L’histoire de l’humanité est marquée par les migra- tions : la diversité culturelle qui en résulte a toujours constitué une richesse inestimable pour les sociétés d’accueil. Guidés par des valeurs de démocratie et d’EÌtat de droit, certains EÌtats ont progressivement dévelop- pé des standards constitutionnels, régionaux et universels de protection des droits et libertés de tous, y compris des migrants. Toutefois, au cours des dernié€res décennies, le controÌ‚le des flux migratoires irréguliers est devenu une question politique sensible, relevant désormais de la sécu- rité nationale tant en Amérique du Nord qu’au sein de l’Union européenne (ci-apré€s UE), et ce, alors qu’il n’existe encore aujourd’hui aucun consensus national ou international sur la définition et l’étendue du facteur « sécurité » dans le domaine des migrations.
La mondialisation des mouvements migratoires a exacerbé l’écart entre la réalité sociale de la migration et sa régu- lation juridique. L’augmentation considérable du nombre des réfugiés et des demandeurs d’asile dans les années 1980 a été accompagnée de l’apparition de rhétoriques amalga- mant réfugiés, demandeurs d’asile et migrants économiques : longtemps cantonné aÌ€ l’extré‚me droite, le discours anti-immigration est, dans ses diverses nuances, actuellement disséminé dans un large spectre de la classe politique. Ces développements ont justifié des mesures visant aÌ€ prévenir les flux et réprimer les migrants irréguliers. La législation nationale relative aÌ€ l’en- trée et au séjour des étrangers a été partout considérablement durcie.
Les événements du 11 septembre 2001 ont accéléré le processus d’éro- sion des droits fondamentaux des étrangers qui se trouvent désormais associés aÌ€ la menace terroriste. Le con- troÌ‚le de leurs mouvements relé€ve maintenant d’une logique sécuritaire, voire militaire, nécessitant des alliances stratégiques entre les EÌtats et le déploiement de moyens techniques sophistiqués. Les ordres du jour des gouvernements dans le domaine de l’asile et de l’immigration sont ainsi marqués par une tendance lourde privilégiant le paradigme de la sécurité nationale sur celui de la protection des droits fondamentaux
Les migrants irréguliers sont devenus des personnes « aÌ€ risque » dont les droits humains se trouvent menacés par diverses mesures étatiques d’interdiction et d’interception. Ces mesures sont dirigées indis- tinctement contre tous les migrants irréguliers, y compris les demandeurs d’asile et les réfugiés. Le nombre de demandeurs d’asile est par conséquent en constante diminution. Selon le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (ci-apré€s HCR), l’Europe a enregistré une baisse de 16 p. 100 des demandes d’asile en 2005. Au Canada et aux EÌtats-Unis, les demandes d’asile ont chuté de 54 p. 100 depuis 2001. L’efficacité des mesures de controÌ‚le illustre le fait que les EÌtats occidentaux ne sont plus des terres d’accueil pour les personnes aÌ€ la recherche de protection interna- tionale. De tels replis sécuritaires, voire identitaires, risquent de changer la nature de nos démocraties.
Les politiques relatives aÌ€ la lutte contre la migration irrégulié€re incluent une série de mesures préven- tives visant aÌ€ empé‚cher et dissuader la mobilité des étrangers, appuyées par un recours quasi systématique aÌ€ la détention et aÌ€ l’expulsion. Le Canada et l’UE adoptent ainsi une approche proactive et technique dans la gestion de la migration.
La politique des visas, mise au point dé€s les années 1980, est le moyen le plus répandu de controÌ‚ler aÌ€ distance les flux migratoires vers les pays hoÌ‚tes. L’Accord pour la création d’une frontié€re intelligente conclut le 12 décembre 2001 entre le Canada et les EÌtats-Unis harmonise les exigences en matié€re de visas et soumet les ressortissants de quelque 175 pays aÌ€ l’obligation de se munir d’un visa. L’UE offre un modé€le d’intégration poussée en la matié€re, avec la mise au point d’une liste commune des pays dont les ressortissants doivent se munir d’un visa pour un séjour de courte durée, un modé€le uniforme de visa et des structures administratives communes : avec le « Visa Schengen », les citoyens des pays tiers se voient désormais interdire l’accé€s aÌ€ une région entié€re plutoÌ‚t qu’aÌ€ un seul pays.
La gestion intégrée des frontié€res extérieures est une autre mesure préventive des politiques d’immigration et d’asile. Au sein de l’UE, les efforts en vue de barricader les fron- tié€res ont culminé avec la mise en place, en mai 2005, de l’Agence pour la gestion des frontié€res extérieures. Cette agence a été propulsée sur le devant de la scé€ne communautaire suite aux événements de Ceuta et Melilla en novembre 2005. Une ges- tion sécuritaire des frontié€res simi- laire est prévue dans le Plan d’action sur la frontié€re intelligente entre le Canada et les EÌtats-Unis. Le projet de construction d’un mur de 1 100 km le long de la frontié€re entre le Mexique et les EÌtats-Unis démontre les risques de dérapage de la con- ception sécuritaire.
L’imperméabilisation des frontié€res est par ailleurs accompagnée de la création de dispositifs d’échange d’informa- tion qui ont pour but d’identi- fier les migrants irréguliers pour mieux les controÌ‚ler. Le recours aÌ€ de nouvelles technologies comme les identificateurs bio- métriques dans les documents de voyage et les visas participe de la création d’un mythe d’ef- ficacité de l’action étatique anti-immigration.
L’Europe a établi plusieurs bases de données permettant des échanges informatisés de données personnelles sur les migrants, telles que le Systé€me d’information Schengen (SIS) et Eurodac. Des développements similaires ont lieu en Amérique du Nord. En vertu de l’Accord sur la frontié€re intelligente, le Canada et les EÌtats-Unis ont mis au point une tech- nologie compatible et interopérable afin de lire les données biométriques dans les documents de voyage. La question migratoire est désormais abordée au cœur des politiques extérieures des pays concernés. Le blocage des flux migratoires est érigé en un objectif majeur de la coopéra- tion bilatérale, régionale et interna- tionale. L’adoption le 7 décembre 2001 par la Chambre des communes canadienne d’une législation contro- versée sur la divulgation d’informa- tion relative aux passagers des compagnies aériennes pour permettre aux avions en provenance du Canada de se poser aux EÌtats-Unis apré€s le 18 janvier 2002 illustre cette tendance.
L’interception hors frontié€re est une autre mesure visant aÌ€ empé‚cher les migrants irréguliers d’atteindre leur destination. Au Canada, la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (ci-apré€s LIPR) contient plusieurs dispositions dont le but est de maximiser l’efficacité de l’intercep- tion des étrangers non munis de docu- ments réglementaires. Les EÌtats occidentaux ont par ailleurs recours aÌ€ des mesures connexes, dont des sanc- tions financié€res envers les trans- porteurs de personnes, afin de maximiser l’efficacité des politiques d’interception.
Au Canada, la LIPR rend le trans- porteur de passagers qui ne sont pas munis de documents réglementaires responsable des frais prévus pour les expulser du Canada. Par ailleurs, les accords signés entre l’Agence des ser- vices frontaliers du Canada et cer- taines compagnies aériennes prévoient des frais administratifs réduits pour les transporteurs ayant de bonnes performances dissuasives aÌ€ l’égard des étrangers. Des sanctions similaires contre les transporteurs ont été prévues en Europe avec notam- ment une directive communautaire du 28 juin 2001 et dont la transposi- tion en droit interne a substantielle- ment augmenté les sanctions pécuniaires pesant sur les trans- porteurs (s’étalant de 3 000 aÌ€ 5 000 euros par personne transportée). Or, les mesures de vérification des docu- ments d’identité et de voyage mises en œuvre par les transporteurs aÌ€ l’em- barquement, souvent au moyen d’a- gences privées de sécurité, ne font l’objet d’aucun controÌ‚le effectif pour s’assurer qu’elles respectent les lois et ne sont pas discriminatoires. En outre, en refusant systématiquement aux personnes dépourvues des docu- ments nécessaires l’embarquement dans leurs appareils, les compagnies aériennes empé‚chent les personnes fuyant des persécutions ou des viola- tions en matié€re de droits de la per- sonne dans leur pays de rechercher asile ailleurs, ce qui va aÌ€ l’encontre d’une prérogative importante du droit international : le droit de chercher asile.
Les mesures de prévention soulé€vent des problé€mes de compati- bilité avec la Convention de Gené€ve relative au statut des réfugiés et avec d’autres instruments de protection des droits de la personne. Des risques de discrimination par profilage, d’atteinte aÌ€ la protection de données aÌ€ caracté€re personnel, le flou entourant les obliga- tions des acteurs concernés, les ques- tions de l’étendue et l’intensité des controÌ‚les effectués par les agents de controÌ‚le ou de compagnies de trans- port ne sont que quelques-uns des problé€mes posés. Ces mesures ampli- fient l’association faite entre crimina- lité organisée et migration irrégulié€re dans un contexte d’absence carac- térisée de controÌ‚le juridictionnel ou politique efficace.
La détention des demandeurs d’asile est en principe prohibée en droit international. Néanmoins, tous les EÌtats prévoient la possibilité de priver les étrangers de leur liberté selon des procédures dérogatoires du droit commun. Cette possibilité évolue depuis quelques années dans le sens de l’élargissement. La détention est présentée par les gouvernements comme un moyen de rendre plus effi- cace l’exécution des expulsions.
Les politiques européennes sont caractérisées par une systématisation de la détention et une diversification grandissante des lieux d’enferme- ment. La proposition du premier ministre britannique de créer, notam- ment en Afrique du Nord, des « cen- tres de transit » pour instruire les demandes d’asile illustre la tendance européenne d’étendre des zones de non-droit aÌ€ la marge des EÌtats de droit. Les pays occidentaux manifes- tent ainsi leur volonté de procéder aÌ€ une externalisation de l’asile, particu- lié€rement vers des lieux ouÌ€ les con- traintes de protection des droits de la personne sont beaucoup plus faibles. De plus, les délais de détention sont revus aÌ€ la hausse aÌ€ l’occasion des efforts d’harmonisation dans le cadre de l’UE, comme en témoigne, en France, le triplement du délai de rétention en zone d’attente qui est passé de 12 aÌ€ 32 jours depuis 2003.
La détention pour suspicion au Canada est aussi un outil d’enfermement. La LIPR prévoit qu’un agent peut, sans mandat, arré‚ter et détenir un étranger s’« il a des motifs raisonnables de soupçonner que celui-ci est interdit de territoire », ce qui est inférieur au test habituel qui exige des « motifs raisonnables de croire ». Selon une étude du HCR ren- due publique en avril 2006, bien que le recours aÌ€ la détention des demandeurs d’asile au Canada se fasse sur une base sélective, il existerait de grandes dis- parités entre les provinces : on a plus de chance d’é‚tre détenu aÌ€ Toronto qu’ailleurs au Canada. D’apré€s cette étude, en raison de l’augmentation considérable du nombre de deman- deurs d’asile détenus apré€s le 11 sep- tembre, il existerait un besoin pressant au Canada de considérer les voies alter- natives aÌ€ la détention.
Le recours systématique aÌ€ la détention est accompagné d’une réduction substantielle des droits procéduraux. Dans l’UE, la « communautarisation » des politiques d’im- migration et d’asile conduit aÌ€ une harmonisation et une coordination des droits procéduraux des demandeurs d’asile en les alignant sur le plus petit dénominateur commun. Les deman- deurs d’asile bénéficient rarement de l’autorisation de détention par un juge, d’un controÌ‚le judiciaire rapide et automatique de la décision de détention ou de sa révision.
D’autres droits procéduraux des demandeurs d’asile sont affectés par le paradigme sécuritaire. Dé€s le début des années 1990, la plupart des formes d’appel accessibles aux étrangers dans la Loi canadienne sur l’immigration ont été éliminées. La révision judiciaire est possible, mais seulement apré€s autorisation de la Cour fédérale, et elle se limite aÌ€ des questions juridiques techniques (il n’y a donc aucun appel possible sur le fond). De plus, depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur l’immi- gration et la protection des réfugiés (2002), mé‚me les répondants des étrangers qui sont interdits de terri- toire « pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou inter- nationaux, grande criminalité ou criminalité organisée » sont privés de droit d’appel.
En Europe, alors que certains pays comme le Royaume-Uni restreignent le droit d’appel administratif et la pos- sibilité de révision judiciaire, dans d’autres pays l’appel n’a plus un effet suspensif. Les EÌtats membres de l’UE font par ailleurs un usage généralisé de procédures accélérées pour traiter les demandes d’asile et les retours. Depuis 2003, les décisions sont prises en l’espace de 48 heures ouvrables aux Pays-Bas et au Royaume-Uni ouÌ€ 50 p. 100 des demandes d’asile sont traitées dans le cadre de la procédure accélérée. Le taux de refus atteint 95 p. 100 dans certains centres de rétention. L’Europe fait ainsi prévaloir la rapidité sur l’équité.
Le recours aux expulsions apparaiÌ‚t comme un autre moyen privilégié de gestion de la migration irrégulié€re en Occident. L’UE a institutionnalisé la pratique d’expulsion avec la Directive relative aÌ€ la reconnaissance mutuelle des décisions d’éloignement des ressor- tissants de pays tiers du 28 mai 2001. L’organisation de vols communs aÌ€ des fins d’expulsion porte le risque d’ex- pulsions collectives, lesquelles sont interdites par le droit international.
Au Canada, la LIPR permet le renvoi expéditif de personnes qui constitueraient une menace pour la sécurité. La procédure du certificat de sécurité prévoit une validation judi- ciaire de la décision ministérielle ainsi qu’une détention automatique, parfois pour de nombreux mois, par- fois pour plusieurs années (actuelle- ment, une personne est détenue depuis six ans), mais non que l’avocat de l’intéressé puisse assister aux audi- ences, ni que l’intéressé ait accé€s aÌ€ la preuve utilisée pour justifier le certifi- cat (un court résumé lui en sera fait par le juge). Le certificat de sécurité fait foi de l’interdiction du territoire et constitue une mesure de renvoi en vigueur et sans appel. Une telle procédure peut avoir pour con- séquence de renvoyer une personne aÌ€ la mort ou aÌ€ la torture sans aucune possibilité de savoir sur quelle base factuelle une telle décision a été prise. La constitutionnalité du recours aux certificats de sécurité de la LIPR est aÌ€ l’étude aÌ€ la Cour supré‚me depuis juin 2006.
Les pays occidentaux concluent par ailleurs des accords entre eux et avec les pays tiers pour rendre les mesures d’expulsion plus efficaces. L’Accord de tiers pays suÌ‚r signé en décembre 2002 entre le Canada et les EÌtats-Unis, permet aÌ€ chacune des par- ties de renvoyer un demandeur d’asile vers le territoire de l’autre partie, lorsqu’il est arrivé aÌ€ une frontié€re ter- restre, par transit sur le territoire de cette dernié€re afin que celle-ci examine la demande d’asile conformément aux ré€gles de son régime de détermination du statut de réfugié. Ce faisant, le Canada prive ces personnes d’un recours au systé€me de détermination de réfugié basé sur la Charte cana- dienne des droits et des libertés qui n’a pas son équivalent aux EÌtats-Unis.
Dans l’UE, la notion de « pays tiers suÌ‚r » permet aux EÌtats membres de déclarer irrecevables les demandes d’asile lorsque le demandeur a un « rapport ou des liens étroits avec le pays ou a eu l’occasion de bénéficier de la protection de ce pays » : ces tiers pays suÌ‚rs incluent souvent les pays limitrophes du territoire commun européen. De nombreux EÌtats européens appliquent cette notion considérée par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés comme incompatible avec la Convention de Gené€ve.
La gestion de la migration irrégulié€re en Europe est traversée par une tension constante entre le paradigme des droits de la personne et le paradigme de sécurité. Il existe actuellement un déséquilibre en faveur de l’approche sécuritaire. La focalisation sur la migration irrégulié€re ”” abordée dans une démarche essentiellement répressive et policié€re aÌ€ travers un discours éminemment politique et sécuritaire ”” occulte la nécessité de protéger les droits humains des migrants irréguliers.
La tension existant entre la conception sécuritaire des politiques migratoires et les obligations étatiques de protection des droits humains ne saurait é‚tre réduite tant que la dignité des migrants irréguliers est niée. La Commission des droits de l’homme de l’ONU a rappelé avec force, dans un rapport du 15 février 2006, que la détention indéterminée des étrangers aÌ€ Guantanamo Bay, permettant de les exclure de toute garantie de protec- tion constitutionnelle, est contraire au droit international.
La grande majorité des droits et libertés consacrés dans les instruments nationaux et internationaux de protec- tion des droits de la personne s’ap- plique indistinctement tant aux citoyens qu’aux ressortissants étrangers. Au Canada et dans les EÌtats membres de l’UE, le droit international des droits de l’homme est utilisé dans l’interprétation du droit national. Au Canada, alors que le droit aÌ€ l’égalité devant la loi est souvent considéré comme inapplicable dans le cas des étrangers en situation irrégulié€re, il est possible de dépasser la distinction entre la détention d’un étranger et celle d’un citoyen, dé€s lors que les con- séquences de la détention sont simi- laires. Rien n’empé‚che que les procédures de renvoi et autres mesures sécuritaires soient interprétées par rap- port aÌ€ leurs conséquences. La jurispru- dence sur le droit aÌ€ l’égalité et la lutte contre la discrimination doit évoluer dans ce sens au Canada.
Les tribunaux nationaux et inter- nationaux saisis de différentes alléga- tions liées aux politiques migratoires n’hésitent plus aÌ€ prendre position sur la légalité et les modalités de fonc- tionnement de ces politiques. Les cours supré‚mes de certains pays comme le Royaume-Uni, l’Italie et l’Autriche se montrent particulié€re- ment vigilantes pour surveiller la compatibilité des mesures nationales avec leurs obligations internationales. Les décisions et recommandations émanant de diverses institutions internationales constituent égale- ment un moyen de pression puissant sur les gouvernements. Les EÌtats membres de l’UE ont souvent été con- damnés par la Cour européenne des droits de l’homme pour des pratiques de détention et d’expulsion. Le Canada a été rappelé aÌ€ l’ordre par le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire le 5 décem- bre 2005, ainsi que dans les observa- tions finales du Comité des droits de l’homme et du Comité contre la tor- ture des Nations Unies.
Toutefois, les tribunaux nationaux n’ont pas encore vraiment relevé les défis posés dans le domaine du droit des étrangers. Un équilibre entre les préoccupations sécuritaires des EÌtats et la protection des droits fondamentaux de tous ne saurait é‚tre atteint qu’aÌ€ tra- vers un test de constitutionnalité et de compatibilité avec les obligations internationales des mesures sécuri- taires. Les EÌtats ne peuvent ignorer que le droit aÌ€ la migration s’articule en lien direct avec la protection des droits humains. Il peut y avoir des excep- tions : un droit peut é‚tre restreint dans une mesure « raisonnable et justifiable dans une société libre et démocratique » (pour reprendre les ter- mes du droit canadien) et des déroga- tions temporaires sont parfois possibles en cas d’urgence nationale. Mais lorsqu’un droit fondamental du migrant est en cause, le principe doit demeurer que la souveraineté nationale s’incline devant la dignité humaine.
En bref, l’attitude de nos gou- vernements envers les immigrants souligne la vulnérabilité de notre systé€me de protection des droits de la personne, et on peut en tirer des pa- rallé€les avec la façon dont nous traitons tous les groupes marginalisés dans notre société. Nous ne devrions pas accepter d’infliger aÌ€ des étrangers ce que nous n’accepterions jamais de voir infliger par un autre pays aÌ€ un citoyen canadien. Il en va de la légitimité de nos sociétés démocra- tiques : c’est aussi de la protection de nos droits dont il est question.
Cet article s’inspire d’une étude préparée par François Crépeau et Delphine Nakache intitulée « Controlling Irregular Migration in Canada: Reconciling Security Concerns with Human Rights Protection », IRPP Choice (février 2006). Une version plus courte a également été publiée dans Autre Forum 10 (2006).