faire des tran- sactions avec les corps publics deviennent encore plus complexes en raison des trois paliers de gouvernement.

Un des facteurs majeurs qui expliquent ces coëts élevés de transaction et de confor- mité découle de l’organisation bureaucratique des gouvernements. Une telle organisation ne met pas le client au centre du processus de production et de livraison des services publics. De façon semblable aux entreprises en régime de monopole, la bureaucratie établit, en fonction de critères qui lui sont propres, une architecture organisationnelle avec laquelle les clients (citoyens, entreprises, organismes…) doivent composer. Avec l’arrivée d’Internet, plusieurs gouvernements ont fait des efforts remarquables pour rendre l’information et les services plus faciles d’accès pour les contribuables dont nous discuterons dans un second article. Cependant les administrations publiques commencent à peine à intégrer dans leurs façons de faire le nouveau paradigme qui consiste à incorporer la technologie dans un modèle de gestion pour mieux servir les clients.

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L’implantation d’un modèle qui s’apparenterait à celui des entreprises qui ont numérisé leur organisation devrait relever des cadres de haut niveau ainsi que des ministres concernés et non des cadres ou experts respon- sables des TI. Ces derniers qui jouent un rôle essentiel dans le déploiement des moyens de communication ne sont généralement pas dans une position pour prendre des décisions stratégiques qui vont transformer en profondeur les façons de faire de l’appareil gouvernemental. Dans le fonctionnement conventionnel d’un gouvernement, les bureaucrates vont demander aux experts en TI d’améliorer les réseaux exis- tants avec de nouveaux équipements ou logi- ciels; ou encore, de bâtir un site Internet pour fournir de l’information sur un département du ministère et ainsi de suite. D’autre part, dans le contexte de relative stabilité technologique qui prévalait jusqu’à tout récemment, il pouvait en coëter moins cher de faire l’achat d’équipements plutôt que de les louer. De plus, pour diverses raisons comme la sécurité du transport d’information, l’État a souvent préféré être propriétaire du réseau. Dans cet environ- nement, les experts en TI chercheront des solu- tions qui peuvent s’harmoniser avec le réseau que détient le gouvernement.

Avec un tel héritage à la fois tech- nologique et de culture organisationnelle, il est difficile de remettre en cause les façons de faire de l’appareil gouvernemental. On va plutôt se soucier d’améliorer le fonction- nement existant et aussi de possiblement réduire les coëts de fonctionnement de l’ap- pareil d’État. Le modèle traduisant la séquence de décision est illustré à la figure 3.

Il s’agit donc d’une approche incrémentielle où l’amélioration technologique, s’il en est, facilite les tâches bureaucratiques. Il est possible que le contribuable obtienne certains bénéfices mais le service au client et le souci des coëts d’in- teraction et de conformité ne sont pas au centre du déploiement technologique.

Comme le mentionnent Alcock et Lenihan dans l’étude citée plus haut, on ne retrouve pas à ce stade-ci une définition universelle du gou- vernement numérique. Un modèle de gouverne- ment numérique devrait à tout le moins com- porter les caractéristiques illustrées à la figure 4 : l’organisation, centrée sur le client et non sur les besoins de la bureaucratie, fonctionne selon des grands thèmes, comme le développement économique qui comprendrait diverses ressources provenant de différents ministères (finance, industrie et commerce, commerce international, développement des régions, etc.). Une telle orga- nisation permettrait, à terme, une fluidité de l’in- formation et sa circulation horizontale et verti- cale. L’accès à l’information serait rendu possible grâce à un méga portail, utilisable par les citoyens, les entreprises et l’ensemble des organismes gou- vernementaux. Sur ce site, les services pourraient devenir personnalisés et le portail pourrait opérer comme une place de marché électronique. Cependant, pour des raisons de sécurité, un tel portail suppose une protection à toute épreuve de chaque site et une signature numérique pour chaque contribuable (Heather Harreld, « Redtape.gov? », CIO Magazine, 15 September 2000).

Le modèle traduisant l’approche numérique est illustré à la figure 4. En comparant ce graphique au précédent qui illustrait le modèle bureaucratique, on constate que l’approche est inversée :

  • Le modèle numérique met le client au centre de l’organisation gouvernementale; les choix de gestion et de technologie ne sont pas faits pour mieux servir les fonctionnaires.

  • Dans le nouveau contexte d’évolution technologique, les gouvernements font des ententes avec des partenaires qui prennent en charge les aspects technologiques et leur mise à jour. De cette façon, le gouvernement s’assure d’un accès rapide, sécuritaire et à jour au réseau Internet et migre ainsi toutes ses communica- tions vers des plates-formes IP.

  • Dans ces circonstances, l’organisation architecturale de l’État doit être revue en pro- fondeur : abolition de ministères, regroupement des ressources par grands thèmes et ainsi de suite. Comme dans le secteur privé, ces transfor- mations conduisent à ce que l’on désigne comme le « travail coopératif » qui ne connaît plus les barrières des départements ou dans le cas présent, des ministères ou organismes.

Une ré-organisation aussi profonde des façons de faire de l’État aura plusieurs con- séquences dont les plus importantes seraient les suivantes :

  • Une amélioration considérable de la qualité de la livraison des services aux con- tribuables. Le citoyen ou l’entreprise retrouverait sur un portail et sur son site personnalisé toute l’information pour traiter avec l’État. Une inter- vention humaine, comme c’est le cas dans les entreprises qui ont adopté une telle organisa- tion, serait toujours disponible mais nécessaire ou utile pour une proportion relativement faible des interactions comme le démontre l’expé- rience de ces entreprises.

  • Une baisse importante des coëts d’inter- action et de conformité pour tous les agents économiques ayant à transiger avec les gouverne- ments. Cette réduction des coëts permettrait de dégager des ressources dans l’ensemble de l’économie qui seraient utilisées à des fins plus productives ou utiles. Le terme « ressources » est utilisé ici dans un sens large et englobe par exem- ple, le temps de loisir récupéré par les citoyens qui n’auront plus à faire la queue ou traiter avec plusieurs fonctionnaires pour obtenir un service ou faire une transaction.

  • Une baisse importante des coëts de fonc- tionnement des appareils d’État. Un premier gain important pour les organisations où l’information circule de façon fluide à travers un réseau élec- tronique est l’identification des chevauchements et doubles emplois. On pourrait au sein d’un mi- nistère ou organisme et entre ministères et orga- nismes éliminer les dédoublements, regrouper et simplifier l’information. L’élimination de ces dédoublements et la possibilité de transiger élec- troniquement avec l’État permettrait de réduire à terme de façon significative la bureaucratie gou- vernementale. En conséquence, les gouverne- ments pourront réduire le fardeau fiscal des con- tribuables et la dette publique pour se redonner une marge de manoeuvre. Enfin, des ressources pourraient être ré-affectées à des services jugés prioritaires comme la santé et l’éducation.

  • Au niveau qualitatif, une fois en place les plates-formes pour transiger avec les citoyens et entreprises, il serait facile et peu coëteux pour éclairer les choix politiques, économiques et autres, de fournir à tous ceux qui traitent avec l’État de la nouvelle information ou plus exactement, de l’in- formation qui est présentement peu accessible.

Les gouvernements qui passent à la gestion numérique donnent ainsi un avantage compétitif considérable à leur économie. Le retard à passer au numérique deviendra de plus en plus coëteux en terme d’activités économiques perdues et aussi d’une qualité de vie moindre pour l’ensemble de la collec- tivité. La présence d’un cyber-gouvernement dans une économie qui a pris le virage numérique peut se présenter à l’aide du modèle illustré à la figure 6. 

D’autres conséquences importantes découlant de l’arrivée du gouvernement numérique peuvent être mentionnées briève- ment en conclusion. En premier lieu, il y a la capacité de transiger facilement avec l’État et de posséder une signature numérique ouvre la voie à une nouvelle forme de démocratie. Sur des déci- sions majeures, on pourrait obliger les gouverne- ments à consulter les électeurs par voie électro- nique. Il y a aussi toute la question de l’accès des citoyens à un tel réseau de communication élec- tronique. Diverses solutions comportant des dimensions fiscales, éducatives et technologiques devront assurer un accès aux services en-ligne à tous les citoyens. Comme on l’a fait pour la télé- phonie, l’accès aux services en-ligne du gou- vernement devra être considéré comme un bien essentiel et disponible à peu de frais pour tous. Enfin, l’accès à un dossier intégré du citoyen ou de l’entreprise soulève la question du respect de la vie privée et de la confidentialité; c’est un enjeu complexe qui comprend des éléments technologiques, politiques et éthiques.

Enfin, avec les transformations de l’appareil public que suppose le passage au numérique, on peut s’attendre à ce qu’un tel mouvement ne soit pas facile et se heurte à plusieurs obstacles. C’est ce que nous examinerons dans le prochain article.

 

Anne-Laure Pernée, étudiante graduée de l’École des sciences de gestion de l’UQAM a travaillé comme chargée de recherche dans la préparation de cet article. Un deuxième article sur ce sujet sera publié dans un prochain numéro d’Options politiques.

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