
Depuis 1980, nous avons souvent confondu succé€s et popularité, échec et humilité. Or, s’il y a un message aÌ€ retenir de la vie politique et de l’action gou- vernementale du dernier quart de sié€cle, on le trouvera plutoÌ‚t dans le lien direct entre succé€s politiques et modestie. Modestie du style autant que des ambitions.
Les années 1980, par exemple, se sont ouvertes sur l’en- treprise de restauration engagée par Pierre Elliott Trudeau et occasionnée par l’incompétence de l’éphémé€re gouverne- ment Clark. Au fil du temps, la génération du baby-boom avait presque sacralisé la figure de Pierre Elliott Trudeau, en qui elle voyait l’incarnation de ses valeurs, mé‚me s’il était de la génération précédente. Rapatriement de la Constitution, Charte des droits et libertés, régime d’assurance-maladie universel et retrait de l’EÌtat des chambres aÌ€ coucher du pays : on le créditait aÌ€ juste titre de grandes réalisations. Mais aÌ€ la vérité, aucune d’entre elles n’aurait été menée aÌ€ bien si le gouvernement Clark s’était montré plus habile. Quoique le mérite du régime d’assurance-maladie et de la réforme des pensions revient plutoÌ‚t aÌ€ Lester B. Pearson, qui a fait de la modestie et du partenariat confédéral les deux principaux piliers de son gouvernement. Par la suite, nos dirigeants auront plutoÌ‚t tendance aÌ€ manquer d’humilité, ce qui provoquera aÌ€ l’égard des partis et des politiciens cette franche hostilité désormais caractéristique de notre culture populaire et médiatique.
En 1979, un soupçon d’humilité de la part de Joe Clark aurait peut-é‚tre empé‚ché la chute de son gouvernement… et modifié le cours de l’histoire. Et si Pierre Elliott Trudeau était réputé pour ses nombreuses qualités intellectuelles et person- nelles, personne n’a jamais loué son humilité. Son immo- destie a de fait nourri le profond sentiment d’aliénation qui s’est développé dans l’ouest du pays. Or, si l’humilité engendre la civilité, l’arrogance provoque l’exact contraire.
Quand les conservateurs ont choisi Robert Stanfield en 1967, c’était en réaction aÌ€ Lester B. Pearson et aÌ€ la discré€te compétence d’une organisation libérale menée de main de maiÌ‚tre par des artisans comme Jim Coutts et Keith Davey. Avec ce chef sensé, compétent et effacé, ils espéraient prendre la té‚te du gouvernement et le diriger avec l’aide d’administra- teurs de la trempe de Dalton Camp et Norman Atkins. Ils ont perdu leur pari en 1972, malgré un résultat tré€s serré et l’étoile paÌ‚lissante du roi-soleil Trudeau. En 1974, ils se sont déchirés sur la question du controÌ‚le des prix et des salaires, renvoyant Robert Stanfield aÌ€ ses rivages. Depuis, la modestie en a pris pour son rhume. La victoire de Joe Clark au congré€s de 1976 signera la fin de l’é€re de l’humilité chez les conservateurs, malgré toutes les raisons qu’ils avaient pourtant de se montrer humbles.
On pourrait aussi considérer la difficile et délicate victoire du référendum québécois de 1980 comme un autre signe que cette période tirait aÌ€ sa fin. Tant les forces souverainistes (adroitement menées par le parangon de transparence et d’humilité qu’était René Lévesque) que fédéralistes (dont le chef intellectuellement et philosophiquement nationaliste, Claude Ryan, cultivait des qualités analogues) ont été dépassées par la personnalité flamboyante de Pierre Elliott Trudeau, qui donnera aÌ€ la fin de la campagne un tour décisif. C’est de mé‚me un accé€s d’arrogance de la ministre Lise Payette, qualifiant d’« Yvettes », c’est-aÌ€-dire des femmes soumises aÌ€ leur mari et en quelque sorte confinées au foyer, les Québécoises d’aÌ‚ge moyen qui n’étaient pas sur le marché du travail, qui a contribué aÌ€ rallier les voix s’opposant aÌ€ la souveraineté. Cette rupture du Parti québécois d’avec son habituelle modestie lui a couÌ‚té tré€s cher. Au référendum de 1995, c’est l’im- pudente sortie d’un homme d’affaires fédéraliste qui parlait d’« écraser les sou- verainistes » qui a, cette fois, contribué aÌ€ la quasi-victoire de ces derniers.
Un thé€me se dégage donc de ce qui précé€de : ceux qui délaissent l’hu- milité indispensable aÌ€ l’exercice d’un leadership et d’un jugement avisés dans une confédération comme la noÌ‚tre seront toÌ‚t ou tard délaissés par les électeurs. Cette leçon vaut pour la personnalité et le style des chefs et des partis, mais également pour les poli- tiques qu’ils défendent et cette propen- sion intrinsé€que qui les caractérise de forcer la note ou de provoquer des si- tuations ingérables. En démocratie, on peut toujours se remettre d’un excé€s d’humilité. Mais comme en témoigne notre histoire, il est beaucoup plus dif- ficile de se relever d’une violente crise d’arrogance.
La « restauration Trudeau » de 1980 a donné lieu au Programme énergétique national (PEN), symbole intemporel de la puissance d’un mi- nisté€re des Finances impérial de pré- somption (les gouvernements de toutes tendances en conviendraient suÌ‚rement). Si l’arrogance pré‚tée aÌ€ Pierre Elliott Trudeau n’a pas suffi aÌ€ embraser l’ouest du pays, le PEN avec son taux d’imposition parmi les plus confiscatoires jamais établis en temps de paix auront achevé le boulot. Bien au-delaÌ€ de ses répercussions sur la vie politique de l’Ouest et sur la perfor- mance des partis fédéraux dans les élections subséquentes, ce programme a inauguré une culture de cynisme et de ressentiment aÌ€ l’égard du gouverne- ment fédéral qui s’est transmise jusqu’aÌ€ aujourd’hui.
Si d’aucuns hésiteraient aÌ€ qualifier de modeste la victoire de Brian Mulroney aux élections de 1984, elle n’en résultait pas moins de l’humble démarche d’un homme résolu de con- quérir la direction de son parti. Et qui ne faisait pas dans ses propres rangs l’unanimité d’un Trudeau. Brian Mulroney avait courtisé des années durant premiers ministres, présidents régionaux de parti, personnel de cir- conscription, fédérations jeunesse et étudiants conservateurs. L’absence d’humilité d’un Joe Clark était com- pensée par la réserve, la courtoisie et la discré€te détermination d’un Brian Mulroney décidé aÌ€ ne laisser passer aucune occasion. En 1983, ce n’est pas par hasard qu’il est monté dans un taxi pour se rendre aÌ€ l’AmphithéaÌ‚tre natio- nal de la presse annoncer sa candida- ture aÌ€ la direction du parti.
Les tactiques employées par chaque clan conservateur feront tou- jours débat au sein du parti. Mais il est indéniable que Brian Mulroney s’est constitué une base solide en pré‚tant aux militants une attention de chaque instant. Une base qu’il a construite par sa fidélité et son intéré‚t constant envers les membres de son caucus et leurs famille apré€s sa conqué‚te du pou- voir en 1984.
En tant que premier ministre, l’homme se dédoublait. Au Cabinet, en caucus et en conseil du parti, il était attentionné, dynamique, courtois et réservé. Mais quand il défendait en pu- blic les politiques de son gouverne- ment, il ne se souciait gué€re de se méprendre ou d’é‚tre mal interprété. Il estimait qu’un chef conservateur ne pouvait afficher la moindre hésitation en public étant donné l’étendue et la ténacité des préjugés contre son parti, attitude qu’il avait suÌ‚rement dévelop- pée au Québec en observant l’art avec lequel les chefs de l’Union nationale Maurice Duplessis puis Daniel Johnson maiÌ‚trisaient leurs discours. Il aurait eu le sentiment de mal servir le camp, la cause ou tout objectif politique que son gouvernement mettait de l’avant. La deuxié€me majorité qu’il a obtenue en 1988 ”” historique en regard de tous les dirigeants politiques d’apré€s- guerre et plus encore des chefs conser- vateurs depuis John A. Macdonald ””, s’explique en définitive par les efforts qu’il aura consenti pour tenter de réin- tégrer le Québec dans la Constitution, et par son ambition d’assurer aux exportateurs canadiens un accé€s élargi au marché américain.
Son coÌ‚té représentant de commerce n’échappait pas aux Canadiens, surtout quand il défendait une cause ou son parti avec une emphase caractéris- tique, mais ils sentaient que les premiers ministres provinciaux adhéraient aÌ€ l’orientation générale donnée au pays.
De la mé‚me façon que le manque de jugement et d’humilité d’un Joe Clark a remis en selle Pierre Elliott Trudeau, l’incohérence de la campagne libérale de John Turner a servi aÌ€ Brian Mulroney. En 1984, c’est l’arrogance de Pierre Elliott Trudeau qui l’aidera con- tre John Turner, alors qu’en 1988, c’est l’inconséquence de ce dernier sur le libre-échange (non pas en campagne mais durant l’ensemble de sa carrié€re) qui lui permettra de se relever d’un débat télévisé désastreux.
La victoire de Jean Chrétien contre Kim Campbell et l’effondrement historique des conservateurs n’étaient évidemment pas sans lien avec l’im- popularité de Brian Mulroney en fin de mandat, ni avec la pénible réces- sion de cette période. Mais elle s’expli- quait aussi par l’hommage rendu aÌ€ la personnalité que s’était forgée le « petit gars » de Shawinigan. Kim Campbell, un temps le premier mi- nistre le plus populaire de l’histoire du pays, a contracté par deux fois le virus de l’arrogance ”” mé‚me si elle serait suÌ‚rement plutoÌ‚t d’avis qu’elle a sim- plement été honné‚te ”” lorsqu’elle a déclaré en début de campagne qu’il n’y aurait vraisemblablement aucune baisse du choÌ‚mage avant l’an 2000 et, quelques semaines plus tard, en affir- mant aÌ€ Drummondville que les élec- tions n’étaient pas le moment de mener un débat de fond sur les poli- tiques sociales.
Deux réflexions dont on pourrait défendre la pertinence mais qui, dans le cadre d’une campagne électorale, dénotaient une absence de perspec- tives, de programme ou, pire, de respect pour l’intelligence des électeurs et leur droit d’é‚tre informés. Les libéraux ont réagi comme l’aurait fait tout parti d’opposition devant pareille aubaine. Ce qui aurait pu se solder par une défaite honorable pour les conservateurs s’est ainsi transfor- mé en une débaÌ‚cle qui allait priver la droite d’une voix unifiée pendant une décennie. Preston Manning et Lucien Bouchard, qui dirigeaient cha- cun un important segment de la coalition conservatrice créée dix ans plus toÌ‚t par Brian Mulroney, ont sem- blé par comparaison d’honné‚tes et modestes partisans des légitimes doléances régionales.
D’aucuns soutiendront qu’en focalisant son action sur le déficit aÌ€ l’exclusion de tout autre politique, le gouvernement Chrétien a adopté une approche d’une modestie conforme aÌ€ ses capacités. La politique étrangé€re se réduisait aÌ€ l’engagement de pro- mouvoir les échanges commerciaux, ce que les Canadiens jugeaient favo- rable aÌ€ la création d’emplois. L’aver- sion du premier ministre pour la moindre discussion constitutionnelle pouvait aussi dénoter une certaine humilité face aÌ€ l’efficacité réelle des négociations sur le sujet. La popula- tion était lasse d’é‚tre l’otage des interminables discussions fédérales- provinciales sur les droits linguis- tiques, l’autonomie gouvernementale des autochtones et la santé. Jean Chrétien a compris cette lassitude et su inverser la dynamique.
Si l’on s’arré‚te aux formes d’humi- lité que devraient afficher les par- tisans libéraux aÌ€ Ottawa comme les artisans conservateurs au niveau provincial, il est fascinant d’observer que, en 1995, bon nombre des électeurs ayant porté au pouvoir les conservateurs de Mike Harris en Ontario avaient massivement voté deux années plus toÌ‚t pour les libéraux de Jean Chrétien. C’était également le cas dans plusieurs provinces ouÌ€ les gens appuyaient le NPD au niveau provincial, mais se tournaient vers les réformistes ou les alliancistes au niveau fédéral sans y voir la moindre contradiction. Les électeurs qui s’estiment exclus des cercles de décision ou qui jugent trop arrogants les partis de centre votent sans trop se soucier d’idéologie mais en optant pour le contrepoids qui leur semble le plus efficace. Si tous ceux qui pratiquent l’art de la poli- tique doivent se montrer humbles devant l’électorat, les idéologues con- vaincus gagneraient plus encore aÌ€ tirer les leçons de ce phénomé€ne.
Avec le temps, la réserve de Jean Chrétien sur les questions cons- titutionnelles s’est transformée en une arrogance d’un nouveau type. Une arrogance empreinte de rigidité qui, combinée aÌ€ une démarche con- fédérale d’évitement et aÌ€ une préten- tieuse stratégie de désinvolture lors du référendum de 1995 (et aÌ€ la cam- pagne extré‚mement efficace de Lucien Bouchard) aura presque mené le pays aÌ€ l’éclatement. Au moins le repentir manifesté in extremis aÌ€ pro- pos du caracté€re distinct du Québec, de mé‚me que la ruée post- référendaire au Parlement autour de la formule d’amendement, a-t-il rétabli un peu de cette humilité qui avait manqué aÌ€ la campagne référendaire. Mais si ce n’avait été du vibrant appel de Jean Charest aux Québécois et des attaques qu’il a portées aÌ€ certaines déclarations pré- somptueuses de l’équipe Parizeau, l’année 1995 aurait pu marquer le début de la fin du Canada.
Apré€s le passage au Québec de Jean Charest et la superbe prestation au débat télévisé de 2003 qui lui avait valu une forte ascension dans les sondages, on lui avait demandé si cela ne risquait pas de mettre en déroute le Parti québécois et la souveraineté elle- mé‚me. En répondant qu’il ne visait aÌ€ détruire aucun parti et que tous auraient un roÌ‚le aÌ€ jouer pour équilibrer le débat sur l’avenir du Québec ”” réponse inspirée et que je soupçonne parfaitement spontanée ””, il a manifesté l’humilité dénuée d’arrogance, une certaine noblesse en somme, aÌ€ laquelle s’attendent les Québécois et l’ensemble des Canadiens.
Les succé€s de Paul Martin comme ministre des Finances s’expliquent en partie par son appui aÌ€ des initiatives fédérales-provinciales flexibles comme l’Entente-cadre sur l’union sociale et la Déclaration de Cal- gary, qui annonçaient le réinvestissement d’Ottawa dans les politiques sociales en général et les soins de santé en particulier. En coupant plus du tiers des paiements de transferts aux provinces, Ottawa avait déstabilisé ces deux secteurs ; il revenait aÌ€ la table de négociation maintenant que sa stratégie budgé- taire commençait aÌ€ porter fruit. En dépit de leur rivalité, Paul Martin a soutenu Jean Chrétien dans ce proces- sus pour rebaÌ‚tir un certain consensus en deuxié€me et troisié€me mandats, et l’on créditera ce dernier d’avoir égale- ment soutenu au milieu des années 1990 le programme budgétaire tré€s rigoureux de son rival. Quelles qu’elles soient, les luttes et les tensions qui subsistent aujourd’hui au sein du Parti libéral sont sans doute aÌ€ mettre au compte du manque d’hu- milité commun aÌ€ l’entourage respectif de Jean Chrétien et de Paul Martin. Car si les vertus de l’humilité avaient un sens, il n’y aurait aÌ€ l’heure actuelle qu’une seule et mé‚me équipe.
La décennie d’hostilité réciproque entre conservateurs et réformistes trahit la mé‚me absence d’humilité. Dans mes années de vie politique du début des années 1990, j’étais moi- mé‚me du nombre des immodestes qui refusaient d’admettre que le Parti con- servateur ne trouverait sa raison d’é‚tre qu’en réunissant ses deux ailes pro- gressiste et traditionnelle sous le mé‚me toit. Avec la défaite de Preston Manning aÌ€ la direction de l’Alliance et l’arrivée d’un jeune chef de bonne foi en la personne de Stephen Harper, nombreux sont les vieux conserva- teurs qui ont compris qu’un mini- mum d’humilité servirait l’objectif d’une démocratie véritablement fonc- tionnelle. Le cadre politique actuel, qui inté€gre enfin un solide parti d’op- position, n’existerait pas si Stephen Harper et Peter MacKay n’avaient tro- qué une arrogance désué€te pour une humilité rassembleuse tournée vers l’avenir et non le passé. Mais l’impair des conservateurs, qui ont négligé de s’excuser promptement pour leurs allégations délirantes sur la pornogra- phie juvénile et les opinions du pre- mier ministre, aura sans doute compromis leurs chances de former un gouvernement minoritaire.
Notre politique étrangé€re des 25 dernié€res années n’aura pas non plus été marquée au coin de l’humilité, mé‚me si notre capacité de déploiement militaire s’est faite elle, de plus en plus modeste. L’Accord de libre-échange Canada–EÌtats-Unis puis l’ALENA, les ententes sur les pluies acides, notre par- ticipation aÌ€ la guerre du Golfe, l’aide aÌ€ l’EÌthiopie, l’engagement anti-apartheid du gouvernement Mulroney, la notion de libre-échange aÌ€ l’échelle de l’hémis- phé€re ou le traité pour l’élimination des mines antipersonnel n’en sont pas moins des réalisations solides. En comparaison de l’action de Jean Chrétien, l’en- gagement et les nombreuses ini- tiatives de Paul Martin pourraient se révéler d’une immense valeur si l’orgueil ne nous fait pas sures- timer nos capacités. L’humilité avec laquelle le premier ministre a reconnu avoir sabré dans les budgets de la défense au milieu des années 1990 et sa promesse de rebaÌ‚tir notre capacité militaire constituent aÌ€ cet égard un excel- lent début. La récente décision concernant notre participation au bouclier anti-missile est plus inquiétante.
En ce qui concerne nos premiers ministres, chefs de l’opposi- tion et haute fonction publique, il serait tout compte fait justifié de par- ler d’un quart de sié€cle productif. Il nous reste encore de nombreuses leçons aÌ€ tirer des politiques fiscales et fédérales-provinciales ainsi que de notre capacité de dépasser les débats stériles pour assurer l’efficacité de l’ap- pareil et des services gouvernemen- taux. Mais, aÌ€ propos du roÌ‚le de l’EÌtat et de l’intéré‚t des politiques publiques, on retiendra que l’humilité offre un excellent point de départ aÌ€ ceux qui désirent vraiment changer le cours des choses. (Article traduit de l’anglais)