(Cet article a été traduit de l’anglais.)

Selon le gouvernement canadien, le 30 novembre 2019 marquait la fin du recours à l’isolement préventif et disciplinaire au pays. Mais en réalité, toutes sortes de situations mènent encore des détenus en isolement, même si la pratique contrevient à la Charte canadienne des droits et libertés. 

Les unités d’intervention structurées (UIS) ont été mises en place il y a un peu plus de deux ans par Service correctionnel Canada (SCC) pour remplacer l’isolement, un régime de ségrégation administrative jugée inconstitutionnel. Le ministère de la Sécurité publique laissait entendre que les UIS offraient une manière plus humaine de séparer certains individus du reste de la population carcérale. Plus de temps hors de la cellule est maintenant prévu, tout comme l’occasion d’avoir un « contact humain significatif ». Ces changements devaient faire partie d’une « transformation historique du système correctionnel fédéral » et avaient été largement applaudis par la population. 

En vérité, il n’y aucune façon humaine de maintenir quelqu’un en isolement. Quelle que soit sa forme (UIS, évaluation de la santé mentale, confinement, cellule sèche) toutes ces mesures sont caractérisées par une scrutation constante, un isolement accru et de graves conséquences sur la santé mentale. Les pratiques en matière de sécurité doivent être modifiées de telle sorte que SCC (et le gouvernement) traite les prisonniers pour ce qu’ils sont : des êtres humains. Il ne faut pas se demander quelles options existent pour remplacer l’isolement – elles sont connues –, mais plutôt pourquoi SCC ne les utilise pas ? 

En novembre 2021, un juge de la cour suprême de Nouvelle-Écosse a jugé inconstitutionnelle une autre forme d’isolement : la cellule sèche. 

La cellule sèche est une pratique cruelle qui consiste à garder une personne soupçonnée de contrebande dans une cellule où on l’observe constamment, sous des lumières allumées 24 heures par jour, sans accès à l’eau courante ni à des contacts humains (et donc à des conseils juridiques). Pour les personnes soupçonnées de dissimuler quelque chose dans leur vagin, la loi ne pose pas de limites au temps de confinement, et les objets peuvent mettre énormément de temps à être expulsés, quand ils le sont. La demanderesse devant la cour suprême néo-écossaise, Lisa Adams, avait été isolée dans de telles conditions durant 16 jours.  

Le juge John Keith a invalidé l’article 51  de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition portant sur la cellule sèche, puisqu’il contrevient à l’article 15 de la Charte. Il a fait remarquer que les personnes soupçonnées de dissimuler quelque chose dans leur vagin subissent un préjudice exagéré, tant en raison de la cellule sèche elle-même que du temps qu’elles y passent. Le juge Keith a estimé que les dommages sont « distincts » et « significatifs ». 

Ce jugement est une importante victoire pour les détenus, mais cette victoire doit conduire à des changements d’une plus grande ampleur.  

Les cellules sèches (et à vrai dire toute forme d’isolement) sont des punitions extraordinaires, cruelles et en opposition aux droits à la vie, la liberté et la sécurité. Il s’agit d’une violation de la Charte. 

Comme le montrent les rapports publiés par Jane Sprott, Anthony Doob et Adelina Iftene, tout comme le Bureau de l’enquêteur correctionnel, ainsi que nos propres observations recueillies dans des prisons pour femmes fédérales, l’isolement est une forme de punition disproportionnellement utilisée contre les personnes noires, autochtones et celles qui ont des problèmes de santé mentale. Il s’agit d’une nouvelle violation de l’article 15 de la Charte. 

How can we improve our criminal justice system?

Moving restorative justice into the mainstream

 Le juge Keith a donné six mois au gouvernement fédéral afin qu’il change sa loi en accord avec la Charte. La Canadian Association of Elizabeth Fry Society et d’autres commentateurs ont bien fait savoir qu’il est impossible de réformer une pratique assimilable à la torture. L’usage des cellules sèches doit être entièrement aboli, chose que le gouvernement fédéral peut accomplir en rendant cette pratique illégale. 

De son côté, SCC soutient que l’usage des cellules sèches et d’autres formes d’isolement sont essentiels au bon fonctionnement des prisons. Mais la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition est claire : le système correctionnel vise à assurer l’exécution des peines « par des mesures de garde et de surveillance sécuritaires et humaines » en prenant celles qui « sont les moins contraignantes ». 

SCC devrait se détourner des pratiques correctionnelles archaïques pour aller vers des méthodes de sécurité dynamiques. Les pratiques statiques se servent de l’architecture des établissements ; les pratiques actives se fondent sur les relations humaines. Les directives de SCC prônent déjà des interactions positives, une communication active, la présentation de modèles positifs et une vigilance face aux problèmes physiques ou mentaux. 

Il est grand temps que le gouvernement fédéral agisse afin de protéger les droits et la dignité de la population carcérale en mettant fin aux pratiques d’isolement au pays.  

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Emilie Coyle
Emilie Coyle est la directrice générale de la Canadian Association of Elizabeth Fry Societies.Elle est avocate et a précédemment été directrice des programmes nationaux au Refugee Hub de l’Université d’Ottawa. 
Jackie Omstead
Jackie Omstead est une communicatrice, organisatrice et artiste, et directrice des politiques et de l’implication de la Canadian Association of Elizabeth Fry Societies. Elle détient une maîtrise en criminologie et justice sociale de X University 

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