Récemment, dans une épicerie, la jeune fille d’une amie a donné un gros câlin à un personnage en plastique coloré d’un mètre de haut représentant une marque populaire de bonbons. Le personnage en question était bien entendu placé au bout d’une allée, et entouré de nombreux sacs de friandises en solde.

La première réaction de la mère a été : « Ah! C’est tellement mignon! »

Puis, elle a déchanté.

Mon amie a compris que cette stratégie de marketing est aussi efficace qu’envahissante. Non seulement la fillette a reconnu la mascotte, mais elle avait le sentiment qu’elle devait lui faire un câlin et que sa mère devait lui acheter des bonbons.

Il s’agit d’une des façons les plus élémentaires de cibler les enfants avec des boissons et des aliments à faible valeur nutritive. Cela doit cesser.

Le présentoir avec la mascotte associée à la marque de bonbons est un exemple de ce que l’on appelle des « îlots d’exposition ». Les fabricants développent ces présentoirs autoportants de façon à ce qu’ils soient très accrocheurs. Ensuite, ils paient les détaillants pour que ceux-ci les utilisent, afin d’attirer davantage l’attention sur leurs produits et mousser leurs ventes.

Les îlots d’exposition peuvent être efficaces pour vendre les produits en solde ou des articles saisonniers, comme des poinsettias durant les Fêtes. Le problème survient lorsqu’ils comportent des éléments attrayants pour les enfants afin de promouvoir des aliments à faible valeur nutritive et des boissons sucrées – comme c’est trop souvent le cas.

Quand la malbouffe cible les enfants

Dernièrement, j’ai publié un rapport, financé par Cœur + AVC, à propos de la publicité de boissons et d’aliments à faible valeur nutritive visant les enfants, et des stratégies comme les îlots d’exposition. Le rapport résume les données recueillies par mon groupe de recherche auprès d’épiceries, de dépanneurs et de restaurants de 11 régions au pays, dont le Québec. Les résultats montrent à quel point les îlots d’exposition et les autres formes de publicité visant les enfants exercent une forte influence.

Dans notre recherche, on a recensé en moyenne 15 îlots d’exposition par magasin, dont 9 (ou 60 %) ciblaient les enfants. Quarante pour cent des îlots utilisaient des concepts visuels ou des thèmes enfantins, et 13 % montraient des personnages associés à des marques, comme celui qui a attiré la fille de mon amie.

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Parmi les détaillants disposant d’îlots d’exposition, plus de 90 % les utilisaient pour vendre des boissons et des aliments à faible valeur nutritive.

Nous avons découvert que la publicité s’adressant aux enfants est omniprésente dans les épiceries, les dépanneurs et les restaurants partout au pays. Outre les îlots d’exposition, les spécialistes du marketing utilisent une multitude d’autres stratégies, comme les personnages associés à des marques, ainsi que des concepts visuels et des thèmes enfantins sur les panneaux, les affiches et les congélateurs de crème glacée, toujours dans le but d’attirer les enfants.

Il s’agit d’un problème important, car cette publicité fonctionne. Et elle mène à une augmentation de la consommation d’aliments à faible valeur nutritive et de boissons sucrées, ce qui contribue à la crise actuelle de malnutrition, et condamne les jeunes à toutes sortes de problèmes de santé plus tard, dont les maladies cardiovasculaires et les cancers.

Ce type de marketing a aussi une incidence sur les parents. Les enfants influencent en effet les achats alimentaires pour toute la famille, souvent en « harcelant » leurs parents et en les poussant à choisir les boissons et les aliments à faible valeur nutritive qu’ils ont vus en magasin, mais aussi à la télévision et sur internet.

Comme pour le tabac

Le nouveau règlement fédéral, qui vise à interdire la publicité s’adressant aux enfants de moins de 13 ans, devrait aussi encadrer la publicité relative aux boissons et aux aliments à faible valeur nutritive. L’adoption de telles restrictions par Ottawa pourrait contribuer à renforcer l’interdiction de longue date de la publicité destinée aux enfants au Québec, notamment parce que cette dernière comporte des lacunes et qu’elle ne s’applique pas à l’emballage des boissons et des aliments, ni à toutes les formes de publicité dans les magasins.

L’adoption de restrictions concernant la publicité des aliments se fait attendre depuis longtemps. Toutefois, si la publicité dans les épiceries, les dépanneurs et les restaurants n’est pas incluse dans la réglementation, elle perdra une grande part de son efficacité.

Une telle faille serait exploitée par l’industrie et pourrait mener à la présence d’une quantité encore plus grande de publicités s’adressant aux enfants chez les détaillants. C’est ce que nous avons constaté lorsque les premières restrictions sur le tabac ont été mises en place : les annonceurs ont modifié leurs stratégies afin d’investir là où cela était encore permis. Nous avons toutes les raisons de croire que la même chose se produirait pour la malbouffe et les boissons sucrées. La publicité évolue toujours en réponse aux politiques qui visent à l’encadrer, en déployant davantage d’efforts là où elle n’est pas restreinte.

Il est urgent que le gouvernement fédéral donne suite à son engagement d’interdire la publicité s’adressant aux enfants. Il est aussi primordial que cette réglementation couvre la publicité chez les détaillants, qui peut sembler mignonne, mais qui est en réalité néfaste pour nos enfants.

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Leia Minaker
Leia Minaker est professeure agrégée à la School of Planning de l’Université de Waterloo, en Ontario. Ses domaines de recherche comprennent l’environnement alimentaire, la planification de l’alimentation, l’équité en santé, la santé et l’environnement bâti, la nutrition et la santé des jeunes. Twitter @LeiaMinaker

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