Selon le recensement de 2016, c’est le segment de la population de 80 ans et plus qui augmente le plus rapidement. On considère que 50 % de ces personnes sont des aînés en situation de fragilité. Pourtant, les personnes âgées fragiles ne sont pas reconnues comme un groupe distinct par nos réseaux de santé.

La fragilité est un état physiologique caractérisé par les maladies chroniques, les problèmes de santé multiples et des résultats cliniques médiocres. Chez une personne âgée fragile, une infection ou une maladie mineure peut avoir des répercussions graves, susceptible de détériorer rapidement sa santé globale et d’augmenter ses risques d’être placée en établissement ou de décéder.

La prestation de soins aux personnes fragilisées constitue l’un des dossiers les plus pressants à l’échelle nationale. Elle a une grande incidence sur les budgets et les priorités de l’État. Et d’un point de vue sociétal, la fragilité impose un lourd fardeau — financier, social et émotionnel — sur les proches et les amis qui assument le rôle de soignant.

La recherche à l’échelle nationale

À l’heure actuelle, la fragilité chez les aînés reste un sujet peu connu, mal documenté et peu répertorié dans les données issues des consultations médicales, des rapports de sortie d’hôpital et des certificats de décès. Dans ces circonstances, l’évaluation portant sur les soins, les résultats cliniques et l’usage que font ces aînés des ressources représente un exercice difficile et coûteux, qui exige un temps précieux.

Seule structure au Canada vouée à l’amélioration des soins donnés aux aînés fragilisés et au soutien de leurs proches aidants, le Réseau canadien des soins aux personnes fragilisées (RCSPF) s’appuie sur la mise en commun des données de recherche, les commentaires des patients et des citoyens ainsi que ses propres capacités en matière de formation afin d’établir des ponts de connaissance entre tous les secteurs de la santé.

Le RCSPF s’est donné pour mission de transformer notre façon de penser et d’agir à l’égard des besoins complexes et vitaux des personnes âgées. Sa réalisation exige une action efficace et concertée à l’échelle du pays dans le but d’adapter et de réunir les services sociaux et de santé, tant sur le plan des connaissances que de la pratique, afin d’offrir au segment le plus vulnérable de la population des soins viables fondés sur des données probantes.

Le RCSPF a été fondé en 2012 sous l’égide du Programme des réseaux de centres d’excellence (RCE). Ce dernier soutient des projets pancanadiens multidisciplinaires, et il s’est avéré un véhicule idéal pour une initiative de recherche sur la fragilité.

Avec les élections qui pointent à l’horizon, il est essentiel que nos partis politiques saisissent toute l’importance de cet enjeu, non seulement pour les aînés, mais aussi pour l’ensemble de la population. Les leaders fédéraux doivent s’engager, durant la campagne électorale, à financer durablement la recherche sur ce thème.

Les lacunes en matière de soins adéquats

En dépit de leur nombre, bien des aînés fragilisés ne reçoivent pas de soins adéquats. Cette situation a une incidence sur leur qualité de vie et finit par exercer une pression encore plus grande sur le système de santé. Même si nous n’avons pas de données exactes sur la fragilité comme telle, nous savons que 45 % des dépenses en santé sont destinées aux 65 ans et plus, alors qu’ils représentent 15 % de la population. Un grand nombre de personnes dans cette tranche d’âge sont fragilisées et ont un besoin accru de soins. Il serait donc utile d’obtenir de meilleures données à ce sujet.

La création d’un groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur les personnes âgées en situation de fragilité constituerait un premier pas vers l’adoption d’une stratégie nationale axée sur l’intégration des moyens de protection pour cette population.

Le gouvernement peut démontrer son leadership en réunissant les nombreux partenaires soucieux d’améliorer les soins offerts à cette population vulnérable. La création d’un groupe de travail fédéral-provincial-territorial constituerait un premier pas vers un débat sur cette question et l’adoption d’une stratégie nationale axée sur l’intégration des moyens de protection pour les personnes fragilisées. L’amélioration des services ne concerne pas seulement les soins de santé, elle s’étend aux interventions relevant de la santé publique, dont l’aménagement des milieux de vie, la promotion de l’exercice physique, l’accès à des aliments nutritifs et l’intégration du vieillissement dans notre société.

Le financement destiné à la recherche scientifique, à la collecte de données solides et à la mobilisation des connaissances doit s’aligner sur nos orientations en matière de vieillissement de la population. Le Canada doit élaborer un plan normalisé de détermination de la fragilité, applicable à l’ensemble du système de santé, améliorer la qualité et l’organisation des soins tout comme la prestation des services sociaux, et renforcer la planification des soins avancés et des soins de fin de vie.

Les communautés autochtones et les vétérans

La situation est particulièrement préoccupante dans les communautés autochtones. Près de 50 % des Autochtones âgés de 65 ans et plus vivent en situation de fragilité, soit le double de la moyenne nationale. En améliorant la collecte de données, le gouvernement contribuera à la création de services sociaux et de santé qui tiennent compte des besoins des personnes fragilisées dans ce milieu. La mise en place devra se faire en suivant le modèle du codéveloppement.

Un second groupe très vulnérable est celui des anciens combattants. Selon une évaluation conservatrice, ils seraient aujourd’hui 30 000 à vivre en situation de fragilité ; leur nombre augmentera rapidement à mesure qu’ils vieillissent. Leurs besoins découlent de plusieurs facteurs : le fait de vivre avec un handicap acquis, l’apparition de maladies chroniques courantes chez les aînés ainsi que certains facteurs psychosociaux. Pour élaborer des politiques et des programmes appropriés, il y aurait lieu d’adapter à ces vétérans un indice de fragilité destiné à l’ensemble de la population âgée.

Globalement, la nécessité d’adopter des stratégies efficaces et de les financer adéquatement s’impose de façon urgente, puisqu’on prévoit que le nombre de personnes fragilisées au Canada dépassera les deux millions d’ici 10 ans.

Pour s’attaquer à la question des effets complexes du vieillissement, les partis politiques fédéraux devraient prévoir dans leur plateforme une stratégie exhaustive à ce sujet, assortie d’un plan de financement. Les programmes nationaux innovateurs jouent un rôle essentiel dans la recherche de solutions aux problèmes à long terme reliés au phénomène de la fragilité, car ces programmes créent une synergie tout en contribuant à la fois à l’amélioration des soins donnés à notre population âgée et à la maîtrise des coûts de la santé.

Photo : Shutterstock / Robert Kneschke


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John Muscedere
John Muscedere est directeur scientifique et directeur général du Réseau canadien des soins aux personnes fragilisées (RCSPF). Il est également professeur de médecine de soins intensifs à la Faculté des sciences de la santé de l’Université Queen’s et intensiviste à l’Hôpital général de Kingston.
Russell Williams
Russell Williams est président du conseil d’administration du Réseau canadien des soins aux personnes fragilisées (RCSPF) et vice‑président principal, Mission, à Diabetes Canada.

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