Aucun doute : les Canadiens ne veulent pas d’élections cet automne. Et cette fois, ils ne plaisantent pas. Près des trois quarts (72,6 p. 100) en rejettent l’idée contre seulement 22,6 p. 100 qui préféreraient aller aux urnes. À peine 4,8 p. 100 d’entre eux se disent indécis. Des chiffres considérables, qui livrent un message sans appel.

La répartition régionale des résultats est tout aussi éloquente. Seul le Québec descend sous la barre des 70 p. 100, mais, tout de même, deux Québécois sur trois (67,5 p. 100) s’opposent à un scrutin anticipé. Comme c’est le cas de 76,7 p. 100 des répondants des provinces de l’Atlantique et de 70,6 p. 100 de ceux de l’Ontario. C’est dans les Prairies que l’opposition est la plus forte, à hauteur de 77, 5 p. 100. La Colombie-Britannique suit de près à 75,9 p. 100.

En clair, trois Canadiens sur quatre ne veulent rien entendre d’élections cet automne.

Ce n’est là qu’une des conclusions nettes du dernier sondage Nanos Research réalisé pour Options politiques. La marge d’erreur de ce sondage téléphonique, réalisé du 3 au 11 septembre auprès de 1 002 Canadiens, est de plus ou moins 3,1 p. 100, 19 fois sur 20. Fait intéressant, il a été mené après le discours prononcé par Michael Ignatieff à Sudbury le 1er septembre, dans lequel le chef libéral a retiré son appui au gouvernement en ces termes : « Le temps de Stephen Harper est terminé. »

Pourtant, même les électeurs libéraux ne veulent pas d’élections, par une marge de 2 contre 1. En effet, 65,7 p. 100 des répondants se disant d’allégeance libérale s’y opposent, alors que 90,5 p. 100 des électeurs conservateurs, 64,4 p. 100 des néodémocrates et 61,4 p. 100 des bloquistes rejettent l’idée d’un scrutin automnal.

Or la manœuvre de Michael Ignatieff a aussitôt ouvert la voie à une élection anticipée… dont les Canadiens ne veulent absolument pas. Il ne fait donc aucun doute qu’ils approuveraient la décision du Bloc québécois et du NPD d’appuyer la motion de voies et moyens du gouvernement Harper ; parce qu’elle concerne des questions budgétaires, l’échec de cette motion aurait automatiquement entraîné une élection en octobre. Cette possibilité demeure, mais les Canadiens ne pourraient exprimer plus clairement qu’ils rejettent l’idée d’une élection imminente, déclenchée de façon inopinée ou délibérée.

Il faut dire que selon la tendance naturelle de leur psyché politique, les Canadiens résistent généralement à tout appel aux urnes.

Ils manifestent aussi une nette préférence pour les gouvernements majoritaires, même s’ils anticipent l’élection d’un gouvernement minoritaire : 68,7 p. 100 d’entre eux ont dit qu’ils « aimeraient qu’un parti remporte une majorité aux prochaines élections », 11,9 p. 100 se disant plutôt d’accord avec cette affirmation. Autrement dit, 80,6 p. 100 des Canadiens veulent un gouvernement majoritaire, seulement 11 p. 100 se disant en désaccord avec la même affirmation et 4,1 p. 100 plutôt en désaccord ; les 4,3 p. 100 restants étaient indécis.

Ce n’est qu’au Québec, où l’appui au Bloc québécois a rendu possible l’élection de trois gouvernements minoritaires consécutifs, que cette préférence baisse sous la moyenne nationale, bien que 58,9 p. 100 des Québécois souhaitent tout de même l’élection d’un gouvernement majoritaire. Comme c’est le cas de 77,1 des Canadiens des provinces de l’Atlantique, de 74,6 p. 100 des Ontariens et de 72,9 p. 100 des habitants des Prairies. En Colombie-Britannique, où trois partis se disputent le pouvoir avec un NPD bien ancré, le soutien à un gouvernement majoritaire baisse à 62,6 p. 100.

Paradoxalement, si quatre Canadiens sur cinq préféreraient élire un gouvernement majoritaire, trois sur quatre s’attendent « à ce qu’il y ait plus souvent des gouvernements minoritaires à l’avenir ».

En effet, 57 p. 100 des répondants ont déclaré être d’accord et 17,6 p. 100 plutôt d’accord avec cette affirmation.

Seulement 17,1 p. 100 étaient en désaccord et 4,7 p. 100 plutôt en désaccord, 3,6 p. 100 se disant indécis.

Mais il est étonnant qu’au Québec, où l’appui au Bloc québécois constitue la principale raison expliquant l’élection de gouvernements minoritaires, seulement 45,5 p. 100 se disent d’accord avec cette affirmation voulant qu’il y aura plus de gouvernements minoritaires à l’avenir et 22,5 p. 100 plutôt d’accord, contre 19,9 p. 100 se disant en désaccord et 9 p. 100 plutôt en désaccord. Dans la province voisine, quatre Ontariens sur cinq estiment qu’on élira plus souvent des gouvernements minoritaires, 63,2 p. 100 se disant d’accord avec cette affirmation et 16,8 p. 100 plutôt d’accord. Dans les provinces de l’Atlantique, 78,9 p. 100 ont dit être d’accord ou plutôt d’accord, contre 74,6 p. 100 dans les Prairies et 72,2 p. 100 en Colombie-Britannique.

En bref, les Canadiens préfèrent clairement les gouvernements majoritaires mais se résignent à l’élection de gouvernements minoritaires, du moins à court terme.

À une question concernant l’efficacité de la session parlementaire de l’automne, la moitié des Canadiens croient qu’elle sera « efficace » (15,2 p. 100) ou « plutôt efficace » (34,2 p. 100), contre environ 40 p. 100 qui jugent qu’elle sera « inefficace » (23,4 p. 100) ou « plutôt inefficace » (18,2 p. 100). Les indécis totalisent 9,1 p. 100. En somme, les avis sur l’efficacité ou l’inefficacité d’un Parlement minoritaire sont à peu près également partagés.

Enfin, nous avons demandé aux Canadiens de désigner, indépendamment de leurs intentions de vote, quel chef de parti fédéral « possède les compétences personnelles nécessaires à la gestion efficace d’un gouvernement minoritaire ». Et c’est Stephen Harper qui prend ici l’avantage avec 32,8 p. 100 de réponses favorables à l’échelle du pays, suivi de Michael Ignatieff à 23 p. 100, de Jack Layton à 14,4 p. 100 et de Gilles Duceppe à 5,9 p. 100.

Sur cette question clé du leadership, Stephen Harper domine Michael Ignatieff par une marge appréciable dans toutes les régions du pays sauf au Québec, où sa popularité a fortement chuté depuis la dernière élection. À hauteur de 29,7 p. 100, c’est Michael Ignatieff que les Québécois jugent le plus apte à gérer un gouvernement minoritaire, suivi de Jack Layton à 19,1 p. 100 et de Stephen Harper à 18,1 p. 100, soit un très faible résultat pour un premier ministre en poste. Gilles Duceppe obtient 18 p. 100.

Stephen Harper fait donc bonne figure par rapport à ses opposants dans le reste du Canada, mais il doit améliorer l’opinion que les Québécois se font de lui s’il souhaite conserver ou faire mieux que les 10 sièges conservateurs qu’il détient présentement dans cette province au prochain scrutin fédéral, quelle qu’en soit la date.

Mais pas cet automne, comme les Canadiens le clament haut et fort !

 

 

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Nik Nanos
Chercheur et conseiller stratégique, Nik Nanos est régulièrement appelé à conseiller des dirigeants sur un large éventail de sujets, notamment les fusions d'entreprises, les campagnes de sensibilisation du public, la gestion de la réputation et les questions réglementaires. Il dirige l'équipe de Nanos, qui conduit des recherches au Canada et aux États-Unis, est fellow au Woodrow Wilson International Center for Scholars de Washington, D.C., et chercheur et professeur agrégé à  la State University of New York de Buffalo. Il est aussi analyste principal pour l'indice Bloomberg-Nanos de la confiance des consommateurs canadiens, dont les résultats sont transmis hebdomadairement aux clients de Bloomberg. Chaque semaine, il présente The Nanos Number à  l'émission Power & Politics de la CBC, qui suit l'évoution politique, économique et sociale. Il siège au comité de rédaction du Journal of Professional Communication de l'Université McMaster.

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