Selon ce sondage téléphonique par échantillons aléatoires, mené du 1er au 5 novembre 2010 auprès de 1 017 Canadiens, nos compatriotes ne sont guère d’humeur festive à l’approche de Noël.

Ce taux d’avis favorables (« dans une bonne direction ») de 52,2p.100 est presque identique aux 53,6p.100 de 2008, enregistrés au lendemain de l’effondrement des marchés boursiers qui avait plongé l’économie mondiale dans la pire récession synchronisée depuis 60 ans (question 1). Or le Canada en est sorti en meilleur état que tous ses partenaires du G7. Ce recul dénote donc une perte de confiance dans la reprise et un malaise grandissant, apparus en dépit de six trimestres consécutifs de croissance économique et de progression de l’emploi.

C’est au Québec que la confiance est la plus faible, 38,5 p. 100 des Québécois jugeant que le pays est sur une bonne voie, contre 54,9 p. 100 qui croient le contraire. Et c’est dans les Prairies qu’elle est la plus forte, le pays empruntant la bonne direction pour 66,2 p. 100 des répondants. On trouve à mi-chemin les provinces de l’Atlantique (57,4 p. 100 d’avis favorables), l’Ontario (51,1 p. 100) et la Colombie-Britannique (54,8 p. 100). Fait significatif : les avis défavorables ont augmenté dans l’électorat qui se désigne comme conservateur, dont le quart (25,3 p. 100) croit que le pays emprunte une mauvaise voie. La grogne populaire s’étend donc à une proportion appréciable de partisans conservateurs.

Quand on leur demande de classer « la réputation du Canada dans le monde au cours de la dernière année » (question 2), 31,7 p. 100 des Canadiens répondent qu’elle ne s’est pas ou pas beaucoup améliorée ; 22,6 p. 100 étaient de cet avis l’an dernier. Nul doute que cette perception traduit l’échec du Canada au Conseil de sécurité de l’ONU, qui lui avait refusé un siège temporaire tout juste quelques semaines avant le sondage. Nul doute non plus qu’aux yeux de sa propre population, le Canada a essuyé une sérieuse rebuffade sur le plan international.

C’est au Québec que l’image du Canada est le plus mal notée, ce qui reflète en partie l’indifférence des électeurs souverainistes sans toutefois expliquer que plus de la moitié des Québécois jugent que notre réputation internationale ne s’est pas améliorée (26,7 p. 100) ou pas beaucoup améliorée (18,5 p. 100). Il en va tout autrement en Colombie-Britannique, où se sont déroulés en février les Jeux olympiques d’hiver, une réussite mondiale pour Vancouver et Whistler, le Canada ayant raflé un nombre record de 14 médailles d’or. Seuls 12,2 p. 100 des répondants y estiment ainsi que notre réputation ne s’est pas améliorée et 14,7 p. 100 qu’elle ne s’est pas beaucoup améliorée.

Sans surprise, le gouvernement conservateur de Stephen Harper accuse le choc de ce fléchissement des courbes de tendance (question 3). Sa performance, en effet, n’a jamais été jugée plus faible : à peine 29,1 p. 100 des Canadiens la qualifient de « bonne » ou de « très bonne » (39,5 p. 100 se disaient de cet avis en 2007, année du premier sondage sur l’humeur du Canada), 33,3 p. 100 lui accordent la moyenne et 28,4 p. 100 la jugent « faible » ou « très faible ».

Ici encore, le Québec fait baisser le classement général du gouvernement, seuls 3,4 p. 100 des Québécois estimant sa performance « très bonne » et 18,8 p. 100 « bonne », pour un maigre total de 22,2 p. 100.

Pour ce qui est enfin de notre question annuelle sur les relations fédérales-provinciales (question 4), la proportion de répondants qui jugent qu’elles ne se sont pas ou pas beaucoup améliorées a augmenté de 32,4 p. 100 en 2009 à 35,5p.100 en 2010, le résultat le plus faible en quatre années de sondage.

Et le Québec se démarque de nouveau, plus de la moitié des Québécois estimant que les relations entre Ottawa et les provinces ne se sont pas améliorées (25,5 p. 100) ou pas beaucoup améliorées (25,9 p. 100). Mais en Colombie-Britannique, où le premier ministre sortant Gordon Campbell s’entendait à merveille avec Stephen Harper, seuls 6,6 et 24,8 p. 100 estiment qu’elles ne se sont pas ou pas beaucoup améliorées. On peut sans doute y voir le fruit d’une collaboration fédérale-provinciale très médiatisée dans des projets d’envergure comme les Jeux olympiques.

Tout compte fait, on peut presque dire que le Canada était d’humeur acrimonieuse en 2010. Pour expliquer cet état, on ne saurait sous-estimer l’effet psychologique de la récession sur la perception qu’ont les Canadiens de leurs représentants élus, ni les réalités auxquelles font face les conservateurs. Car une transition s’est produite en cette quatrième année au pouvoir du gouvernement Harper. Lors de son premier mandat en 2006, les cinq priorités qu’il avait définies offraient une vision claire qui avait suscité une perception plus favorable. Mais le temps et les vicissitudes du pouvoir ayant brouillé cette vision, les Canadiens n’ont plus une perception aussi nette des priorités confiance est ébranlée et leur malaise grandissant.

En cette fin d’année, on peut se demander ce que laisse présager une telle conclusion en cas d’élections en 2011.

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Nik Nanos
Chercheur et conseiller stratégique, Nik Nanos est régulièrement appelé à conseiller des dirigeants sur un large éventail de sujets, notamment les fusions d'entreprises, les campagnes de sensibilisation du public, la gestion de la réputation et les questions réglementaires. Il dirige l'équipe de Nanos, qui conduit des recherches au Canada et aux États-Unis, est fellow au Woodrow Wilson International Center for Scholars de Washington, D.C., et chercheur et professeur agrégé à  la State University of New York de Buffalo. Il est aussi analyste principal pour l'indice Bloomberg-Nanos de la confiance des consommateurs canadiens, dont les résultats sont transmis hebdomadairement aux clients de Bloomberg. Chaque semaine, il présente The Nanos Number à  l'émission Power & Politics de la CBC, qui suit l'évoution politique, économique et sociale. Il siège au comité de rédaction du Journal of Professional Communication de l'Université McMaster.

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