Le Canada a un problème… de tuyau d’échappement. Les quelque 24 millions d’automobiles et de camions du pays ont généré 23 % de ses émissions de gaz à effet de serre en 2014 et sont responsables des trois quarts de l’augmentation des émissions de dioxyde de carbone liées à l’utilisation d’énergie depuis 1990.

À mesure que l’économie et la population canadienne croissent, le kilométrage parcouru en véhicule et la congestion dans les villes augmentent aussi. Si certains habitants des grands centres urbains semblent aujourd’hui moins enclins à posséder un véhicule qu’au cours des dernières décennies, la tendance générale s’oriente vers l’augmentation des émissions.

Pour atteindre nos objectifs en matière de lutte contre les changements climatiques et faire notre juste part afin que la planète demeure un endroit sûr où vivre, nous devons renverser la vapeur.

Si nos plans manquent d’ambition et si nous ne sommes pas assez rigoureux dans leur mise en œuvre, nous raterons la cible, et le pays passera à côté de sa chance de devenir un chef de file en matière d’industrie et d’environnement.

La bonne nouvelle ? Autour du monde, une révolution des transports gagne du terrain. Encore mieux : le Canada se met judicieusement de la partie avec des politiques et des investissements qui ouvrent plus grand la porte aux solutions de transport sans carbone. Mais si nos plans manquent d’ambition et si nous ne sommes pas assez rigoureux dans leur mise en œuvre, nous raterons la cible, et le pays passera à côté de sa chance de devenir un chef de file en matière d’industrie et d’environnement.

D’importants investissements dans les transports collectifs sont effectués en réponse aux demandes des villes canadiennes. Ce virage vers le renforcement du transport collectif réduira considérablement les émissions et la congestion. Et grâce aux politiques d’achats écologiques adoptées par les réseaux de transport et les municipalités de partout au pays, une nouvelle génération d’autobus et d’autres technologies propres promettent de réduire encore davantage les émissions liées au transport, au-delà du simple retrait de voitures de la route.

Au Canada, on constate une demande grandissante de solutions de rechange flexibles à la possession individuelle d’une voiture. Les services de transport partagés, qui comprennent actuellement l’autopartage (Car2Go, Communauto, Modo, etc.), le conavettage et le covoiturage (Uber, OpenRide, rideshare, etc.) sont en plein essor. De plus, n’oublions pas le potentiel des voitures autonomes à offrir du transport sur demande. Récemment, le premier ministre Justin Trudeau et le chef de la direction de BlackBerry annonçaient ensemble que l’entreprise affectait ses 400 employés d’Ottawa à la conception de logiciels pour les voitures autonomes.

Quand nos gouvernements injectent des fonds dans les infrastructures de transport collectif, modifient les règlements pour promouvoir les moteurs à faible consommation de carburant et encouragent les gens à prendre leur vélo ou à opter pour un véhicule électrique (VE), nous voyons se dessiner la voie vers une planète plus saine, de l’air plus pur dans nos villes et des économies plus efficaces.

Dans son récent Énoncé économique de l’automne, le gouvernement fédéral s’est engagé à verser, au cours des 11 prochaines années, 25,3 milliards de dollars pour l’amélioration et le développement des réseaux de transports en commun du pays. Entre autres, on prévoit la construction de plusieurs nouveaux trains légers (Calgary, Edmonton, Montréal et Surrey), d’une nouvelle ligne de métro à Vancouver ainsi que de nouveaux trains de banlieue à Toronto et à Hamilton. De pair avec une bonne planification de l’aménagement du territoire pour renforcer la densification, les investissements dans le transport en commun — s’ils s’accompagnent de pistes cyclables, de sentiers piétonniers et de services de transport partagés — sont ce dont les Canadiens ont besoin. Les avantages découlant de tels investissements seront ressentis par des générations à venir.

Les VE font aussi partie de la solution. Elles sont en train de devenir le choix le plus facile pour ceux qui ont besoin d’un véhicule, car elles sont agréables à conduire et peu coûteuses d’utilisation et d’entretien. Comparativement à un véhicule à essence, un véhicule à batterie permet de réduire les émissions de 45 à 98 %.

On avait d’ailleurs prédit qu’il y aurait deux millions de VE sur les routes du monde entier avant la fin de 2016. La demande pour la Model 3 de Tesla est palpable : alors que le prix des batteries dégringole, la demande ira en explosant. En novembre, Motor Trend nommait la Chevrolet Bolt EV sa Voiture de l’année 2017, elle qui offre une autonomie impressionnante de plus de 300 km par recharge.

Les incitatifs offerts en Colombie‑Britannique, en Ontario et au Québec contribuent aussi à abaisser les coûts. De plus, au Québec, les fabricants automobiles doivent maintenant vendre un certain pourcentage de véhicules à émission zéro par année dans la province — une politique qui a été mise à l’épreuve avec des résultats prometteurs en Californie et dans neuf autres États américains. Il faut noter que certains modèles de VE sont vendus aux États‑Unis, mais pas au Canada. Le Québec a investi 420 millions de dollars dans un programme provincial visant à mettre 100 000 VE sur ses routes d’ici 2020. Poursuivant sur cette très bonne voie, les gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral viennent de s’entendre pour élaborer une stratégie pancanadienne en vue d’accroître le nombre de véhicules à émission zéro d’ici 2018. Il s’agit d’une excellente nouvelle, puisqu’un récent rapport sur les politiques concernant les VE concluait que les gouvernements devaient augmenter la portée, l’envergure et la vitesse de leurs efforts pour engendrer de réels changements.

Le virage vers les transports électriques peut stimuler l’industrie manufacturière de l’Ontario, puisque la province a le potentiel de devenir un carrefour nord-américain dans la fabrication de VE sobres en carbone et de leurs pièces.

Le virage vers les transports électriques peut stimuler l’industrie manufacturière de l’Ontario, puisque la province a le potentiel de devenir un carrefour nord-américain dans la fabrication de VE sobres en carbone et de leurs pièces. La division smart de Mercedes‑Benz Canada vient d’annoncer d’ailleurs qu’à partir des modèles 2018, elle ne fabriquerait plus que des VE. Le Canada a aussi la possibilité de stimuler l’innovation canadienne sur le marché émergent des batteries. Le gouvernement fédéral vient d’investir 1,9 million de dollars dans l’entreprise vancouvéroise Nano One, qui fabrique des matériaux de stockage d’énergie à faible coût et à haute efficacité pour les batteries de VE.

Certes, les mesures récemment adoptées par les deux ordres de gouvernement sont encourageantes, mais le Canada a encore beaucoup à faire s’il veut lutter efficacement contre les effets néfastes de son secteur des transports sur le climat. Par exemple, en fixant des normes relatives à l’utilisation de carburants propres pour l’avenir, les gouvernements peuvent faire avancer les choses. Ottawa annonçait d’ailleurs il y a peu de temps son intention d’établir de telles normes, qui pourraient considérablement réduire les émissions dans les prochaines années : cela équivaudrait à retirer sept millions de voitures de nos routes durant un an. Bien que nous en sachions encore peu sur la forme que prendra exactement ce nouveau cadre stratégique, nous nous attendons à des règlements suffisamment ambitieux pour que le pays puisse atteindre l’objectif de réduction des émissions qu’a énoncé la ministre Catherine McKenna, soit de 30 mégatonnes par année d’ici 2030.

Les provinces auront beaucoup d’expertise à offrir à ce chapitre : l’Ontario prévoit hausser la quantité de contenu renouvelable dans les carburants utilisés dans les transports, ce qui réduira la pollution par le carbone provenant de l’essence de 5 % supplémentaires d’ici 2020. Plus à l’ouest, la Colombie‑Britannique s’est déjà dotée d’une norme sur le carburant à faible teneur en carbone pour le secteur des transports.

L’avenir de la mobilité, ce sont des services de transport sur demande qui s’intègrent à une planification urbaine intelligente, au transport actif et aux carrefours de transports en commun. Normes sur le carburant à faible teneur en carbone, nouveaux investissements dans le transport collectif et intérêt grandissant pour les VE : les nouvelles encourageantes ne manquent pas. Toutefois, nous avons encore besoin de tracer clairement la voie à suivre vers des solutions de transport durable pour le Canada.


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Adam Blinick
Adam Blinick est directeur des affaires publiques d’Uber Canada. Avant de se joindre à Uber, il a occupé de nombreux postes clés au sein du gouvernement canadien ; il a été directeur de cabinet adjoint du ministre de la Sécurité publique, directeur des politiques du ministre des Transports et conseiller spécial du premier ministre. Il est titulaire d'une maîtrise en affaires internationales de l'Université George Washington.
Patrick Leclerc
Patrick Leclerc est président et chef de la direction de l’Association canadienne du transport urbain (ACTU), qui est la porte-parole d'influence du secteur du transport public à l'échelle canadienne. Au cœur des enjeux de la mobilité urbaine, l'ACTU collabore avec les différents ordres de gouvernement et offre une importante valeur ajoutée à ses membres et aux collectivités qu'elle sert.
Peter Robinson
Peter Robinson est chef de la direction de la Fondation David Suzuki. Il cumule plus de quarante ans d'expérience dans le domaine des affaires ainsi que dans le secteur public et les organismes sans but lucratif. Il a commencé sa carrière en Colombie-Britannique en tant que conservateur de parc.
Sidney Ribaux
Sidney Ribaux est cofondateur et directeur général d’Équiterre. Depuis 1998, il a été engagé dans toutes les activités de l’organisme, du développement à la mise en œuvre des projets en passant par la collecte de fonds.

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