Il existe un réel décalage au Canada entre la recherche de classe mondiale sur les services et les politiques de santé, et sa mise en application au sein de notre propre système de santé.

Nos titulaires de doctorat comptent parmi les chercheurs les plus productifs et respectés dans les disciplines s’intéressant aux services, aux politiques et à l’économie en matière de santé. Les universités canadiennes figurent souvent parmi les dix premières au monde dans ces domaines. Néanmoins, notre système de santé continue d’afficher un rendement médiocre. Comment expliquer ce paradoxe ?

Dans le classement des systèmes de santé comparables établi par le Fonds du Commonwealth sur la base d’indicateurs de qualité et de rendement, le Canada figure continuellement en queue de peloton dans de nombreuses catégories, dont la rapidité de la prise en charge ainsi que la sécurité et l’efficacité des soins. Seuls les États-Unis, qui arrivent au dernier rang, affichent un bilan pire que le nôtre.

Il serait facile de pointer du doigt le financement de la santé, mais ce serait une erreur. Le Canada consacre environ 10,4 % de son PIB à la santé. C’est davantage que le Royaume‑Uni, la Nouvelle-Zélande et l’Australie, qui se classent respectivement au premier, quatrième et septième rang du tableau global, tandis que le Canada n’obtient qu’une lamentable dixième place.

La transformation du système de santé exige une plus grande contribution des acteurs formés pour proposer des changements.

Si le problème n’en est pas un de financement, cela signifie que c’est la gestion qui est en cause. Bien souvent en effet, notre système de santé est mal administré.

Des rapports qui ont fait date au Manitoba et en Ontario confirment que la probabilité qu’un patient subira une intervention chirurgicale nécessaire dépend fortement de son lieu de résidence. Nombre de recherches révèlent un écart considérable entre les soins jugés efficaces et adéquats et ceux que la population reçoit dans les faits. Une étude publiée voilà plus d’une décennie montrait qu’un séjour à l’hôpital sur treize débouchait sur un événement indésirable, lequel se soldait par une mort évitable dans 9 % des cas. Une étude de suivi indique que les choses ont peu changé depuis. Or il est possible de faire mieux. Comment ?

La transformation du système de santé exige une plus grande contribution des acteurs formés pour proposer des changements, les mettre en œuvre et les évaluer en se fondant sur des données probantes. Ce qui n’est pas le cas en ce moment au Canada.

Chaque année, les bailleurs de fonds canadiens investissent plus de 3,5 millions de dollars dans la formation de doctorants spécialisés en santé. Toutefois, la possibilité de décrocher un poste de recherche universitaire est faible pour la majorité d’entre eux, et les débouchés dans ce secteur tendent à diminuer. En fait, la plupart s’orienteront vraisemblablement vers les services de santé et la gestion des soins, et n’intégreront pas le monde universitaire. Or les programmes de doctorat ne les préparent pas à ce type d’emploi.

Dans une étude menée à partir d’entrevues, on apprend que les titulaires récents d’un doctorat en santé n’ont pas l’influence qu’ils pourraient avoir sur le système de santé, c’est-à-dire ils n’ont pas l’occasion de faire le genre de contribution que bon nombre d’entre eux considèrent comme leur objectif de carrière et qui les a motivés à faire des études. Même s’ils sont bien préparés du point de vue universitaire, il leur manque les compétences requises en matière de gestion et de leadership pour prendre des décisions difficiles fondées sur des données probantes, et se consacrer à la tâche d’évaluer et d’améliorer tous les volets du système de santé.

Mais il est possible de changer cet état de choses —, et nous avons d’ailleurs commencé à le faire.

Depuis deux ans, l’Alliance de recherche sur les services et les politiques de santé au Canada collabore avec des spécialistes d’un bout à l’autre du pays afin d’augmenter l’influence des titulaires de doctorat sur la qualité et la viabilité du système de santé, notamment en améliorant la formation et la préparation de ces derniers.

Aujourd’hui, nous proposons des possibilités de stages d’apprentissage qui permettent aux titulaires de doctorat d’évoluer au sein des hôpitaux, des agences gouvernementales et d’autres structures, et de mettre leurs compétences et leurs connaissances directement au service du secteur de la santé.

De plus, nous travaillons à l’élaboration d’un programme d’enseignement à source ouverte destiné à la transmission des compétences en gestion et en leadership requises pour traduire l’expertise des titulaires de doctorat en bonnes décisions pour notre système de santé.

Les débats sur le financement du système de santé auront toujours leur importance. Pour améliorer ce dernier, toutefois, il faut s’assurer de disposer du personnel requis pour le faire, indépendamment des transferts de fonds entre les gouvernements.

Nous avons des ressources essentielles à notre portée : des programmes de formation universitaire d’un bout à l’autre du pays et des diplômés désireux de se rendre utiles à la société. Reste à leur donner toutes les chances de le faire.

Photo: Shutterstock.com


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Adalsteinn Brown
Adalsteinn Brown est directeur de l’Institute of Health Policy, Management and Evaluation à l’Université de Toronto, et titulaire de la Chaire Dalla Lana en politiques de santé publique. Il a occupé des postes de direction au sein du gouvernement de l’Ontario. Il agit à titre d’expert-conseil auprès du site EvidenceNetwork.ca.
Stephen Bornstein
Stephen Bornstein est directeur du Centre for Applied Health Research de Terre-Neuve-et-Labrador, et professeur à l’Université Memorial. Il a occupé des postes de direction au sein du gouvernement de l’Ontario.

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