(Ce texte a été traduit de l’anglais.)

Sans nul doute, l’économie mondiale entrera en récession du fait de la pandémie de COVID-19. Si les gouvernements visent avant tout à contrer la propagation du virus et à sauver des vies, ils doivent néanmoins réfléchir aux mesures à prendre pour stimuler l’économie. Dans ce contexte d’une crise économique et climatique mondiale, le gouvernement canadien aura une occasion historique d’orienter les fonds publics vers un plan de relance « vert » qui met en avant les technologies propres. Dans le secteur des transports, l’accélération de l’électrification engendrerait de nombreux avantages économiques et environnementaux, tout en permettant au secteur manufacturier canadien d’être plus compétitif au sein du marché automobile mondial.

Partout dans le monde, les constructeurs automobiles investissent des milliards de dollars pour accélérer la mise en marché d’une gamme de plus en plus diversifiée de véhicules électriques. La législation joue un rôle essentiel pour stimuler cette transition, car les mesures réglementaires et d’incitation à l’achat, et les initiatives de sensibilisation des consommateurs contribuent à accélérer le développement et la multiplication des véhicules électriques dans plusieurs pays.

Détenant une part importante de la production mondiale de véhicules, le Canada produit environ deux millions de voitures et de camions légers par an. Or, comme moins de 0,5 % de ces véhicules sont électriques ― tandis que la moyenne mondiale se situe à près de 3 % ―, le Canada accuse un retard considérable dans sa transition vers la fabrication de véhicules électriques par rapport au reste de la planète. À titre d’exemple, le Royaume-Uni et la France produisent annuellement un nombre de véhicules similaire à celui du Canada, mais la part de véhicules électriques dans cette production est proche de la moyenne, soit environ 3 %. Si le Canada ne cherche pas activement à mettre en place un plus grand nombre de chaînes d’assemblage et d’approvisionnement de véhicules électriques, il risque d’ébrécher un pilier important de son économie.

La tendance à l’électrification est récente, mais l’industrie automobile canadienne a connu un déclin dans les deux dernières décennies.  Depuis 2000, le Canada a subi une perte nette de cinq usines d’assemblage et a vu environ 30 % de sa production de véhicules disparaître au profit des États-Unis et du Mexique. La plus récente fermeture d’usine ― celle de General Motors à Oshawa ― est un souvenir bien présent encore. Aggravant la situation pour les anciens travailleurs d’Oshawa et de la communauté environnante, GM a d’ailleurs annoncé plus tôt cette année qu’elle investirait plus de deux milliards de dollars dans son usine de Detroit-Hamtramck pour la convertir à la production exclusive de voitures électriques.

Néanmoins, l’espoir demeure. Un récent rapport publié par l’International Council for Clean Transportation (ICCT) et le Pembina Institute décrit plusieurs moyens par lesquels les gouvernements fédéral, provinciaux et locaux peuvent stimuler la production de voitures et de camions électriques au Canada. La multiplication des efforts pour instaurer des politiques favorisant le développement du marché local de véhicules zéro émission est l’une des solutions les plus efficaces que les gouvernements du pays peuvent adopter. Dans le monde, environ 80 % des véhicules électriques sont fabriqués dans la région où ils sont vendus. Ainsi, un engagement plus soutenu dans la conception et la mise en œuvre de politiques structurantes en matière de réglementation, d’incitation à l’achat et de sensibilisation des consommateurs permettraient au Canada d’augmenter ses ventes de véhicules électriques et d’attirer des investissements étrangers.

Une borne de recharge à Vancouver. Shutterstock / Evgeny Pylayev.

Les provinces et le gouvernement fédéral ont déjà mis en place diverses politiques pour stimuler la vente de véhicules électriques et augmenter le nombre d’installations de recharge, mais des interventions nettement plus musclées sont nécessaires. Une étude menée par Navius Research indique que le Canada ne sera pas en mesure d’atteindre ses objectifs de vente de véhicules électriques s’il ne fait que maintenir les politiques fédérales et provinciales actuelles. Selon les projections, à défaut de politiques additionnelles, les véhicules électriques ne représenteront que 14 % des ventes de nouveaux véhicules légers d’ici 2040, ce qui est largement sous la cible canadienne de 100 %. Cependant, l’étude révèle qu’une seule politique — une norme véhicule zéro émission (VZE) déployée à l’échelle canadienne, qui exigerait des manufacturiers automobiles qu’ils vendent 30 % de véhicules électriques d’ici 2030 et 100 % d’ici 2040 — permettrait au Canada de complètement transformer son parc automobile dans les 20 prochaines années.

En plus de contribuer à l’atteinte des objectifs canadiens en matière de ventes de véhicules électriques pour 2030 et 2040, des politiques fédérales plus fermes en matière d’électrification des transports entraîneraient des retombées économiques importantes. L’étude de Navius Research indique que la meilleure façon de stimuler la production de VZE est d’accroître la demande pour ce type de véhicule à travers le pays. Cette hausse de la demande serait possible grâce à des politiques destinées aux consommateurs ― telles que des incitations financières ou encore la tarification du carbone ― ou au secteur automobile sous la forme de normes VZE et de règlements sur les émissions de gaz polluants. L’étude estime qu’une combinaison ambitieuse de mesures orientées vers les consommateurs et vers l’industrie automobile permettrait au Canada de créer près de 800 000 emplois liés aux véhicules électriques et d’augmenter son PIB de 110 milliards de dollars d’ici 2040.

Au-delà des mesures visant à accroître les ventes de véhicules électriques au Canada, le contexte de crise actuel représente une occasion unique de développer des politiques de soutien au secteur automobile afin d’attirer les investissements dans les domaines de l’assemblage de véhicules électriques et de la production de batteries. L’industrie automobile canadienne pourrait être en meilleure posture pour assurer sa croissance à long terme grâce à des mesures incitatives axées sur l’offre, telles que le soutien à la recherche et au développement, les garanties de prêts et les avantages fiscaux accordés pour les installations nouvelles ou rénovées qui produisent des voitures et des camions électriques.

Il est clair que le déclin que connaît le secteur automobile canadien depuis 20 ans ne fera que s’intensifier si le gouvernement n’agit pas rapidement. Le Canada est encore en bonne position pour tirer parti de l’accélération de l’électrification des véhicules dans le monde et pour prospérer dans la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Les politiques visant à soutenir le secteur automobile dans cette transition doivent jouer un rôle central dans le futur plan de relance économique ; elles permettraient également au Canada d’atteindre ses objectifs climatiques et de concrétiser sa volonté d’une croissance propre et durable. Il est temps que les décideurs politiques canadiens de tous les ordres de gouvernement donnent à l’industrie automobile l’élan dont elle a désespérément besoin.

Photo : Une installation de recharge rapide pour véhicules électriques à Auckland, en Nouvelle-Zélande. Shutterstock / ChameleonsEye.

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Ben Sharpe
Ben Sharpe est chercheur principal à l’International Council on Clean Transportation (ICCT). Il y dirige la section canadienne visant à améliorer l’efficacité énergétique et environnementale des véhicules au Canada.
Jessie  Pelchat
Jessie Pelchat est chercheuse en transport à Équiterre. Elle mène des recherches sur les politiques publiques qui visent à réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports au Québec et au Canada.

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