Stephen Harper se targue de voir le monde en noir et blanc. Une vision qui cadre avec l’image de détermination qu’il cultive au Canada mais se révèle moralement inapte face aux problèmes mondiaux, comme l’a montré son analyse superficielle d’une question particulièrement épineuse. Il se trouvait en Israël, pays qu’il a loué pour son adhésion aux « idéaux de liberté, de démocratie et de primauté du droit » tout en accusant ses critiques d’antisémitisme larvé. Puis il a oublié ses idéaux démocratiques pour saluer le « retour à la stabilité » en Égypte, opéré par le coup d’État militaire qui a évincé les Frères musulmans démocratiquement élus.

Il y a d’excellentes raisons de soutenir Israël contre ceux qui veulent sa disparition. Mais M. Harper aurait pu le faire sans verser dans la vision simpliste d’un pays assiégé et presque irréprochable. Israël est un État puissant qui domine clairement les Palestiniens et ne pratique pas la démocratie en Cisjordanie qu’il occupe militairement depuis 47 ans.

Le discours de Stephen Harper dénotait son aversion pour la complexité des grands maux de ce monde. Le mouvement Boycott, désinvestissement et sanctions qui vise Israël s’abreuve-t-il d’antisémitisme ? Assurément. Mais il attire aussi des Juifs en quête d’un moyen pacifique de combattre une occupation qui viole le noble idéal démocratique — et universel — du peuple juif. Seraient-ils eux-mêmes antisémites, ces Juifs et autres défenseurs du droit d’exister d’Israël qui n’en dénoncent pas moins ses violations des droits de l’homme ?

Hélas, certains Israéliens versent dans un racisme antipalestinien tout comme certains cercles palestiniens nourrissent une haine féroce à l’endroit d’Israël. Pour rompre avec l’habitude néfaste de stigmatiser uniquement Israël, rien ne sert de s’écrier : « Mais regardez la Cisjordanie ! » Il faut condamner les violations partout où elles se produisent.

Trop nombreux sont ceux qui refusent de voir les défaillances humaines dans les deux camps. Et ne cherchent guère à les découvrir. Ce numéro d’Options politiques tente d’élargir la perspective en proposant un reportage photo sur la vie en Cisjordanie, dénué des poncifs sur les jeunes lanceurs de pierres. Il présente aussi une analyse de la situation au Caire, qui révèle les failles d’une stabilité louée par certains. Vidons-nous la question ? Non. Car les grands problèmes du monde se caractérisent par leur complexité. N’en détournons pas le regard.

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Bruce Wallace
Bruce Wallace a été nommé rédacteur en chef d'Options politiques, la revue phare de l'IRPP, en août 2012. Il travaillait auparavant au Los Angeles Times, de 2004 à 2008 comme chef de bureau à Tokyo, par la suite comme responsable du service étranger du quotidien. Au cours de sa longue carrière de journaliste, il a couvert au Canada et à l'étranger aussi bien des guerres que des élections ou l'actualité économique, sans parler de trois Jeux olympiques. Originaire de Montréal, Bruce a séjourné à l'extérieur du pays pendant 16 des 19 dernières années ; il possède une excellente compréhension des courants mondiaux en matière économique, politique et de sécurité, et de leur incidence sur les politiques publiques canadiennes.

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