Il est encourageant de constater que les mesures en faveur du climat ont été présentées dans le dernier discours du Trône comme la « pierre angulaire » du plan de relance post-pandémie et que le gouvernement promet même de surpasser ses objectifs fixés pour 2030. Mais le véritable test aura lieu au moment de mettre en œuvre les engagements en la matière.
Le gouvernement doit se préoccuper des conséquences des changements climatiques sur les groupes marginalisés. Les effets néfastes de ces changements frappent davantage les personnes qui subissent déjà des inégalités sociales et économiques et la marginalisation, dont les femmes.
Comme on le sait, les femmes gagnent en moyenne des revenus inférieurs à ceux des hommes et sont plus nombreuses à vivre dans la pauvreté. Il est donc plus difficile pour elles d’absorber les coûts additionnels qu’entraînent la préparation et la réaction aux conséquences des changements climatiques. Les femmes racisées et les femmes autochtones, qui connaissent des taux de pauvreté élevés, sont encore plus vulnérables à cet égard.
Par ailleurs, les femmes sont plus susceptibles que les hommes d’assumer la responsabilité des soins aux enfants et aux proches âgés, deux groupes particulièrement exposés aux effets des changements climatiques.
Ce sont surtout des femmes qui ont encaissé les répercussions des incendies, des inondations et des sécheresses survenus récemment dans le monde. Selon l’ONU, environ 80 % des personnes déplacées en raison des changements climatiques sont des femmes.
Ce sont surtout des femmes qui ont encaissé les répercussions des incendies, des inondations et des sécheresses survenus récemment dans le monde. Selon l’ONU, environ 80 % des personnes déplacées en raison des changements climatiques sont des femmes.
À la suite de la dévastation causée par l’ouragan Katrina aux États-Unis, 80 % des personnes qui sont restées en ville étaient des femmes, dont bon nombre étaient des femmes noires monoparentales et pauvres. Lors de la vague de chaleur survenue en Europe en 2003, le taux de mortalité chez les femmes était de 75 % supérieur à ce qu’il était chez les hommes. Au Canada, les femmes âgées ont été touchées de manière disproportionnée par les inondations en Alberta, les vagues de chaleur au Québec et la pandémie de COVID‑19. Enfin, trois fois plus de femmes que d’hommes ont péri lors du tsunami survenu en 2004 dans l’océan Indien.
Les répercussions des changements climatiques alimentent également la violence envers les femmes et les filles. Au Canada, on a constaté une hausse notable des agressions contre celles‑ci durant les inondations de 2013 dans le sud de l’Alberta. Et la liste des exemples ne s’arrête pas là.
Ainsi, il n’est pas très surprenant de constater que les femmes sont plus conscientes que les hommes de la menace que représentent les changements climatiques, qu’elles réclament des plans d’action en la matière et se considèrent comme des « électrices pour qui le climat est un enjeu ».
Dans un sondage récent mené au Canada par Les Ami(e)s de la Terre et Oracle Poll Research, 81 % des personnes sondées disent être préoccupées par les changements climatiques et les catastrophes qu’ils pourraient provoquer, mais c’est surtout chez les femmes que cet enjeu figure au sommet des préoccupations. Sur les 42 % de répondants qui ont dit être des électeurs préoccupés par le climat (c’est-à-dire qui votent en fonction des enjeux climatiques), plus de la moitié était des femmes.
Parmi les femmes, 34 % classent les changements climatiques comme l’enjeu le plus important de notre époque, contre 22 % des hommes. Les femmes sont aussi plus nombreuses que les hommes à souhaiter que le gouvernement fédéral réglemente les émissions de gaz à effet de serre, soit 37 % contre 30 %.
Un gouvernement fédéral qui reconnaît que les changements climatiques constituent une urgence nationale et mondiale qui ont une incidence disproportionnée sur les femmes et les filles possède les leviers juridiques nécessaires pour adopter des mesures adéquates, en partenariat avec les provinces.
Dans l’affaire récente portée devant la Cour suprême, l’Ontario, la Saskatchewan et l’Alberta contestent le droit du gouvernement fédéral d’agir en faveur du climat par le biais de sa Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre. L’Association nationale Femmes et Droit et Les Ami(e)s de la Terre ont argumenté, à titre d’intervenants dans le dossier, qu’une action musclée contre les changements climatiques s’imposait pour faire progresser les droits des femmes et des filles. Afin de protéger ces droits, le Parlement peut et doit établir des normes nationales relatives aux émissions de gaz à effet de serre qui serviront à guider les actions provinciales en la matière.
En d’autres termes, il s’agit tout autant d’une question d’égalité que d’urgence climatique. Étant donné que les changements climatiques sont à la fois une préoccupation et une urgence nationale, le fédéral et les provinces doivent se concerter et collaborer à la planification d’une action souple à volets multiples. Cette approche aboutira à de meilleurs résultats pour l’ensemble de la population, et en particulier pour les personnes les plus vulnérables.
Il revient maintenant à la Cour de prendre une décision sur la tarification du carbone. Toutefois, la responsabilité nous appartient à tous de reconnaître le lien qui existe entre urgence climatique et disparités sexospécifiques en matière de résultats. Tout plan d’action en faveur du climat devra accorder une place centrale à la réduction de ces écarts.