Près de deux Canadiens sur trois et neuf Québécois sur dix ont entendu parler des « accommodements raisonnables », révèle un sondage SES Research réalisé pour Options politiques.
Dans tout le pays, 63,7 p. 100 des répondants ont eu connaissance du débat sur les accommodements relatifs aux« minorités religieuses et culturelles », une proportion qui grimpe à 90,2 p. 100 au Québec, où la question défraie la chronique depuis la campagne électorale provinciale de mars dernier.
C’est en Ontario qu’on a le moins entendu parler des accommodements raisonnables : seulement 51,6 p. 100 des répondants en avaient eu connaissance, par rapport à 55,1 p. 100 dans les provinces de l’Atlantique, à 58,1 p. 100 en Alberta et dans les deux autres provinces des Prairies, puis à 53,9 p. 100 en Colombie-Britannique.
Ce sondage en ligne a été réalisé les 17 et 18 septembre, soit au début des audiences de la commission Bouchard-Taylor, qui font l’objet d’une couverture médiatique intensive au Québec et passablement importante dans le reste du pays. L’échantillon aléatoire de 1 083 Canadiens est considéré comme exact selon une marge d’erreur de trois points de pourcentage, 19 fois sur 20.
Mais cette marge d’erreur ne s’applique guère à l’interprétation des réponses aux questions de notre sondage.
En effet, une forte majorité de Canadiens et une écrasante majorité de Québécois jugent qu’il y a des limites aux accommodements raisonnables.
Quand on leur a demandé s’il était raisonnable de s’adapter aux minorités religieuses et culturelles ou si les immigrants devaient plutôt s’adapter pleinement à la culture canadienne, seulement 18 p. 100 des répondants ont ainsi estimé que le principe des accommodements raisonnables « exprimait le mieux leur point de vue personnel », contre 53,1 p. 100 qui favorisaient la pleine adaptation des immigrants (21,3 p. 100 n’approuvant aucune des deux affirmations).
Chez les répondants du Québec (295 des 1 083 personnes interrogées), seulement 5,4 p. 100 ont dit que le principe des accommodements raisonnables « exprimait le mieux leur point de vue personnel », 76,9 p. 100 favorisant la pleine adaptation des immigrants.
« Les Québécois semblent adhérer plus fortement à la vision d’un Canada reposant sur deux peuples fondateurs et deux communautés linguistiques, observe Nik Nanos, président de SES Research, une firme de recherche sur l’opinion publique basée à Ottawa. Et c’est sous cet angle qu’ils envisagent un débat comme celui des accommodements raisonnables. Car ils estiment que cette vision des peuples fondateurs est en voie d’érosion. »
Nik Nanos ajoute que « le sondage pourrait en quelque sorte servir d’avertissement aux Canadiens, qui auront à trancher entre cette vision d’un Canada reposant sur deux peuples fondateurs ou celle d’un pays multiculturel qui englobe ces deux peuples ».
À la question relative aux exigences alimentaires des groupes religieux et culturels, par exemple, seulement 5,6 p. 100 des personnes interrogées ont répondu qu’il fallait « toujours » en tenir compte et 22,3 p. 100 qu’il fallait les respecter « la plupart du temps », mais 50,3 p. 100 ont estimé qu’elles ne devaient l’être qu’« occasionnellement ».
Sur ce dernier point, le verre semble donc à moitié plein autant qu’à moitié vide, une majorité de Canadiens estimant qu’il faut sans doute respecter ces exigences alimentaires, mais à l’occasion seulement. Et 13,9 p. 100 d’entre eux jugent qu’il ne faut jamais en tenir compte.
Au Québec, la proportion des répondants qui préconisent de respecter ces exigences en tout temps (4,1 p. 100) ou la plupart du temps (13,6 p. 100) diffère peu de l’ensemble du Canada, et celle des répondants qui jugent nécessaire de les respecter occasionnellement est presque identique.
Mais quand on leur a demandé s’ils approuvaient l’aménagement gratuit de lieux de prière dans les édifices publics, une vaste majorité des répondants du Québec s’y sont dit « opposés » (57,6 p. 100) ou « plutôt opposés » (23,1 p. 100), seulement 12,6 p. cent y étant « favorables » (3,4 p. 100) ou « plutôt favorables » (9,2 p. 100).
À l’échelle du pays, 58,6 p. 100 se disaient opposés (38,1 p. 100) ou plutôt opposés (20,5 p. 100) à l’aménagement gratuit de lieux de prière, alors que 31,4 p. 100 y étaient favorables (10,2 p. 100) ou plutôt favorables (21,2 p. 100).
Au chapitre des accommodements consentis dans des « lieux publics comme les écoles, hôpitaux et édifices gouvernementaux », on observe une nette distinction entre l’opinion publique du Québec et de l’ensemble du pays.
Près de deux répondants québécois sur trois (64,1 p. 100) y ont refusé tout accommodement religieux ou culturel, seulement 1,7 p. 100 se disant favorables à des accommodements complets, le dernier tiers se répartissant entre les trois autres niveaux d’une échelle de 1 à 5.
Mais dans l’ensemble du pays, seulement 36,7 p. 100 ont refusé tout accommodement dans les lieux publics, tandis que 6,1 p. 100 y étaient entièrement favorables (le reste des répondants se répartissant aussi entre les autres niveaux d’une échelle de 1 à 5).
De même, 64,5 p. cent des Québécois ont refusé tout accommodement religieux ou culturel en milieu de travail, alors qu’on ne s’y opposait qu’à hauteur de 44,7 p. 100 dans l’ensemble du pays. Au Québec, seulement 1,7 p. 100 des répondants approuvaient entièrement les accommodements au travail, par rapport à 3,7 p. 100 au Canada.
De nouveau, de nombreux de Canadiens se situaient entre les deux pôles d’une échelle de 1 à 5.
Pour ce qui est enfin des accommodements religieux ou culturels dans les centres de loisirs et de sport amateur, 71,9 p. 100 des Québécois et 47,9 p. 100 des Canadiens y étaient opposés, par rapport à seulement 1,7 p. 100 des Québécois et 3,3 p. 100 des Canadiens qui les ont approuvés. Bon nombre de répondants se situaient aussi entre ces deux pôles d’une échelle de 1 à 5.
« Les Québécois ont un point de vue plus affirmé sur la question, résume Nik Nanos, et sont plus attachés au principe des peuples fondateurs. »
Mais le débat n’est aucunement concentré au Québec.
« Ce débat s’étendra bientôt à toutes les provinces, conclut le président de SES Research, car il a d’immenses répercussions sur nos politiques publiques, notre vision à long terme du pays et notre mode d’acceptation des nouveaux Canadiens. »