Bienvenue à ce numéro consacré à la politique étrangère canadienne version Stephen Harper, sous la gouverne duquel le Canada n’est plus l’intermédiaire impartial qu’il était, mais applique plutôt une politique fondée sur des valeurs précises.
Il s’agit d’une politique étrangère « qui assume la réalité des intérêts du Canada », explique dans ces pages le ministre des Affaires étrangères John Baird, sans que le Canada cherche nécessairement à être bien vu des organismes internationaux, précise-t-il.
Nulle part cette réorientation n’est aussi manifeste que dans l’appui indéfectible du gouvernement Harper à Israël, quelles que soient les circonstances. En clair, insiste le ministre : « Le Canada ne servira pas d’intermédiaire entre une organisation terroriste internationale et une démocratie libérale. »
Gil Troy se montre particulièrement impressionné par cette vision Harper « fondée sur un idéalisme qui rejette la fameuse impartialité canadienne nourrie de mauvaise conscience ».
Mais le Canada est avant tout une nation commerçante. Et selon Derek Burney, « il est temps de rajuster le volet économique de notre politique étrangère pour tirer pleinement profit des riches possibilités des marchés émergents, celui de la Chine en tout premier lieu ». Wendy Dobson renchérit, observant que nous avons tardé à miser sur la réémergence de l’Asie et qu’il nous faut d’urgence une stratégie commerciale en Asie-Pacifique. Et Robin Sears, qui a longtemps vécu dans cette région du globe, observe que le Canada semble enfin se découvrir une « passion asiatique ».
Ce n’en est pas moins avec les États-Unis que nous entretenons les liens les plus étroits. Et Colin Robertson, qui connaît bien notre voisin pour y avoir rempli plusieurs affectations diplomatiques, juge favorablement la gestion des relations canado-américaines du gouvernement Harper, dossier prioritaire entre tous du premier ministre.
À ce propos, Brian Mulroney cite en modèle la question des pluies acides. Dans un article adapté d’un récent discours soulignant le 21e anniversaire de l’Accord Canada–États-Unis sur la qualité de l’air, il rappelle qu’en mars 1981, lors de la première visite de Ronald Reagan sur la Colline parlementaire, des milliers de manifestants les avaient accueillis aux cris de « Arrêtez les pluies acides ! ». C’est au même endroit que 10 ans plus tard Brian Mulroney et George Bush père signaient l’Accord. « En une décennie, note l’ancien premier ministre, nous sommes passés des invectives au dialogue puis à la conclusion d’un accord clé. »
Examinant de son côté l’enjeu des changements climatiques, Michael Hart soutient qu’en s’engageant sur la voie de la responsabilité économique, Stephen Harper a adroitement géré le dossier.
Fen Hampson, directeur de la Norman Paterson School of International Affairs de l’Université Carleton, et William Zartman, de l’Université Johns Hopkins, font ensuite le point sur la provocation nucléaire de l’Iran face à l’Occident, au premier chef Israël et les Etats-Unis. L’Iran et Israël s’adonnent à un jeu dangereux, préviennent-ils, qui pourrait mener à une collision frontale.
Le Commonwealth sera à l’honneur cette année en marge du Jubilé de diamant de la Reine. Le sénateur et ancien président de l’IRPP Hugh Segal a fait partie du Groupe de personnalités éminentes du Commonwealth qui a formulé des recommandations en vue de renouveler cette association de 54 États et de 2,1 milliards d’habitants.
Le Canada est aussi un pays arctique, et il présidera en 2013 le Conseil de l’Arctique formé des huit États de la zone polaire. Consultant spécialisé sur les questions arctiques et autochtones, Terry Fenge voit ce mandat de deux ans comme une occasion pour notre pays de prendre la direction de l’« orchestre arctique ».
Dans une fascinante Lettre de Moscou, Jeremy Kinsman retrace le difficile parcours vers la démocratie de la Russie postsoviétique. Vladimir Poutine étant de retour au pouvoir, il sera intéressant de voir comment il gère la dissidence : « Poutine a souvent montré son aversion pour la démocratie, mais il est très perspicace quand son arrogance n’obscurcit pas son jugement. » Personne ne sait mieux déchiffrer l’énigme apparemment insondable de la Russie que Jeremy Kinsman, qui fut ambassadeur du Canada à Moscou au début des années 1990.
Dans une autre Lettre de Kaboul, Nipa Banerjee revient sur la situation en Afghanistan, pays sans règle de droit où continuent de sévir violences, corruption et trafic de stupéfiants. Ancienne directrice du programme d’aide canadien en sol afghan, elle recense les problèmes quasi insolubles du pays, alors même que la mission du Canada en est réduite à un rôle de formation. Enfin, Avril Benoît rend compte de la situation en Haïti du point de vue de Médecins sans frontières, osant affirmer que les bienfaiteurs font parfois plus de mal que de bien.
Et pour revenir à notre début, on lira sous la rubrique Verbatim un extrait du récent discours de Stephen Harper au Forum économique mondial de Davos.
Pour conclure, nous publions les comptes rendus de deux ouvrages majeurs. L’ancien ministre fédéral Jim Prentice a lu Nation Maker, le dernier livre que Richard Gwyn consacre à Sir John A. Macdonald, qui apporte une « importante contribution à l’histoire du Canada ». Et Renée Filiatrault, ancienne agente diplomatique en Afghanistan, s’est plongée dans Fighting for Afghanistan, de l’historien militaire Sean Maloney.