Au printemps 2003, en compa- gnie de l’ancien ministre péquiste Joseph Facal et du prési- dent de l’ADQ Guy Laforest, j’ai eu le privilé€ge dans ces pages d’analyser les grands enjeux de la dernié€re campagne électorale. Apré€s un an de pouvoir, les premiers bulletins de notes sont main- tenant complétés. Une chose apparaiÌ‚t évidente. Il est de bon ton de condamner et de critiquer sévé€rement le gouverne- ment Charest. Avec des sondages expri- mant un taux d’insatisfaction élevé, il ne faut pas se surprendre que certaines analyses soient si négatives. Certains ont mé‚me eu peine aÌ€ trouver un seul geste positif de la part du gouvernement. D’autres, plus au fait des difficultés de gouverner, reconnaissent que cette premié€re année en fut une de rodage, d’apprentissage de l’exercice du pouvoir et entrevoient des jours meilleurs pour le gouvernement.
S’il y a bien une chose que l’on ne peut reprocher au gou- vernement Charest, c’est bien l’inaction, l’immobilisme. On oublie peut-é‚tre un peu trop rapi- dement que le PLQ a été élu sur une vague de changement. Et qu’il s’agisse des défusions, des amende- ments au Code du travail, des réformes des modes d’intervention des sociétés d’EÌtat, de la révision de la politique fami- liale, des modifications aux structures dans le systé€me de santé, personne ne peut prétendre que les gestes législatifs du gouvernement Charest ne sont pas en droite ligne avec sa vision des choses. Pourrait-il faire mieux? Bien suÌ‚r. Le par- cours est loin d’é‚tre parfait. Parfois, on n’a pas su faire la part des choses entre les dossiers d’intendance (la gestion dans le systé€me de santé, la crise aÌ€ Kanesatake) et les dossiers de vision (les finances publiques, la crise démographique, le roÌ‚le et les interventions de l’EÌtat dans l’économie, la défense des intéré‚ts du Québec au sein de l’ensemble canadien, etc.). Davantage que des problé€mes de « communication », c’est le timing stratégique et le manque de pédagogie qui, par moments, ont fait défaut.
En ce qui concerne le style et les méthodes de gouvernance, le cercle des initiés qui critique le gouverne- ment comprend tant les sondeurs, la presse parlementaire que les représen- tants des groupes d’intéré‚ts. Tous ont leur point de vue, plusieurs font état de l’incontournable consensus social et certains prétendent que les « choses allaient donc mieux » sous l’ancienne administration péquiste.
Depuis le début des années 1980, il est vrai qu’il s’est développée au Québec une culture du « consensus » aÌ€ laquelle tant le PQ que le PLQ ont participé. Il est vrai également que depuis la dernié€re confrontation majeure de 1983 sous le PQ, les relations entre les syndicats et l’EÌtat sont, malgré les soubresauts inévitables, relativement correctes. Alors, quand la rhétorique syndicale a atteint des sommets cet automne, on a rapide- ment reproché au gouvernement Charest ses méthodes de gouvernance ; on l’a accusé d’avoir « briser » la paix sociale et de ne pas œuvrer dans le sens du « consensus social ». Il va de soi que, lorsque des changements sont néces- saires, le « consensus social » est mis aÌ€ l’épreuve. Mais depuis quand un gou- vernement doit-il mettre de coÌ‚té ses con- victions les plus légitimes, lorsque derrié€re la contestation se profile l’agenda politique des organisations syn- dicales, des groupes communautaires et du principal parti d’opposition? S’il fal- lait toujours gouverner par « consen- sus », ce serait si facile de retraiter devant l’adversité plutoÌ‚t que de l’affronter et de poursuivre une démarche de change- ment. Imaginons un peu le Québec d’au- jourd’hui si Jean Lesage avait fait marche arrié€re devant les résistances de l’époque.
La pertinence et les qualités d’un gou- vernement ne tiennent pas qu’aÌ€ ses politiques du moment ou aÌ€ la manié€re dont elles sont présentées et adoptées. La force de caracté€re, la détermination et la volonté politique d’agir sont le ferment essentiel qui permet au gouvernement de se distinguer au fil des ans. La force de caracté€re se reconnaiÌ‚t dans le courage, les convictions, la détermination, la compassion et l’intégrité des personnes. AÌ€ cet égard, jusqu’aÌ€ présent, le gouverne- ment Charest a performé admirable- ment. Cela ne se reflé€te pas nécessairement dans les sondages du jour, mais se sont laÌ€ les qualités qui font ou défont les gouvernements.
Sans aucun doute, ce fut une premié€re année ardue pour le gouvernement. Mé‚me M. Charest a admis qu’il aurait pu, dans certains cas, agir dif- féremment. Cependant, il a su se tenir debout dans la tempé‚te et garderle cap sur ses priorités. L’expérience aidant, les solutions proposées en seront d’autant plus appréciées.
Le gouvernement Charest devra se rappeler que c’est la volonté d’agir, la détermination et la force de caracté€re dans la mise en œuvre d’une vision politique qui permettent de se démar quer et d’envisager avec succé€s, le temps venu, le prochain rendez-vous électoral. Les exemples québécois les plus probants de force de caracté€re sont historiquement si pré€s de nous : de Jean Lesage aÌ€ Robert Bourassa en passant par René Lévesque, Jean Charest a des modé€les de qui s’inspirer.