Laissé pour mort au lendemain des élections de mai dernier, qui l’ont relégué au troisième rang pour la première fois depuis la Confédération, le Parti libéral du Canada (PLC) s’est admirablement ressaisi lors de son congrès de la mi-janvier. Plus de 3 400 libéraux de tout le pays, dont un tiers de jeunes délégués, se sont rassemblés à Ottawa en pleine tempête de neige. Loin de délaisser le PLC, ils ont répondu d’une seule voix à l’appel d’un parti qui avait besoin d’eux.
Et loin d’agir comme un tiers parti, ils lui ont redonné son souffle. Dans le nouveau Centre des congrès d’Ottawa, l’énergie était à son comble, et les idées fusaient de toutes parts lors des pauses et des séances plénières. La course à la présidence du parti a été serrée, et le discours de clôture du chef par intérim Bob Rae, qui ouvre ce numéro consacré au renouveau libéral, a galvanisé l’auditoire.
Pour l’une des voix éloquentes de la nouvelle génération, Zach Paikin, étudiant de l’Université McGill ayant brigué le poste de chef de la politique nationale du parti, le PLC doit « définir une vision axée sur l’augmentation des recettes publiques et la réduction des dépenses afin de renforcer la capacité fiscale du Canada dans un monde de plus en plus imprévisible ».
Selon Brian Bohunicky, ancien conseiller principal aux politiques de Michael Ignatieff, le congrès a marqué la première et fructueuse étape d’une remontée qui s’annonce ardue. Mais le PLC peut tirer d’importants avantages de son statut de tiers parti, soutient-il, en s’armant de patience, de courage et de créativité.
Les libéraux ne forment pas un mouvement comme le sont les conservateurs, note pour sa part Andrew Balfour, mais ils auraient beaucoup à apprendre d’eux en termes de financement et d’organisation. « Le Parti libéral est au meilleur de sa forme quand il incarne le centre de la vie politique, ajoute-t-il, mais il s’atrophie dès qu’il s’en éloigne. »
Pour l’ancienne députée Martha Hall Findlay, les libéraux ne doivent se diriger ni vers la gauche ni vers la droite, mais aller de l’avant, notamment sur les enjeux du commerce et de la mondialisation, des Autochtones et de l’immigration, afin d’affirmer ainsi leur leadership.
Nos collaborateurs Tom Axworthy et Robin Sears analysent le renouveau libéral sous deux angles fort différents.
Ancien secrétaire principal de Pierre Elliott Trudeau, le premier a vu une sorte de retour de la « ligue du vieux poêle » dans l’hommage rendu par le congrès à Allan MacEachen, qui fait figure, à 90 ans, de « vieux sage » d’un parti qui n’en gagnerait pas moins à tirer profit de son expérience. Le second, ancien directeur national du Nouveau Parti démocratique (NPD), recense les défis qui attendent les néodémocrates face à la remontée du PLC.
Nous concluons le débat par les percutantes analyses de trois stratèges libéraux. Steven MacKinnon, ancien directeur national du parti et candidat dans la circonscription québécoise de Gatineau, offre tout d’abord un compte rendu de terrain et résume la vacuité de la campagne par cette remarque d’une citoyenne : « Vous venez nous promettre une série de mesures familiales pour vous faire élire, c’est bien ça? » Le PLC n’ayant pu proposer une vision forte du pays, c’est sans surprise qu’il a été laminé, constate-t-il.
John Duffy voit une occasion à saisir dans cette lointaine troisième place qu’occupent les libéraux. Dénués de pouvoir face à une majorité conservatrice, les voici qui réapprennent à s’opposer, se réjouit-il, « une réaction salutaire dont dépend leur survie ».
Le PLC doit mettre les bouchées doubles ou plier bagage, croit enfin le sondeur David Herle, pour qui les chiffres ont tout dit de l’effondrement des libéraux au Québec et en Ontario. Et c’est sans parler de l’Ouest, où ils n’ont récolté que 4 des 92 sièges. C’est par les villes que passera la reconquête du pays, prédit-il.
Dans sa chronique de Calgary, Todd Hirsch conseille aux libéraux de ne pas fonder trop d’espoirs sur un regain dans l’Ouest, d’autant que la nouvelle Chambre de 338 circonscriptions, qui créera six sièges en Alberta et six en Colombie-Britannique, ne devrait guère les favoriser.
Nous publions dans notre Dossier les programmes de Brian Topp et de Thomas Mulcair, considérés comme les meneurs de la course à la direction du NPD. Le premier a adapté pour nous l’exposé de politique budgétaire qu’il a présenté au Club économique de Toronto. Le second, ancien ministre québécois de l’Environnement, éreinte le bilan environnemental des conservateurs, notamment pour ce qui est du « pétrole sale » que constitueraient les sables bitumineux.
Dans notre série Nation innovante, Gilles Patry et David Moorman, de la Fondation canadienne pour l’innovation, plaident pour la création de centres d’innovation privés. Puis de l’Institut Macdonald-Laurier d’Ottawa, Brian Lee Crowley et Kristina Lybecker résument leur important document d’orientation sur la propriété intellectuelle et les brevets pharmaceutiques, enjeu majeur des pourparlers de libre-échange en cours avec l’Union européenne.
Analysant un autre type de campagne à la direction, Gil Troy s’intéresse à l’investiture républicaine aux États-Unis. Les républicains, observe le spécialiste de l’histoire présidentielle américaine, se languissent de trouver le prochain Ronald Reagan.