L’annonce faite dans le discours du Trône de faire de la formation des travailleurs et des jeunes une priorité est une excellente nouvelle.
Au fil des ans, les gouvernements ont élaboré des dizaines, voire des centaines, de programmes de formation. Certains de ces plans ont bien fonctionné. À l’échelle locale, ou dans de petits groupes de personnes, les gens ont reçu une formation et ont obtenu des emplois. Cependant, aucun de ces programmes n’a été élaboré pour changer vraiment la donne en ce qui concerne le chômage, le sous-emploi et la pénurie de main-d’œuvre.
La pandémie offre au gouvernement fédéral une occasion unique de mettre sur pied un programme de formation qui répond rapidement aux besoins de tous ces Canadiens qui se retrouvent sans emploi et sans perspective de carrière en raison du confinement.
Comme par une sorte de distorsion spatiotemporelle digne de la science-fiction, la pandémie nous a projetés dans une situation tout à fait inédite. Les tendances qui émergeaient sur le marché du travail se sont à présent confirmées, notamment celles-ci :
- Les carrières ne sont plus linéaires. Nous le savons depuis un certain temps, mais l’accélération de l’automatisation et la refonte de l’économie de services dans la foulée de la pandémie exigent que les apprenants adultes acquièrent de nouvelles compétences. La capacité des entreprises à conserver les postes et à réaffecter rapidement le personnel sera la clé du succès du Canada pour passer à travers cette perturbation sans précédent.
- La formation doit être offerte selon la demande, et là où se trouvent les travailleurs. Il nous faut une main-d’œuvre plus productive et plus résiliente, et les gouvernements doivent aider les gens à mettre à jour leurs compétences selon les besoins et offrir la formation 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Un régime de formation est une réussite lorsqu’il permet de déterminer les compétences professionnelles spécifiques des personnes en transition vers un autre emploi et de trouver les occasions de recyclage professionnel qui leur conviennent.
- On connaît depuis longtemps le besoin d’apprentissage continu, mais peu a été fait pour encourager les Canadiens en milieu de carrière à accroître leurs compétences afin de rester à jour. L’interaction complexe de la motivation, du temps et de l’argent a empêché la main-d’œuvre âgée de retourner apprendre en classe et en laboratoire. L’apprentissage continu est plus faible chez les travailleurs peu spécialisés, les personnes sans emploi et celles occupant des emplois à haut risque d’automatisation. Il faut ajouter à cette liste les femmes, qui sont touchées de façon disproportionnée par la pandémie. Leur participation à la reprise économique est essentielle pour renouer avec la croissance. On doit aussi investir davantage dans la formation parrainée par l’employeur.
Nous ne pourrions faire face à ces nouvelles réalités en nous appuyant sur le système de formation actuel, tel qu’il est conçu et financé au niveau fédéral.
Tout d’abord, l’Allocation canadienne pour la formation (ACF), bien qu’elle soit un signe bienvenu de l’engagement fédéral en faveur de l’apprentissage continu, est pratiquement invisible, car il s’agit d’un crédit d’impôt remboursable. Les personnes qui suivent une formation doivent d’abord en payer les frais, puis demander le crédit dans leur déclaration de revenus. Mais, par la suite, ils n’ont aucun moyen de comprendre comment le solde de leur compte a été calculé.
De plus, les prestations d’assurance-emploi sont mal adaptées au type de formation de courte durée que l’ACF est censée encourager. Le temps de traitement d’une demande étant de 28 jours suivant la réception, la plupart des Canadiens ne recevront le soutien du revenu qu’après leur retour au travail.
Mis ensemble, ces éléments placent la responsabilité financière de la formation continue sur les épaules des travailleurs. Il faut que cela change.
Actuellement, la responsabilité financière de la formation continue repose sur les épaules des travailleurs. Il faut que cela change.
Trois changements peuvent rendre l’ACF et le régime fédéral de formation mieux adaptés et capables d’apporter le soutien dont tant de gens ont désespérément besoin.
Premièrement, le gouvernement fédéral devrait couvrir les coûts directs de la formation en fournissant la première tranche de 500 dollars sous la forme d’un bon de formation non imposable. Les Canadiens n’auraient plus à attendre des mois pour demander un crédit d’impôt.
Deuxièmement, le gouvernement devrait accroître la visibilité et la notoriété de l’ACF. Une solution simple serait de rendre facilement accessible l’information sur la valeur accumulée de l’allocation, peut-être au moyen de Mon dossier sur le portail de l’Agence du revenu du Canada.
Troisièmement, le gouvernement devrait mettre en place un meilleur centre d’information et de navigation en temps réel pour permettre aux Canadiens de connaître les compétences en demande sur le marché du travail et les moyens d’accéder aux programmes de formation courts dans leur région. Les groupes vulnérables seront plus enclins à participer s’ils savent où ils peuvent acquérir les compétences dont les employeurs locaux ont actuellement besoin.
Les instituts polytechniques du Canada sont prêts à aider. Nous sommes un pilier de l’infrastructure de formation : collectivement, nous offrons près de 17 000 cours de courte durée à un coût moyen inférieur à 500 dollars. La solide plateforme en ligne dont nous disposions au début de la pandémie nous a permis de passer sans problème au mode virtuel. Nous allons conserver en grande partie cette flexibilité et ce mode de prestation pratique dans l’avenir.
Les instituts polytechniques jouent déjà un rôle important pour aider les Canadiens victimes de la pandémie : ils sont axés sur l’industrie, s’appuient sur un corps professoral expert et offrent d’innombrables cours délivrant des diplômes de programmes d’apprentissage aux études supérieures.
Avec une ACF remaniée et un régime de formation mieux adapté, nous pouvons faire beaucoup, beaucoup plus.