Ce qui devait être le congrès du premier gouvernement néodémocrate fédéral de l’histoire canadienne, dans la province la plus conservatrice du pays, l’Alberta — la province qui a élu le premier gouvernement néodémocrate majoritaire l’an dernier —, s’est plutôt transformé en une autre première : un chef du NPD s’est fait montrer la porte sur la place publique, devant les caméras des grands réseaux. Humiliant et blessant.

Pourtant, ce verdict de 52 % des délégués était plus que prévisible. Seuls des gens déconnectés de la base militante néodémocrate pouvaient croire que Thomas Mulcair aurait l’appui d’au moins 70 % des militants. Seuls des organisateurs déconnectés des réalités politiques pouvaient croire que le manifeste « Un bond vers l’avant » serait bien reçu par la province hôtesse du congrès. La grogne était palpable.

En 2012, Thomas Mulcair a été élu chef du parti au quatrième tour de scrutin avec 57 % des votes, en remplacement de l’iconique Jack Layton. Son seul mandat : gagner l’élection de 2015. Après avoir failli à la tâche, il aurait dû tirer sa révérence immédiatement. Il se serait épargné l’humiliation et aurait évité au parti le spectacle public de sa division interne, qui laissera forcément de nombreuses séquelles. Stephen Harper, lui, ne s’était pas fait prier. Le passage à vide sans chef réel pendant près de deux ans ne rendra pas la tâche facile au NPD lors des élections de 2019.

Le Thomas Mulcair du congrès d’Edmonton ressemblait beaucoup à celui de la campagne électorale de 2015 : mal à l’aise avec les délégués, distant, tenant un discours morne, répétitif et peu convaincant. Surprenant de la part de cet homme brillant, de ce grand parlementaire.

Le nouveau ou la nouvelle chef du NPD devrait s’inspirer des années 2003 à 2008 de Jack Layton.

Retour à la case départ ! Le nouveau ou la nouvelle chef devrait s’inspirer des années 2003 à 2008 de Jack Layton, pendant lesquelles le chef, après son élection à la direction du parti, a mis en place les conditions gagnantes qui ont mené aux résultats électoraux de 2008 et à la vague orange de 2011. Son équipe comprenait notamment le brillant stratège Brian Topp, actuel chef de cabinet de la première ministre de l’Alberta. La promesse de faire la politique différemment, une plateforme électorale modérée, le recrutement d’un noyau de candidats solides et une campagne positive et optimiste ont su rejoindre la classe moyenne en 2011.

Cette vague, planifiée et orchestrée pendant de nombreuses années, reposait sur un concept simple : Ottawa ne fonctionne plus ! Travaillons ensemble ! Jack Layton, qui courtisait le Québec sans relâche depuis 2006, a provoqué la montée en flèche du parti en 2008, et la vague orange qui a déferlé en 2011 (raflant 59 circonscriptions sur 75). Le Bloc québécois a alors perdu son statut de parti reconnu à la Chambre des communes.

Mais en 2015, le NPD n’a réussi à faire élire que 16 députés au Québec. Plusieurs régions sont maintenant orphelines de députés NPD, dont celles de Québec et de l’Outaouais. L’Ontario a subi de lourdes pertes, l’Atlantique a connu un balayage libéral, et j’en passe. Rappelons que le NPD avait commencé la campagne en lion et menait dans les sondages.

Malheureusement, cette campagne fut inodore, incolore et sans saveur. Un échec complet au plan des communications. Elle a creusé un fossé entre le parti et les électeurs. Le dossier du « foulard de la discorde » (le niqab) et la performance plus que neutre du chef québécois dans la plupart des débats auront marqué le début de la fin pour le NPD au Québec en 2015.

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Certains annoncent maintenant la mort du NPD au Québec. Ce sont les mêmes qui proclamaient la mort du Parti libéral fédéral, il y a quelques années.

Le NPD peut-il encore aspirer à former le gouvernement ? L’avenir le dira. Ce ne sera pas facile et beaucoup plus long que prévu. Comme tous ceux qui pressentaient une victoire en 2015 et qui ont même participé à des rencontres de planification de transition gouvernementale (telle la soussignée), chacun devra être patient, retrousser ses manches et faire les bons choix. Un parti politique qui vise le pouvoir doit par définition tendre à représenter les gens d’abord plutôt que les groupes d’intérêts.

Le manifeste « Un bond vers l’avant » risque d’aliéner une grande partie de ces électeurs que Jack Layton et son équipe ont mis huit années à convaincre. Les interventions entendues au congrès et les commentaires qui circulent depuis montrent que ce document divise, et cela m’inquiète particulièrement. Le manifeste risque de monopoliser les débats pendant la course à la chefferie et pourrait nuire au parti dans sa quête d’attirer les électeurs modérés de tous les coins du pays. Il faudra voir comment s’articulent les discussions qui l’entourent et l’ouverture de ses auteurs aux compromis. Mais déjà les commentaires et les impressions qu’il dégage me font croire qu’il sera difficile d’avoir des discussions sereines dans un contexte de course au leadership à l’aube de l’élection de 2019, face au charismatique Justin Trudeau.

Le message du NPD doit être simple, inspirant et toucher les gens au quotidien. Il doit tenir compte du peuple québécois. Il doit unir les gens plutôt que de les diviser, et s’appuyer sur des compromis qui respectent les spécificités de tous les Canadiens. Plus que jamais, le NPD a besoin d’un communicateur ou d’une communicatrice, qui sera bilingue et qui saura inspirer les Québécois et les Canadiens, ainsi que d’une excellente stratégie de communication en campagne électorale. Il pourra ainsi redevenir un joueur important sur l’échiquier électoral.

Tout de suite après le congrès, de nombreux militants de partout au pays, une fois remis de leurs émotions, m’ont dit qu’ils demeurent optimistes et qu’ils aiment profondément le parti.

Le caucus néodémocrate vivra un véritable test d’unité dès que certains de ses membres voudront succéder à Thomas Mulcair. Je ne suis toujours pas convaincue de la sagesse de lui laisser l’intérim jusqu’à l’élection du nouveau ou de la nouvelle chef. Tous ses gestes seront disséqués et jugés. Il aura des décisions à prendre qui pourront avoir des conséquences pour certains de ces collègues candidats, notamment les choix du porte-parole, de la présidence de comités, du chef adjoint, du whip, et j’en passe. Il devra non seulement prendre ces décisions objectivement mais aussi donner l’impression en tout temps qu’elles sont impartiales. Les sources « anonymes » et les vautours ne manqueront pas et l’attendront au détour. Le rôle d’un chef intérimaire demande plus qu’une participation à la période de question.

 


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