Comme le dit l’adage, « vous êtes ce que vous mangez ». Dans notre pays développé où l’obésité est souvent une préoccupation majeure, il nous rappelle aussi que l’excès de nourriture nuit à la santé. Or la sous-alimentation ou la malnutrition est également un phénomène courant au Canada.

Beaucoup de Canadiens s’étonnent d’apprendre que la malnutrition est un problème qu’on rencontre fréquemment dans nos hôpitaux, nos établissements de soins de santé et chez certaines populations de patients. Elle commence en effet à la maison et peut se poursuivre après l’hospitalisation.

Selon des estimations, de 30 à 45 % des personnes malades, âgées en moyenne de 65 ans, souffrent de malnutrition à l’admission à l’hôpital, ce qui se traduit par un coût approximatif de deux milliards de dollars par année pour notre système. La malnutrition, que ce soit en raison d’un apport insuffisant en protéines, en vitamines ou en minéraux, est un facteur connu de nombreux problèmes de santé, y compris la fragilité.

Avec notre population vieillissante, la fragilité est une préoccupation croissante au Canada, et bien qu’elle puisse se manifester à n’importe quel âge, elle est plus fréquente chez les personnes âgées. On estime qu’elle touche environ 5 % des personnes âgées de plus de 65 ans.

Comment la fragilité se manifeste-t-elle ? Les symptômes communs de la fragilité incluent la perte de poids, la faiblesse et l’épuisement, qui se traduisent souvent par des chutes, un délire et un retard staturo-pondéral. Le Réseau canadien des soins aux personnes fragilisées sensibilise la population à cet état et à la façon dont il peut être évité, retardé, potentiellement amélioré et mieux géré, permettant aussi d’alléger ainsi le fardeau financier sur le système de santé. Pour le traitement de l’état de fragilité, la nutrition est l’une des clés, surtout si la personne souffre de carences.

Des recherches récentes démontrent un lien entre la fragilité et la malnutrition chez les patients hospitalisés au Canada, et 70 % des patients souffrant de malnutrition sont jugés en état de fragilité. Divers facteurs physiologiques, sociaux et économiques, tels que le fait de vivre seul ou d’avoir un faible revenu, ainsi que des facteurs liés à la maladie sont les causes profondes de la malnutrition pour ces Canadiens.

Il est également probable que la fragilité et la malnutrition s’influencent mutuellement.

Pour beaucoup de personnes âgées fragilisées vivant dans leur collectivité, aller à l’épicerie, revenir à la maison avec les courses, préparer la nourriture et manger représentent tout un défi. L’appétit et l’intérêt pour la cuisine peuvent diminuer, particulièrement dans le cas de personnes vivant seules. Après la sortie de l’hôpital, 25 % des patients perdront involontairement du poids au cours du premier mois, principalement en raison du manque d’appétit. Le faible apport en protéines ou l’apport insuffisant en nutriments clés tels que la vitamine D peut également entraîner des changements musculaires et osseux, ce qui peut causer des chutes et les invalidités subséquentes.

Le public en général ne sait pas qu’avec le vieillissement, les besoins en vitamines et minéraux sont identiques ou supérieurs aux besoins des segments de la population plus jeunes, en particulier les besoins en vitamine D et en calcium. En raison d’une multitude de facteurs, les adultes plus âgés ont également besoin de 50 % de protéines de haute qualité de plus que la recommandation habituelle pour conserver leur musculature, et des quantités supérieures sont requises s’ils se trouvent dans un état fragilisé, doivent être au repos prolongé au lit ou après une chirurgie.

Donc, l’adage « vous êtes ce que vous mangez » est tout à fait juste dans les cas de malnutrition. Étant donné les besoins caloriques plus faibles des personnes âgées, chaque bouchée doit avoir un apport nutritionnel. Dans les cas de malnutrition et de fragilité, la nourriture est le remède. Que devons-nous faire alors pour aider ces personnes ?

En premier lieu, les professionnels de la santé et les personnes qui sont régulièrement en contact avec des patients potentiellement fragiles et mal nourris doivent savoir reconnaître cet état et son importance pour la santé en général, le bien-être et le rétablissement des patients.

Le dépistage de la malnutrition et de la fragilité doit se faire à chaque rencontre de soins de santé pour les personnes de plus de 70 ans, notamment au cabinet du médecin, lors d’une visite à domicile et à chaque hospitalisation pour soins médicaux ou chirurgicaux.

Les organismes de santé publique partout au pays doivent collaborer avec les médecins de soins primaires pour repérer rapidement chez les personnes âgées et en état de fragilité les habitudes nutritionnelles à améliorer, et promouvoir les outils d’autodépistage auprès d’elles. Il est nécessaire que ces personnes à risque de malnutrition soient référées à des diététistes qui donneront des conseils, de l’éducation et de l’information sur l’aide et les services offerts dans la collectivité.

La malnutrition peut être traitée. Les familles et les amis peuvent soutenir leurs proches en état de fragilité en les aidant à faire l’épicerie et la cuisine et en mangeant avec eux. Il convient de surveiller la perte de poids involontaire et le manque d’appétit, et de demander rapidement de l’aide pour prévenir la malnutrition et la fragilité.

Photo : Shutterstock / Monkey Business Images


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Heather Keller
Heather Keller est titulaire de la Chaire de recherche Schlegel en nutrition et vieillissement et professeure au Département de kinésiologie de l'Université de Waterloo. Elle est aussi chercheuse au Réseau canadien des soins aux personnes fragilisées.
Leah Gramlich
Leah Gramlich est gastro-entérologue et professeure à la Faculté de médecine de l’Université de l’Alberta, ainsi que conseillère médicale provinciale pour les services de nutrition de Services de santé de l’Alberta. Elle est aussi coprésidente du Groupe de travail canadien sur la malnutrition au Canada et chercheuse auprès du Réseau canadien des soins aux personnes fragilisées.

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