Depuis plusieurs mois, la Chine est au cœur des préoccupations de la presse économique. D’un coÌ‚té, on nous parle de l’opportunité que représente le marché chinois pour nos entreprises, surtout dans le secteur des ressources naturelles. De l’autre, on fait état de la concurrence que les entreprises chinoises opposent aÌ€ nos sociétés, tant au Canada qu’aux États-Unis. Cependant, les médias canadiens et québécois ne mentionnent que rarement la possibilité, pourtant réelle, d’une crise finan- cié€re chinoise et ses conséquences sur notre économie. Or, cette possibilité devrait nous préoccuper davantage car, si elle survenait, elle nuirait d’une part aÌ€ nos exportations de matié€res premié€res vers la Chine en raison du ralentisse- ment économique qui s’en suivrait, mais surtout, elle aurait des répercussions tré€s négatives sur les États-Unis, qui dépendent grandement des capitaux chinois et asiatiques pour financer leur consommation excédentaire privée et publique. Ainsi, c’est moins comme concurrent commercial que la Chine est menaçante pour le Canada que comme principal bailleur de fonds de notre principal partenaire commercial.

Les États-Unis encourent un déficit de la balance de leur compte courant (balance commerciale et paiements nets de dividendes, intéré‚ts et transferts aÌ€ l’étranger) depuis plusieurs années. Cela veut dire que les Américains consomment plus que ce qu’ils produisent et qu’ils s’endettent vis-aÌ€-vis l’étranger afin de financer leur consommation excédentaire. En soi, un déficit de la balance du compte courant n’est pas problématique, pas plus qu’un ménage qui s’endette. C’est lorsque l’endettement ne s’arré‚te plus qu’il y a problé€me. C’est exactement ce qui se passe aux États-Unis. Depuis 1990, le déficit de la balance du compte courant en pourcentage du produit intérieur brut (PIB) ne cesse de croiÌ‚tre (voir Fig. 1). Il atteint maintenant 5,4 p. 100 du PIB américain.

Un déficit de plus de 5 p. 100 du PIB est généralement considéré comme étant insoutenable. En principe, un tel déficit devrait provo- quer une dépréciation de la monnaie afin de favoriser les exportations au détriment des importations. En diminuant les importations (parce qu’elles sont plus ché€res) et en aug- mentant les exportations, une dépréci- ation de la monnaie permet de réduire le déficit de la balance du compte courant. Or, dans le cas des États-Unis, malgré une dépréciation de 14,5 p. 100 du taux de change réel effectif du dollar américain depuis le deuxié€me trimestre de 2002 (voir Fig. 2), le déficit de la balance du compte courant n’a pas diminué, au contraire. La raison en est que le gouvernement américain a recommencé aÌ€ faire des déficits budgétaires en 2002 (voir Fig. 3). Ces déficits doivent é‚tre financés par l’épargne privée et comme l’é- pargne privée américaine est nulle ou négative depuis le milieu des années 1990, la consommation excédentaire du gouvernement américain doit aussi é‚tre financée par les étrangers, d’ouÌ€ le maintien du déficit de la balance du compte courant malgré la déprécia- tion du dollar.

Selon une étude récente de la Federal Reserve Bank of New York, ce sont les banques centrales asiatiques, dont celle de la Chine, qui aché€tent des bons du Trésor américain. Les banques centrales asiatiques contin- uent de financer, graÌ‚ce aÌ€ l’épargne de leurs citoyens, l’endettement améri- cain grandissant parce qu’elles désirent empé‚cher l’appréciation de leurs propres devises par rapport au dollar américain et, par le fait mé‚me, entre elles. En achetant des bons du Trésor, elles soutiennent la demande pour le dollar américain sur le marché international des devises. Cela empé‚che le dollar de chuter et permet aux Américains de continuer aÌ€ vivre au-dessus de leurs moyens. Mais qu’arriverait-il si la Chine con- naissait une crise financié€re? Quel en serait l’impact sur l’économie canadienne?

Les médias ont souvent fait état de la menace concurrentielle de la Chine ces derniers temps. Par exem- ple, on a mentionné l’opposition des fabricants canadiens de bicyclettes aÌ€ l’élimination des tarifs imposés par le gouvernement fédéral sur les bicy- clettes chinoises, indiquant que cette mesure allait mener nos producteurs aÌ€ la ruine étant donné leurs couÌ‚ts de production supérieurs. Ils ont aussi porté leur attention sur une étude de l’Agence américaine des douanes et de la protection des frontié€res (U.S. Customs and Border Protection Agency) qui soulignait que le rythme de croissance des exportations chi- noises vers les États-Unis était tel que le Canada pourrait perdre son titre de premier partenaire commercial des États-Unis au profit de la Chine d’ici cinq ans. Une étude récente menée par les Manufacturiers et exportateurs du Québec va dans le mé‚me sens. Elle démontre que la part de marché des exportations québécoises sur le marché américain est passée de 3,6 aÌ€ 2,9 p. 100 entre 1990 et 2003, alors que celle des exportations chinoises estpasséede3aÌ€12p.100aucoursde la mé‚me période.

En mé‚me temps, les médias indiquent que la croissance éco- nomique chinoise est un baume pour les entreprises canadiennes spécia- lisées dans l’extraction et la transfor- mation des ressources naturelles. Le « boom » économique chinois crée une forte demande pour le pétrole, les métaux (acier, aluminium, cuivre, nickel et zinc), ainsi que pour les pro- duits forestiers, chimiques et agri- coles. La croissance de l’économie chinoise est tout simplement épous- touflante. Entre 1999 et 2003, l’é- conomie chinoise a cruÌ‚ aÌ€ un taux annuel composé de 9,1 p. 100 selon une étude des conseillers en gestion McKinsey & Cie. Depuis 1990, le taux de croissance annuel moyen du PIB chinois est de 18,5 p. 100 selon une étude de Wendy Dobson pour l’Insti- tut C.D. Howe. Malgré les efforts récents de contraction du crédit du gouvernement chinois pour ralentir l’économie en voie de surchauffe, l’E- conomist Intelligence Unit s’attend aÌ€ des taux de croissance du PIB de 8,9 p. 100 en 2004 et 8,1 p. 100 en 2005.

L’investissement et l’exportation sont aÌ€ la base de la croissance économique chinoise. Selon l’étude de McKinsey & Cie, l’investissement représente 40 p. 100 du PIB depuis 1997. Malgré une augmentation annuelle moyenne de 130 p. 100 depuis 1990 selon l’étude de Dobson, les investisse- ments directs étrangers ne représentent que un dixié€me du total des investisse- ments dans l’économie chinoise. C’est donc dire que l’épargne chinoise finance la grande majorité des investissements faits en Chine. C’est pourquoi le systé€me bancaire joue un roÌ‚le clé dans le développement économique de la Chine. Cependant, comme nous le verrons plus loin, cela représente aussi un risque pour l’économie chinoise, avec des répercus- sions possibles importantes pour les États-Unis et le Canada.

Du coÌ‚té des exportations, celles-ci représentent maintenant pré€s de 30 p. 100 du PIB chinois. Les princi- pales destinations pour les produits chi- nois sont les États-Unis (21,1 p. 100 du total), Hong Kong (17,4 p. 100) et le Japon (13,6 p. 100). La Corée du Sud vient loin en quatrié€me position avec 4,6 p. 100 du total des exportations chi- noises selon l’étude de McKinsey & Cie. La Chine est également un importateur important, car elle a besoin de matié€res premié€res, d’équipements et de machinerie pour soutenir et augmenter sa production. Selon l’étude de Dobson, les importations représentaient 24,4 p. 100 du PIB chinois en 2002. Le Japon, Taïwan, la Corée du Sud, les États-Unis et l’Allemagne étaient ses principaux fournisseurs en 2003 selon McKinsey & Cie. De plus, on note l’émergence pro- gressive d’une classe moyenne chinoise qui demande des produits de consom- mation dits de luxe, provenant souvent de l’étranger (ex.:voitures, appareils électroménagers, etc.).

La croissance et le développement de l’économie chinoise ne se font pas sans problé€mes. Les institutions néces- saires au bon fonctionnement de l’é- conomie telles que le respect des droits de propriété intellectuelle, des administra- tions publiques et des tribunaux compé- tents et honné‚tes, des lois et ré€glements clairs, etc. font encore grandement défaut en Chine. Et le problé€me le plus grave auquel elle fait face pour l’instant est la fragilité de son systé€me bancaire.

Le systé€me bancaire chinois est au cœur du développement économique du pays, canalisant les dépoÌ‚ts des Chinois vers les investissements en infrastruc- tures, baÌ‚timents, usines, entrepoÌ‚ts, etc. : 90 p. 100 des investissements sont financés par les banques. Malheureusement, ce systé€me est tré€s inefficace puisque l’allocation du capital répond trop souvent encore aÌ€ des impératifs politiques plutoÌ‚t qu’économiques. Ainsi, les quatre grandes banques commerciales qui dominent le marché chinois sont toutes détenues par le gou- vernement. Ce sont de grosses bureaucraties ouÌ€ la corruption est omniprésente. La majorité des grandes entreprises chinoises sont également détenues par l’État et tout aussi bureau- cratiques et inefficientes, bien que le gouvernement tente d’y faire le ménage depuis quelques années.

L’octroi de pré‚ts selon une logique politique signifie que des projets peu solides sur le plan économique reçoivent souvent du financement malgré tout. Beaucoup de gaspillage a eu lieu de cette manié€re jusqu’aÌ€ main- tenant, de sorte que les banques se retrouvent avec une montagne de pré‚ts non performants, c’est-aÌ€-dire des pré‚ts dont les intéré‚ts ne sont pas payés et qui ne font pas l’objet de rem- boursements. Selon le Fonds monétaire international (FMI), 20 p. 100 des pré‚ts octroyés par les banques com- merciales publiques étaient non per- formants en 2003, ce qui représente 16 p. 100 du PIB chinois.

Cette situation a rendu la taÌ‚che du gouvernement chinois plus difficile lorsque le temps est venu de ralentir l’é- conomie qui commençait aÌ€ surchauf- fer, au début de l’année 2004. Alors qu’il suffit ici aÌ€ la Banque du Canada d’augmenter son taux directeur pour ralentir l’investissement, en Chine le gouvernement a duÌ‚ intervenir directe- ment par l’entremise des banques en limitant l’octroi de crédits bancaires, autant pour les nouveaux projets d’in- vestissement que pour le fonds de roulement des entreprises. Le gou- vernement chinois craignait qu’une augmentation du taux directeur de la Banque populaire de Chine ne miÌ‚t en péril la viabilité du systé€me bancaire. Cela aurait aussi rendu plus difficile la taÌ‚che de maintenir fixe le taux de change entre le yuan chinois et le dol- lar américain. Ce qui est inquiétant, c’est que, selon le Financial Times, ces restrictions administratives auraient été appliquées avec plus de dili- gence aux entreprises privées, moins bien branchées politiquement, qu’aux entreprises d’État. Cela veut dire que l’alloca- tion du crédit a continué d’é‚tre biaisée.

Cette situation s’explique par la décentralisation des systé€mes bancaire et politique chinois. L’octroi du crédit se décide au niveau local, pour des raisons politiques locales. Dans ce cas, il est donc difficile pour les autorités centrales aÌ€ Pékin de faire respecter leurs volontés aÌ€ court terme. En con- séquence, l’économie chinoise n’a pas vraiment ralenti sa croissance et les pressions inflationnistes persistent.

Face aÌ€ l’inefficacité des mesures administratives adoptées pour limiter l’octroi du crédit bancaire, la Banque populaire de Chine s’est vue dans l’obligation d’augmenter son taux directeur de 27 points de pourcentage le 28 octobre dernier, pour la premié€re fois depuis 1995. En conséquence, le prix des métaux et des actions de com- pagnies minié€res mondiales comme Alcan et Inco ont baissé face aÌ€ la possi- bilité d’un ralentissement significatif de la demande chinoise pour de tels produits, surtout devant la possibilité de nouvelles hausses du taux directeur.

Cet exemple montre bien com- bien une diminution de la croissance économique chinoise peut influer négativement sur l’économie cana- dienne, sur le secteur des ressources naturelles notamment. Cependant, la vraie menace pour le Canada se trouve au niveau du systé€me monétaire chi- nois, plutoÌ‚t qu’au niveau des échanges commerciaux.

La Chine possé€de présentement un régime de taux de change fixe avec le dollar américain. Cependant, plusieurs experts et gouvernements sont d’avis que le taux de change actuel sous-évalue le yuan, conférant par le fait mé‚me un avantage concurrentiel aux entreprises exportatrices chinoises. Afin de rétablir l’équilibre de son taux de change ainsi que l’équité concur- rentielle internationale, ils croient que le gouvernement chinois devrait réévaluer le yuan par rapport au dollar américain (et dans la foulée, par rapport au dollar canadien). Certains gouverne- ments, dont celui des États-Unis, demandent aÌ€ la Chine d’aller jusqu’aÌ€ abandonner son régime de taux de change fixe et de laisser le yuan flotter au gré du marché afin qu’il puisse s’ap- précier aÌ€ sa juste valeur.

Une réévaluation (ou apprécia- tion) du yuan serait doublement béné- fique pour l’économie du Canada. D’une part, la position concurrentielle de nos entreprises sur le marché améri- cain s’améliorerait puisque les produits chinois deviendraient relativement plus chers alors que les prix des pro- duits canadiens n’auraient pas changé. D’autre part, le prix des importations canadiennes en Chine diminuerait.

Selon un article récent de Fred Bergsten, directeur du prestigieux Institute for International Economics, paru dans la revue The Economist, une réévaluation du yuan de 20 aÌ€ 25 p. 100 contribuerait aussi aÌ€ réduire la crois- sance économique de la Chine (graÌ‚ce aÌ€ une plus faible demande pour ses pro- duits), ce qui permettrait aÌ€ au gou- vernement chinois d’atteindre son objectif d’un « atterrissage en douceur » (soft landing). Une telle réévaluation servirait aussi aÌ€ restreindre l’inflation chinoise graÌ‚ce aÌ€ la réduction du prix des importations. Finalement, cela réduirait l’entrée de capitaux spécula- tifs (misant actuellement sur le fait qu’une réévaluation aura effectivement lieu) qui stimulent la croissance de la masse monétaire et du crédit.

Le gouvernement chinois refuse toutefois de réévaluer ou de laisser flot- ter le yuan pour l’instant. Lors de la dernié€re rencontre du G7 en marge de la rencontre du Fonds monétaire inter- national (FMI) et de la Banque mon- diale en octobre dernier, la Chine, qui était l’invitée d’honneur des ministres des finances et des gouverneurs des banques centrales des pays du G7, a refusé de modifier son régime de taux de change, jugeant que le temps n’était pas encore opportun.

Bien qu’un tel refus de réévaluer le yuan représente une mauvaise nouvelle pour les entreprises canadiennes, ce sont ses conséquences sur le systé€me ban- caire chinois qui pourraient é‚tre beaucoup plus néfastes pour l’économie canadienne. En effet, la sous-évaluation du yuan augmente le risque que le sys- té€me bancaire chinois s’effondre et ce, malgré les mesures prises par le gou- vernement pour prévenir un tel scénario. Comme les mesures administratives pour restreindre le crédit bancaire sont peu efficaces et que les fonds étrangers continuent d’entrer massivement dans le territoire chinois, la banque centrale chinoise doit continuer aÌ€ acheter des actifs financiers étrangers (ex. bons du Trésor américain) et ainsi réduire la demande pour le yuan afin de maintenir le taux de change fixe et les taux d’in- téré‚t inférieurs aÌ€ leur niveau d’équilibre. Dans la mé‚me optique, le gouvernement permet de plus en plus aux entreprises chinoises d’investir aÌ€ l’étranger. Ces investissements se font surtout dans le secteur des ressources naturelles afin de réduire la dépendance de la Chine envers l’étranger. L’acquisition probable de Mines Noranda (une des plus impor- tantes sociétés minié€res cana- diennes) par China Minmetals est un bon exemple de cette nouvelle politique d’investisse- ment aÌ€ l’étranger (baptisée « Go Out » en anglais).

Malgré l’augmentation des investissements chinois aÌ€ l’étranger, l’économie chinoise continue de voir sa masse monétaire s’accroiÌ‚tre rapidement. La pression inflationniste et l’ineffi- cience des investissements qui s’en- suit augmentent le risque que la croissance économique se transforme en une bulle artificielle qui finira par éclater, comme ce fut le cas pour le secteur des technologies de l’informa- tion en 2000. Un tel scénario agirait comme un raz de marée pour le sys- té€me bancaire chinois qui n’a pas encore les reins assez solides pour faire face aÌ€ une dégringolade de l’é- conomie, les réserves actuelles des banques commerciales chinoises (moins que la norme minimale inter- nationale de 8 p. 100 du total des pré‚ts pondéré par le niveau de risque) étant encore insuffisantes compte tenu de la pié€tre qualité de leurs portefeuilles de pré‚ts.

Une telle crise bancaire en Chine et l’« atterrissage forcé » (hard land- ing) de l’économie qu’elle entraiÌ‚nerait provoqueraient suÌ‚rement un arré‚t des entrées de capitaux étrangers, si ce n’est une sortie nette de fonds vers des eaux plus calmes. Au pire, la Chine vivrait une crise similaire aÌ€ celle que ses voisins asiatiques ont vécue en 1997.

Mais mé‚me si la Chine parvenait aÌ€ éviter une telle crise causée par des sor- ties de fonds massives et l’effon- drement de son taux de change, l’économie américaine n’en serait pas moins grandement affectée. Jusqu’aÌ€ maintenant, les politiques monétaires et de taux de change de la Chine et de ses voisins asiatiques ont permis aux États-Unis de garder ses taux d’intéré‚t bas et de financer son énorme déficit de la balance du compte courant. Par exemple, les réserves officielles chi- noises sont d’environ 500 milliards de dollars US et celles-ci sont constituées majoritairement d’obligations et de bons du Trésor américains.

Une crise financié€re chinoise affecterait négativement l’économie américaine de façon directe, bien suÌ‚r. Cependant, elle l’affecterait aussi de façon indirecte en raison de l’impact qu’elle aurait par ailleurs sur les économies des autres pays asiatiques qui transigent et investissent beau- coup en Chine, comme le Japon par exemple. Un arré‚t du financement de ce déficit de la balance du compte courant américain par la Chine et indirectement par ses voisins asia- tiques provoquerait une augmentation importante des taux d’intéré‚t américains en plus d’une dépréciation majeure du dollar américain. Dans ce cas, les exportations canadiennes vers les États-Unis seraient doublement touchées. De un, le ralentissement de l’économie américaine causé par une hausse des taux d’intéré‚t réduirait la demande pour les produits canadiens. De deux, la dépréciation du dollar américain rendrait les produits cana- diens beaucoup plus chers pour les manufacturiers et les consommateurs américains.

C’est ainsi que la vraie menace de la Chine pour les entreprises et l’économie canadiennes passe par le déficit de la ba- lance du compte courant américain plutoÌ‚t que par la concurrence des entre- prises chinoises sur les marchés améri- cain et canadien. Au moins, dans le cas de la concurrence chinoise, les entrepri- ses canadiennes peuvent s’ajuster. Elles peuvent se spécialiser dans des créneaux aÌ€ plus grande valeur ajoutée. Elles peu- vent aussi améliorer leur productivité en investissant dans de nouveaux équipements, ce que facilite l’apprécia- tion récente du dollar canadien. Finale- ment, elles peuvent décider de déménager une partie de leur production aÌ€ l’étranger afin de profiter d’une main- d’œuvre moins ché€re. Face aÌ€ une crise financié€re chinoise et aÌ€ son effet sur l’économie américaine, les entreprises canadiennes sont plutoÌ‚t impuissantes. Malheureusement, les gouvernements canadiens le sont aussi.

Devant le refus du gouvernement chinois de réévaluer le yuan et la possibilité d’une crise bancaire chinoise, le gouvernement canadien dispose de modestes moyens de pression. DéjaÌ€, la participation de la Chine aÌ€ la rencontre des ministres des finances et des gouverneurs des banques centrales des pays du G7 était une premié€re. Et mé‚me si cette rencontre n’a pas eu les effets escomptés, l’expérience devrait é‚tre renouvelée. Le Canada peut également tenter d’influencer la politique moné- taire chinoise via la CEAP (Coopération économique Asie-Pacifique), mais cette option demeure illusoire car aÌ€ l’heure actuelle les membres les plus influents de la CEAP (ex. : Japon et États-Unis) profi- tent du statu quo. Le Canada devrait également soutenir la Chine dans ses efforts pour réformer son sys- té€me bancaire et son économie en général en lui fournissant une assistance technique généreuse. Enfin, le gouvernement Martin (en collaboration avec le FMI et les gouvernements d’autres pays) peut aussi tenter de convaincre le gouvernement américain de remédier aÌ€ son déficit de la balance du compte courant en réduisant son déficit budgétaire.

En somme, cela veut dire que le gouvernement fédéral et les gouverne- ments provinciaux ne peuvent que se préparer aÌ€ faire face aÌ€ un dur choc économique si l’économie chinoise s’effondre. En ce sens, une gestion ser- rée des finances publiques s’impose encore, de manié€re aÌ€ disposer de la marge de manœuvre nécessaire pour faire face aux nouvelles dépenses qu’engendrerait un ralentissement économique chez nos voisins du Sud et ce, sans trop augmenter l’endette- ment public, ce qui est particulié€re- ment impératif dans certaines provinces déjaÌ€ bien endettées, comme le Québec. Les gouvernements pour- raient également encourager nos entreprises aÌ€ inclure la possibilité d’un tel scénario dans leurs plans stratégiques et prévisions financié€res, pour leur permettre de faire face aÌ€ la musique, le cas échéant.

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