Dans son récent discours du Trône, le gouvernement fédéral a promis à la population des régions rurales et éloignées l’accès à un médecin de famille ou à une équipe de soins de première ligne, et une capacité accrue de prestation de soins. Une très bonne nouvelle !

Imaginez que vous vivez à Tobermory, un village situé à quatre heures de route au nord-ouest de Toronto. C’est là que vous avez grandi, que votre famille réside depuis des générations. On est début novembre, et une imposante tempête de neige s’abat sur la région. Les météorologues ne l’ont pas vu venir. Il fait si mauvais que les déneigeuses ne circulent pas. Il n’y a pas d’aéroport à proximité. Demain, vous avez rendez-vous avec un médecin spécialiste à Toronto. Vous attendiez cette consultation depuis plus d’un an. Mais vous ne savez pas si vous pourrez vous y rendre en sécurité.

Que faites-vous ? Vous annulez le rendez-vous au risque de devoir attendre encore un an ? Ou vous conduisez pendant quatre heures dans des conditions exécrables ?

En tant que médecin en milieu rural et étudiantes en médecine à l’École de médecine du nord de l’Ontario, nous entendons souvent parler de ce genre de situation. En effet, elle est courante pour les 18 % de la population canadienne qui vivent dans les régions éloignées. Nous savons que prendre le volant dans certaines conditions hivernales, c’est courir de nombreux risques. Environ deux accidents mortels sur trois au Canada surviennent sur des routes de campagne et sont dus à des facteurs comme la faune, la vitesse et les mauvaises conditions météorologiques.

Avec la pandémie de COVID-19, les gens sont beaucoup plus nombreux à se poser des questions sur les risques et les avantages de l’accès aux soins.

Dernièrement, nous avons établi une liste de recommandations sur la médecine rurale dans le cadre de l’initiative Choisir avec soin de la Société de la médecine rurale du Canada. Cette initiative veut inciter les médecins et les patients à s’interroger sur la surabondance d’examens, de traitements et de soins superflus. Nous avions commencé le projet il y a plus d’un an, mais à l’ère de la COVID-19, nos recommandations sont particulièrement pertinentes pour l’ensemble de la population.

La prestation de soins en région rurale, par sa nature, oblige souvent les médecins à faire des choix difficiles pour lesquels il n’existe pas de réponse simple. Beaucoup de petites localités doivent composer avec une pénurie de médecins, de personnel infirmier, de services et d’équipement spécialisés. C’est pourquoi il n’est pas rare qu’on envoie des patients recevoir des services spécialisés en ville. Or cette pratique peut être préjudiciable pour les patients, car elle les éloigne de leur famille et de leur réseau de soutien communautaire.

L’initiative Choisir avec soin veut inciter les médecins et les patients à s’interroger sur la surabondance d’examens, de traitements et de soins superflus.

Notre liste tente d’apporter des réponses à ces choix difficiles en proposant des solutions efficaces et efficientes qui à la fois satisfont aux besoins des patients et tiennent compte de facteurs affectifs et sociaux ancrés dans la réalité.

Quelles sont ces solutions ?

Nous recommandons de favoriser la consultation de spécialistes en ligne ou la consultation de spécialistes locaux. Grâce aux soins virtuels, il est possible de limiter les déplacements des patients et de garder ceux-ci à la maison, près de leur réseau de soutien.

Depuis l’arrivée de la COVID-19, nous avons davantage recours aux soins virtuels, et ce, pour protéger les patients et les travailleurs partout dans la province. Cette approche peut prendre différentes formes : appels téléphoniques, échange de messages sécurisés ou rencontres vidéo avec un médecin, entre autres. Nous espérons que l’utilisation des soins virtuels se poursuivra et améliorera l’accès aux services et aux spécialistes pour les communautés rurales.

La prestation de soins à proximité du domicile est aussi très importante pour les personnes en fin de vie. Beaucoup de gens ont vécu le stress et la douleur de ne pas pouvoir être au chevet d’un proche hospitalisé, en raison des restrictions imposées par la crise. Les personnes qui habitent dans des régions éloignées connaissent bien cette douleur ; elles voient souvent des membres de leur famille gravement malades être transportés dans des centres urbains pour recevoir des soins intensifs ou de fin de vie. Parfois, ces personnes meurent seules, sans la présence rassurante de la famille ou d’autres proches.

Nos recommandations sont fondées sur des résultats de recherche qui montrent qu’il n’est pas toujours nécessaire de faire sortir le patient de son village. Très souvent, on peut dispenser des soins de fin de vie sur place, selon les volontés exprimées par le patient. Cela dit, il faut que le professionnel, le patient et la famille comprennent bien ces volontés. Grâce à la consultation virtuelle de spécialistes externes, beaucoup de malades peuvent mourir plus près de chez eux.

Si la COVID-19 touche la planète entière, elle nous fait entrevoir aussi la dure réalité quotidienne que vivent les Canadiens des régions rurales et éloignées. Nous espérons que la liste de recommandations de Choisir avec soin dressée par la Société de la médecine rurale du Canada lancera une conversation nationale au sein de la population d’ici, rurale comme urbaine. Le temps est venu d’utiliser judicieusement les ressources limitées en santé.

Photo : Shutterstock / fizkes

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Kathleen Walsh
Kathleen Walsh est étudiante de quatrième année à l’École de médecine du nord de l’Ontario, qui est située à Sudbury.
Alexandra Dozzi
Alexandra Dozzi est étudiante de quatrième année à l’École de médecine du nord de l’Ontario, qui est située à Sudbury.
Margaret Tromp
Margaret Tromp est médecin de famille à Moose Factory, dans le nord de l’Ontario, et présidente sortante de la Société de la médecine rurale du Canada.

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