En 2025, j’aimerais qu’on puisse dire de Montréal qu’elle est une ville propre ouÌ€ il fait bon vivre. Une ville aux infrastructures efficaces que visitent des délégations du monde entier en s’émerveillant du chemin parcouru en si peu de temps. Une ville dont la population est en croissance, ouÌ€ les jeunes ont accé€s aÌ€ des emplois de grande qualité reliés en réseaux aux meilleurs au monde dans les domaines les plus innova- teurs. Une ville ouÌ€ la pauvreté est presque inexistante. Une ville prospé€re, parce que ses entreprises se sont inté- grées aux plus hauts niveaux de création de valeur des leaders mondiaux. Montréal, métropole dynamique d’un Québec dont la population est hautement scolarisée, dont les services de santé sont d’une grande efficacité, et ouÌ€ le taux de productivité est tel que deux travailleurs réussissent sans peine aÌ€ soutenir une personne aÌ‚gée de 65 ans et plus.

Chimé€re, diront certains. Je préfé€re parler d’un grand ré‚ve que nous pouvons réaliser, si nous le voulons suffisam- ment, en nous fixant des objectifs exigeants, mais réalistes. Et surtout, en associant aÌ€ notre grand projet la génération montante pour laquelle nous allons faire du Québec un vaste chantier ordonné. La premié€re étape pour ce faire con- siste aÌ€ identifier les vrais défis que nous devons relever, soit la dette et le fardeau fiscal, l’impératif démographique, la productivité et l’éducation.

Selon Pierre Fortin, le Québec occupe le cinquié€me rang au palmaré€s de l’OCDE des pays les plus endettés par rapport aÌ€ leur PIB. Seuls le Japon, la Gré€ce, l’Italie et la Belgique sont plus endettés que nous. Et cette dette mine notre capacité d’agir. Notre fardeau fiscal est une des con- séquences de notre niveau d’endettement, qui est parmi les plus lourds en Amérique du Nord, tandis que le niveau de richesse figure parmi les plus faibles. D’apré€s Alain Dubuc, en termes de richesse collective, le Québec se situe au 54e rang sur 60 États et provinces en Amérique du Nord.

Par ailleurs, nous sommes une des sociétés qui vieillit le plus vite au monde. Ce n’est pas vieillir qui est grave. C’est vieillir sans relé€ve suffisante et sans les moyens nécessaires pour maintenir le niveau de vie auquel nos enfants ont droit qui est préoccupant, car vieillir veut dire aussi moins de personnes en aÌ‚ge de travailler. Nous sommes actuelle- ment cinq personnes en aÌ‚ge de travailler pour une person- ne de 65 ans et plus. Vers 2025-2030, les jeunes d’aujourd’hui, qui sont encore sur les bancs de l’école, ne seront plus que deux pour une personne de 65 ans et plus. Conséquence : moins de personnes pour contribuer au financement des programmes. Sans oublier que, déjaÌ€, plus de quatre contribuables québécois sur dix ne paient pas d’impoÌ‚t sur le revenu.

Le fardeau fiscal sera supporté par de moins en moins de personnes. Cela signifie qu’en plus de payer des impoÌ‚ts déraisonnables, le pouvoir politique de nos jeunes diminuera constam- ment. Ils auront donc de moins en moins d’influence sur les décisions politiques qui les concerneront au pre- mier chef, sans parler des difficultés prévisibles des caisses de retraite et des pénuries de main-d’œuvre qui com- mencent déjaÌ€ aÌ€ se manifester dans cer- tains secteurs.

Quand il y a moins de monde pour travailler, ceux qui travaillent doivent é‚tre beaucoup plus productifs pour maintenir le mé‚me niveau de vie, aÌ€ plus forte raison pour le hausser. Or, la productivité au Québec est inférieure aÌ€ la productivité cana- dienne, qui est elle-mé‚me bien en deçaÌ€ du niveau américain. De 1997 aÌ€ 2005, le Québec s’est situé aÌ€ l’avant-dernier rang des provinces canadiennes en ce qui concerne la croissance de sa pro- ductivité, n’affichant qu’un dixié€me de point de plus que la province du bas de l’échelle. Ainsi, non seulement sommes-nous en retard, mais notre retard s’accentue.

La voie royale vers la croissance de la productivité, c’est l’éducation. Pour saisir toute l’importance de l’éducation, on n’a qu’aÌ€ comparer le classement des pays les plus compétitifs et la perfor- mance de leurs systé€mes d’éducation. Le classement de la compétitivité du Forum économique mon- dial et le classement de la qualité des systé€mes d’édu- cation de l’OCDE corre- spondent. Les pays les plus compétitifs possé€dent les meilleurs systé€mes d’édu- cation et de formation.

OuÌ€ en sommes-nous au Québec aÌ€ ce chapitre? Nous avons certes aÌ€ notre actif des réussites tré€s intéressantes, mais nous ne pouvons pas nier que nous souffrons de certaines réalités moins reluisantes. Par exemple, le fait qu’environ 30 p. 100 de nos jeunes n’aient pas de diploÌ‚me d’études se- condaires aÌ€ 20 ans. Le fait que plus d’un Québécois francophone sur deux éprouve des problé€mes pratiques aÌ€ lire et aÌ€ compter. Le fait qu’au niveau col- légial aÌ€ peine deux cégépiens sur trois obtiennent leur diploÌ‚me au secteur préuniversitaire et environ un sur deux seulement dans le secteur technique ”” et cela, mé‚me si on leur accorde un an de plus pour terminer leur cours ! Le fait qu’aÌ€ peine 40 p. 100 d’une généra- tion obtiennent un DEC au Québec. Le fait que nos universités soient drama- tiquement sous-financées. Le fait qu’en matié€re de formation au travail, le Québec se situe aÌ€ l’avant-dernier rang des provinces canadiennes pour la participation aÌ€ une quelconque activité de formation continue.

Dernié€rement, la Banque de Montréal a demandé aÌ€ CROP de faire un sondage aupré€s des jeunes Québécois aÌ‚gés de 18 aÌ€ 34 ans. Cette enqué‚te nous a permis de constater que ces jeunes souhaitent un travail qui leur laisse du temps libre et leur permet d’é‚tre autonomes tout en étant bien encadrés. Ils savent parfaitement ce qu’ils veulent. Ils réclament des défis importants qui fassent appel aÌ€ leur créativité. Les plus jeunes sou- haitent travailler avec un grand nom- bre de personnes ”” pas toujours les mé‚mes, si possible ”” et ils sont ouverts aÌ€ travailler aÌ€ l’extérieur du Québec et du Canada. Le travail en réseau les attire particulié€rement et ils le préfé€rent aÌ€ un travail plus casanier.

Surtout chez les plus jeunes, le tra- vail idéal n’exige pas un engagement qui irait au détriment des loisirs, des amis ou de la famille, mé‚me s’ils croient qu’il faut travailler fort pour atteindre ses objectifs.

Un grand nombre de ces jeunes ne se sentent pas limités aux emplois offerts au Québec. Ils sont mobiles et ne craignent pas d’aller travailler ailleurs. Ils témoignent d’une grande confiance en eux-mé‚mes. La tré€s grande majorité se dit confiante d’obtenir ce qu’ils veulent dans la vie. Donc, nos jeunes cadrent tré€s bien dans notre grand projet d’un Québec dynamique, compétitif et, surtout, innovateur.

La majorité de nos jeunes accorde beaucoup d’importance aÌ€ la solidarité ainsi qu’aÌ€ la responsabilité sociale. Pré€s de deux sur trois affirment qu’il n’y a pas d’excuse pour une société qui a des sans-abri et qu’il faut tout faire pour éliminer la pauvreté. Trois sur quatre se disent d’accord pour ne pas acheter de produits ou de services d’une entre- prise qui exerce de la discrimination envers ses employés. Les jeunes sont aussi tré€s critiques par rapport aux entreprises. Seulement un sur trois croit que celles-ci essaient vraiment de trouver un équilibre entre profit et intéré‚t public. Huit sur dix pensent que les industries sont en train de tout détruire sur la plané€te.

Au plan des valeurs, la famille et les amis constituent les grandes prio- rités pour les jeunes. Le travail et l’ar- gent arrivent aÌ€ la toute fin de la liste, avec une légé€re nuance en ce qui con- cerne les plus jeunes. En effet, les 18 aÌ€ 24 ans accordent un peu plus d’impor- tance au travail et aÌ€ la réussite profes- sionnelle et sociale que l’ensemble des jeunes. Donc, des jeunes dynamiques, pré‚ts aÌ€ fournir les efforts voulus pour réaliser leurs objectifs, tout en étant socialement responsables et en ayant un sens éthique élevé. Notre beau pro- jet est entre bonnes mains !

La majorité des jeunes affirme qu’un revenu annuel avant impoÌ‚t entre 40 000 et 80 000 dollars est nécessaire pour répondre aÌ€ leurs attentes. Un peu plus d’un sur dix situe le revenu annuel nécessaire au-delaÌ€ de 100000dollars. Les hommes, les18aÌ€24ansetles Montréalais sont davantage confiants d’atteindre ce niveau.

Comment comptent-ils y parvenir? Pré€s de quatre sur dix croient qu’ils devront étudier davantage. Un peu plus d’un sur dix croit qu’il faudra travailler plus d’heures. Ce sont probable- ment les plus réalistes, car pré€s de trois sur dix pensent y arriver sans prendre de moyens parti- culiers. Des relents de pensée magique? Peut-é‚tre…

On a également pu apprendre que les jeunes ont d’abord et avant tout confiance dans les autorités judiciaires et les responsables de la sécurité publique, c’est-aÌ€-dire les juges et les policiers. Ils font assez confiance aussi aux groupes environnementaux et, soyons-en fiers, aux chefs d’entreprise. Cependant, ils se méfient des autorités politisées, des politiciens et des syndi- calistes. Ils n’ont pas beaucoup con- fiance non plus dans les autorités religieuses.

Par ailleurs, les jeunes, parti- culié€rement ceux qui ont des enfants, sont inquiets du vieillissement de la population. Plus de deux tiers jugent cette situation assez ou tré€s inquié- tante. Toutefois, un peu plus de la moitié des jeunes croient que les pro- blé€mes soulevés sont exagérés. Trois quarts d’entre eux estiment que le gou- vernement du Québec n’aura plus les moyens de fournir les services néces- saires, particulié€rement en santé, et qu’ils devront payer plus d’impoÌ‚t, ce aÌ€ quoi ils s’objectent vivement, dans leur grande majorité.

Seuls les jeunes aux études et ceux aÌ€ faible revenu se montrent favorables aÌ€ des hausses d’impoÌ‚t. En termes clairs, les jeunes qui ne paient pas d’impoÌ‚t voudraient en faire payer encore davantage aÌ€ ceux qui en paient déjaÌ€. Je vous laisse réfléchir laÌ€-dessus !

Nous avons demandé aux jeunes dans quel type de société ils souhaiteraient vivre, en leur donnant trois choix : le modé€le scandinave, donc des impoÌ‚ts élevés et une large gamme de services publics et gratuits ; le modé€le américain avec peu d’im- poÌ‚ts et peu de services ; et le modé€le canadien qui a un niveau d’impoÌ‚t moyen et une gamme de services publics assez étendue.

Le modé€le scandinave a été le moins apprécié. Ce sont les jeunes aÌ€ faible revenu, ceux qui sont aux études et ceux qui sont nés ailleurs qu’au Canada qui le préfé€rent, et ils le favorisent particulié€rement pour ses services d’éducation. Ce qui laisse croire que les jeunes pensent que la gratuité scolaire se justifie davantage (service qu’ils utilisent largement) qu’un systé€me de santé gratuit (ce qui n’est pas encore vraiment leur pro- blé€me). Le modé€le américain est préféré par les jeunes aux revenus élevés. Il est cependant le moins apprécié pour fournir les services d’éducation.

Les trois quarts d’entre eux croient que, pour que la société fonctionne bien, il faut régle- menter les entreprises en ce qui a trait aÌ€ l’embauche et au con- gédiement des employés, tout en poursuivant le développe- ment économique. Encore une fois : solidarité, éthique, cons- cience sociale.

Au plan de l’imposition des entreprises, les opinions sont partagées en deux camps d’im- portance presque égale : ceux qui croient qu’il faut imposer les entreprises le plus possible et ceux qui pensent que, pour créer davantage de richesse, il faut faire le contraire. Élément intéressant, on parle de lever des impoÌ‚ts lorsque les entre- prises créent de la richesse et non au moment ouÌ€ elles font des efforts pour en créer, ce qui est en opposition avec une bonne par- tie du systé€me fiscal québécois actuel, qui impose lourdement la masse sala- riale et maintient, pour l’instant, une taxe sur le capital. Il y a matié€re aÌ€ réflexion laÌ€ aussi. Les jeunes ont com- pris qu’il est contre-productif de taxer l’innovation. C’est rassurant !

Qu’en est-il de l’épineuse question des frais de scolarité qui fait régulié€rement les manchettes et donne l’impression que les jeunes s’opposent en bloc aÌ€ tout changement dans ce domaine? Eh bien, certains seront étonnés d’apprendre que 44 p. 100 des répondants sont en faveur d’un dégel progressif des frais aÌ€ l’université. Un dégel qui permettrait mé‚me d’atteindre la moyenne canadienne sur cinq ans. Nous sommes donc bien loin d’une timide augmentation de 50 dollars par trimestre qui géné€re une foré‚t de pan- cartes dé€s l’apparition du beau temps.

L’appui au dégel est davantage le fait des jeunes ayant terminé leurs études, de ceux qui ont un revenu supérieur aÌ€ 40 000 dollars, qui sont mariés et qui exercent une profession. Il n’en demeure pas moins qu’il est faux de prétendre que tous les jeunes s’opposent aÌ€ tout dégel.

Dans l’ensemble, les jeunes Québécois ont un profil, des attentes et des attitudes tout aÌ€ fait compati- bles avec notre grand projet aÌ€ l’hori- zon de 2025. Leurs réponses au sondage laissent croire qu’ils accepteraient tré€s mal qu’on leur lé€gue une société économiquement amoindrie tout en leur demandant de payer nos factures, particulié€rement dans le domaine de la santé. Ils se préparent aÌ€ fonctionner aÌ€ plein régime dans une société éthique, innovatrice et sans frontié€res.

Nous avons aussi demandé aÌ€ la firme Angus Reid de procéder aÌ€ un sondage semblable aupré€s des jeunes dans tout le Canada. Nous voulions vérifier si les jeunes Québécois présentaient des différences significatives par rapport aux jeunes Canadiens du reste du pays. Or, les mé‚mes valeurs fondamentales ressor- tent aÌ€ l’égard du travail, de la famille, des loisirs et du type de société souhaitée. Toutefois, certaines différences importantes sont aÌ€ noter.

Par exemple, aÌ€ la question « quelles mesures comptez-vous pren- dre pour atteindre le niveau de revenu nécessaire pour répondre aÌ€ vos besoins? », les jeunes Québécois sont les moins nombreux aÌ€ dire qu’ils veu- lent étudier davantage. Et ils sont aussi les plus nombreux aÌ€ n’envisager aucun moyen particulier pour atteindre le revenu visé. Les jeunes Québécois sont également les plus inquiets du vieil- lissement de la population et s’op- posent en plus grand nombre aÌ€ des hausses d’impoÌ‚t éventuelles pour financer les services publics.

Ce sont encore eux qui, et de loin, sont les plus nombreux aÌ€ se dire d’accord avec l’incursion de l’entre- prise privée dans le domaine de la santé, afin que ceux qui en ont les moyens puissent obtenir les services qu’ils désirent. Enfin, ce sont les jeunes Québécois qui déclarent en plus grand nombre qu’il faut taxer les entreprises le plus possible. Toutes les différences que je viens d’énumérer sont significatives au plan statistique.

Et aÌ€ l’échelle internationale, com- ment se comparent-ils avec les jeunes des autres pays développés? En ré€gle générale, les jeunes Québécois ne sont pas tré€s différents des jeunes sondés par la firme New Paradigm dans 12 pays, tant en Europe qu’en Amérique du Nord et du Sud, au Moyen-Orient et en Asie. Sans entrer dans les détails, disons tout simple- ment que les valeurs telles la liberté, l’intégrité, les relations personnelles, la collaboration, l’innovation, la créativ- ité, ainsi que l’aspect ludique du tra- vail, recueillent chez nous des résultats similaires aÌ€ ceux observés dans les autres pays. Nos jeunes sont au diapa- son de la jeunesse du monde entier.

Connaissant les grands défis aux-quels nous sommes confrontés et ayant une bonne idée de la vision d’avenir de nos jeunes, voici huit pistes susceptibles de faciliter la réalisa- tion de notre grand ré‚ve d’avenir.

Premié€rement, il faut faire de l’é- ducation notre priorité absolue. C’est la condition sine qua non pour accroiÌ‚tre notre niveau de richesse col- lective, dans un monde de plus en plus concurrentiel. C’est en misant sur l’é- ducation que le Québec a fait des bonds prodigieux au sortir de la « grande noirceur ». C’est en remettant l’accent sur l’éducation que nous rat- traperons les retards qui nous pénalisent maintenant. Ce qui signifie un retour, dé€s le primaire, aÌ€ des valeurs axées sur le travail et la réussite plutoÌ‚t que sur le nivellement générateur de médiocrité et, au secondaire, aÌ€ un environnement propice au travail intellectuel, au dépassement, aÌ€ la qué‚te du succé€s. Il faut des services d’orienta- tion dignes de ce nom qui permettent aux jeunes de cheminer en toute con- naissance de cause vers l’atteinte d’ob- jectifs les incitant aÌ€ réaliser leur plein potentiel et non aÌ€ abandonner leurs études aÌ€ la premié€re difficulté.

Au niveau postsecondaire, nous devons miser sur des institutions collé- giales axées sur la performance des étu- diants et des cheminements éclairés, sur la base d’acquis solides. Il est néces- saire ensuite de pouvoir compter sur des universités décemment financées, ce qui comprend une participation appropriée de ceux et celles qui tirent les plus grands bénéfices des études universitaires, c’est-aÌ€-dire les étudiants eux-mé‚mes.

Deuxié€mement, il faut nous engager tous ensemble dans une vaste campagne de sensibilisation sur les enjeux financiers, fiscaux et démographiques auxquels le Québec est confronté. Dire la vérité, sans détours, en évitant les non-dits, en faisant confiance aÌ€ la capacité des citoyens de bien jauger l’importance des défis. Tous ensemble, pour moi, ça veut dire, bien suÌ‚r, l’État, mais aussi les chefs d’entreprise, les uni- versitaires et, plus largement, les intellectuels qui, trop souvent, sont bien peu loquaces dans nos grands débats. Il faudrait faire valoir aussi les lignes directrices de notre grand ré‚ve d’avenir. Les expliquer aÌ€ tout le monde. Établir clairement les liens entre l’action aÌ€ entreprendre, le résultat visé et les retombées atten- dues pour chacun, sans oublier la participation attendue de tous. Quand les Québécois sont bien informés, ils sont capables de grandes choses et cessent d’é‚tre frileux devant le changement. Nous l’avons démontré largement dans le passé.

Troisié€mement, il faut mettre en place des conditions propices aÌ€ la création de la richesse en nous inspi- rant des réalisations qui ont couronné les efforts d’autres pays. Je pense notamment aÌ€ l’Irlande et aÌ€ plusieurs pays d’Europe du Nord comme la Finlande, l’Autriche et la Norvé€ge. Certaines expériences américaines peuvent aussi nous inspirer. Il faut ouvrir notre économie encore plus largement sur le monde et faire de l’innovation la marque distinctive de l’économie québécoise.

Les jeunes souhaitent faire preuve de créativité, ils veulent s’exprimer au travail, ils ont un sens de l’éthique tré€s élevé. Ils sont pré‚ts aÌ€ déployer les efforts nécessaires pour réussir. Misons sur ces dispositions. En nous y mettant sérieusement, nous pourrons littérale- ment dominer le monde. D’autres pays qui n’avaient pas nos ressources sont arrivés aÌ€ faire un grand bout de chemin sur cette voie.

En quatrié€me lieu, il faut corriger les défauts de notre systé€me fiscal qui frappe présentement l’effort et nuit aÌ€ l’innovation, faisant du tort autant aux individus qu’aux entre- prises. Les réactions des jeunes sont prometteuses aÌ€ cet égard. Plusieurs comprennent déjaÌ€ que l’entreprise crée de la richesse et qu’il ne faut pas freiner ses efforts pour innover, quitte aÌ€ imposer adéquatement la richesse créée. L’élimination annon- cée de la taxe sur le capital est encourageante, mé‚me s’il reste trois budgets d’ici laÌ€ pour changer d’idée, au fil des courants politiques…

Cinquié€mement, il faut nous attaquer résolument au remboursement de la dette, qui gruge de plus en plus toute marge de manœuvre. Pour ce faire, utiliser notre principale ressource naturelle : l’électricité ”” un peu comme les Albertains l’ont fait avec les retombées du pétrole, mé‚me s’il existe des différences entre les deux dossiers. Cela voudrait dire aller bien au-delaÌ€ de quelques versements tout aussi sym- boliques que sporadiques dans le Fonds des générations. Les jeunes n’accepteront pas de payer nos fac- tures sans avoir eux-mé‚mes accé€s aÌ€ des services de qualité. Qui pourrait leur donner tort?

Sixié€mement, il faut créer une réserve pour financer les couÌ‚ts crois- sants reliés aÌ€ la perte d’autonomie d’une population qui vieillit tré€s rapi- dement. Plusieurs avenues existent. Mais, quel que soit le moyen retenu, régime d’assurance ou autre, ce qui importe, c’est de libérer les jeunes d’un fardeau qu’il serait inéquitable de leur imposer. Ça aussi, ils l’ont tré€s bien compris. Si nous n’agissons pas rapide- ment dans ce domaine, une grave frac- ture sociale nous guette, et les jeunes ne seraient certainement pas aÌ€ blaÌ‚mer. N’oublions pas qu’ils sont beaucoup plus mobiles que notre génération ne l’était aÌ€ leur aÌ‚ge.

Septié€mement, il faut accorder une importance particulié€re aÌ€ la mise en place des conditions nécessaires pour une meilleure croissance de notre productivité : accélérer la déré- glementation, mieux intégrer les immigrants, qui pourraient con- tribuer davantage aÌ€ notre essor économique, accélérer l’adoption de nouvelles technologies, soutenir mas- sivement l’éducation, notamment dans les domaines scientifiques et technologiques, et mettre aÌ€ la dispo- sition de nos jeunes les moyens les plus modernes pour travailler en réseaux et pour se joindre aÌ€ leurs col- lé€gues du monde entier. C’est en empruntant cette voie que nous propulserons nos entreprises aux pre- miers rangs des leaders mondiaux de l’innovation.

Et, finalement, il faut renforcer le marché du travail en favorisant une vie de travail plus productive, plus longue et en harmonie avec les valeurs des jeunes. Il faut cesser, par exemple, d’inciter une partie de la main- d’œuvre encore productive aÌ€ prendre une retraite anticipée, comme c’est le cas maintenant. Nous devons mettre en place une politique familiale inté- grée qui facilitera la vie aux membres des familles qui travaillent, souhaitent avoir des enfants et veulent les élever selon leurs valeurs. On pourrait mettre davantage les nouvelles technologies aÌ€ contribution aÌ€ cet égard. Le sens de la famille est tré€s présent chez nos jeunes. Ils ne sacrifieront pas leurs enfants et leur couple pour satisfaire aÌ€ des exigences d’emploi déraisonnables dans le seul but de progresser profes- sionnellement. Leurs messages en ce sens sont particulié€rement clairs.

Ces points constituent les fonde- ments sur lesquels sont édifiées les sociétés les plus innovatrices. Or, la capacité d’innover est une des condi- tions essentielles de succé€s dans le monde actuel et le sera encore plus dans celui de demain. Seule une capa- cité accrue d’innover nous permettra de créer cette richesse qui nous manque pour nous classer aux premiers rangs du palmaré€s des sociétés ayant les meilleurs niveaux de vie en Amérique du Nord. C’est aussi une capacité accrue d’innover qui nous permettra d’offrir aÌ€ nos jeunes les emplois dont ils ré‚vent. C’est cette capacité d’innover qui nous permettra, étape par étape, de passer du ré‚ve aÌ€ la réalisation de notre grand projet de société dont nos jeunes seront les premiers bénéficiaires.

  

Cet article est adapté d’une allocution prononcée devant le Cercle Canadien de Montréal, le 4 juin 2007.

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