Dans une économie mixte comme la nôtre, l’État administre des sommes extrêmement importantes. En 2001-02 par exemple, les dépenses totales du gouvernement du Québec, qui s’élevaient à près de 50 milliards de dollars, ont représenté plus du cinquième du PIB. À elles seules, des sociétés d’État, comme la Caisse de dépôt et placement du Québec, Hydro-Québec, la SGF, la Société immobilière du Québec, la SAQ et Loto-Québec, qui génèrent leurs propres revenus, géraient des actifs de près de 175 milliards de dollars. Ces organismes, il faut le rappeler, sont tous chapeautés par des conseils d’administration nommés par le gouvernement.

À ces sociétés d’État, il faut ajouter un nombre important d’organismes publics qui sont aussi sous la gouverne d’un con- seil d’administration dont les membres sont nommés par l’État : plusieurs commissions, régies, offices et que sais-je encore. Sans compter le nombre élevé d’organismes du réseau de santé ”” régies régionales, centres de soins de longue durée, CLSC, établissements hospitaliers et autres ”” qui monopolisent une part importante du budget annuel de 17 milliards de dollars affecté au ministère de la Santé et des services sociaux et qui sont aussi administrés par des conseils d’administration.

Compte tenu de l’importance économique et sociale de leurs activités, de la masse critique des avoirs collectifs dont ils ont la responsabilité et de l’importance vitale, dans bien des cas, du rôle qu’ils sont appelés à jouer, nous sommes en droit de nous interroger sur la façon dont ces organisms sont administrés. Par exemple, la com- position de leurs conseils d’administra- tion, telle que définie dans leurs chartes constituantes, qui datent sou- vent de plusieurs décennies, reflète-t- elle toujours la complexité des environnements économiques et so- ciaux dans lesquels ils évoluent aujour- d’hui? Leurs membres ont-ils les compétences nécessaires pour relever les défis qui les interpellent? Ont-ils la nécessaire indépendance et suffisamment de marge de manœuvre pour faire en sorte que l’intérêt public soit toujours bien servi par leurs décisions? Des mil- liards de dollars d’avoirs collectifs sont en cause. Il faut nous donner les moyens nécessaires pour nous assurer que les administrateurs de ces organismes les font fructifier au profit de l’ensemble de la société.

Quoique les cas flagrants d’abus soient relativement rares au Québec, les médias soulèvent régulièrement des situations qui s’apparentent à un conflit d’intérêts ou, tout au moins, à de l’ingérence partisane, à du laxisme, ou encore à des interprétations plutôt « accommodantes » de la mission de certains organismes publics. Ce qui ne va pas sans soulever certaines inquiétudes.

Même si ces organismes n’ont pas d’actionnaires au sens strict du terme, il commence à se dégager un consensus selon lequel ils devraient tous être assujettis à des règles qui les mettent à l’abri des dérapages et à une obligation de reddition de comptes à leur actionnaire unique, le gouvernement, et, par son intermédiaire, à l’ensemble des contribuables québécois. Au cours des dernières années, la plupart des grandes sociétés d’État se sont d’ailleurs dotées de normes sérieuses de régie d’entreprise, souvent accompagnées d’un code d’éthique rigoureux. Certes, ces outils sont toujours perfectibles. Ils doivent d’ailleurs être constamment réévalués pour s’assurer de leur pertinence. Mais même imparfaits, ils ont le mérite de tracer la voie et de favoriser une gestion plus transparente des organismes publics.

Je ne veux pas faire ici le procès de quelque organisme que ce soit. C’est pourquoi, plutôt que de passer en revue ce qui me semble trop flou dans cer- taines façons de faire de l’État, je sug- gérerai plutôt un ensemble de principes et de règles de gouvernance qui devraient, selon moi, s’appliquer aux conseils d’administration des organis- mes qui dépendent de l’État. Je pense que de tels outils pourraient certaine- ment les aider à jouer efficacement un rôle qui, il faut l’admettre, est souvent très exigeant. Ces règles auraient aussi l’avantage de les dégager des pressions indues qui s’exercent souvent sur eux, qu’elles proviennent des gouverne- ments ou de tout autre intervenant.

D’entrée de jeu, je dirais qu’à peu de choses près, ces principes et ces pratiques s’apparentent de très près aux normes qui doivent guider les con- seils d’administration des sociétés cotées en bourse. Je me permets de les passer rapidement en revue. Ces principes s’inspirent largement des recommandations du Rapport Dey, publié en 1994, et des nombreux autres rapports et réflexions sur la gou- vernance des entreprises cotées en bourse publiés dans la foulée des excès qui se sont malheureusement produits au cours des dernières années.

Tout d’abord, l’indépendance des conseils d’administration à l’égard de la direction des entreprises. Je pense que tous s’entendent sur la pertinence de ce principe, qui se traduit par une séparation nette des fonctions de prési- dent du conseil et de président- directeur général et par une définition claire des responsabilités de chacun. Dans le secteur public, il con- vient de fournir aux adminis- trateurs les moyens nécessaires pour les mettre à l’abri de toute forme d’ingérence politique.

Tous conviennent égale- ment que la mission des entre- prises doit être clairement définie. Cela me semble parti- culièrement important pour les organismes et pour les sociétés relevant de l’État. Des sociétés d’État importantes, comme Hydro-Québec, dont la loi cons- tituante a été adoptée en 1964, la Caisse de dépôt et placement, qui a été créée en 1965, la SGF, qui date de 1962, ont toutes vu leur loi modifiée au cours des ans pour tenir compte des changements qui sont survenus dans leur environnement. Malheureusement, je ne crois pas qu’un tel exercice ait été fait en profondeur pour tous les organismes publics.

En effet, force est de constater que, dans des cas bien précis et sans doute avec la meilleure volonté du monde, les conseils et les dirigeants d’organismes publics se sont progressivement éloignés de leur mission, soit parce que celle-ci était définie de façon trop vague, soit parce qu’ils considéraient, à tort ou à raison, qu’elle ne répondait plus aux besoins actuels. Je pense qu’un sérieux ménage s’impose donc, non pas pour abolir des organismes, mais pour faire en sorte que leur mission réponde aux besoins d’aujourd’hui et non à ceux d’il y a trente ou quarante ans.

Bien sër, une fois que la mission d’une entreprise ou d’un organisme de l’État a été bien circonscrite, il faut que son conseil d’administration soit intimement associé à un exercice pério- dique de planification stratégique. Le conseil doit non seulement étudier et approuver ce plan. Il doit aussi s’assurer de sa mise en œuvre. Un tel document constitue le fondement même de l’action menée par une organisation, quelle qu’elle soit. Il s’agit donc d’un outil indispensa- ble pour évaluer la pertinence des gestes posés par la direction et pour s’assurer que l’on maintient le cap dans la bonne direction.  

Le conseil doit aussi participer à une évaluation rigoureuse des risques auxquels l’entreprise est appelée à faire face. Force est de constater que les con- seils et les directions de plusieurs orga- nismes publics ne disposent pas des outils nécessaires pour gérer ces risques qui, il faut le dire, se multiplient et évoluent rapidement. Il ne s’agit pas seulement des risques financiers tradi- tionnels, mais de l’ensemble des fac- teurs susceptibles d’influencer le cours normal des activités d’une entreprise ou d’un organisme.

Les soubresauts des marchés finan- ciers, les changements réglementaires, l’évolution de l’environnement concur- rentiel, autant d’exemples de change- ments qui font planer des risques sur toutes les organisations et dont le conseil doit connaître clairement la portée. Des risques le plus souvent complexes, dont il faut comprendre les interrelations et que l’on doit être prêt à affronter en tout temps pour pouvoir en mitiger les effets.  

J’en arrive à ce que je considère comme l’élément central qui déter- mine la qualité d’un conseil d’adminis- tration et de sa gouvernance. Je veux parler de la valeur des personnes qui le composent. On aura beau élaborer les meilleurs plans stratégiques, les meilleurs outils de gestion de risque, la pertinence des décisions prises par un conseil d’administration est et sera toujours fonction de la qualité des per- sonnes que l’on y retrouve. De la qua- lité de chaque individu, bien sër, mais aussi d’une diversité et d’une complé- mentarité d’expertises permettant au conseil de bien évaluer l’ensemble des réalités propres à chaque organisme.

C’est ici qu’intervient le mode de nomination des membres des conseils d’administration dans le secteur pu- blic. Dans le passé, je pense qu’il nous est arrivé à tous de nous interroger sur la valeur de certaines nominations aux conseils ou à la direction d’organismes publics. Il était évident que le choix de certaines personnes s’était fait pour toutes sortes de facteurs autres que la compétence des personnes en cause.

Les temps ont changé. D’une part, les sommes à administrer sont devenues colossales, nous l’avons vu. D’autre part, la complexité des besoins et des enjeux qui interpellent les organismes publics exige des compétences réelles.

Dans ce contexte, je pense qu’il est devenu évident que les membres des conseils d’administration doivent être nommés essentiellement en fonction de leurs qualités, de leur expertise et de la contribution réelle qu’ils peuvent apporter à un organisme.

Il faut aussi qu’une fois nommés, les membres de ces conseils soient assujettis à des règles de fonction- nement transparentes et bénéficient de la marge de manœuvre nécessaire pour pouvoir exercer leurs responsabilités. Je pense qu’il n’est pas vain de rappe- ler que, dès qu’on mêle les agendas politiques aux agendas administratifs, il y a risque de dérapage.

On devrait aussi, comme cela se fait dans le secteur privé, laisser au con- seil d’administration d’un organisme la responsabilité de recommander des candidats pour combler les sièges vacants et lui laisser suggérer et nom- mer les hauts dirigeants de l’organisme. Faute de quoi, le conseil pourra diffi- cilement rendre ceux-ci imputables de leurs gestes, évaluer leur performance et décider de leur rémunération. Autre avantage d’une telle façon de procéder : elle permet aux dirigeants d’orga- nismes d’être moins vulnérables aux pressions de toutes sortes et à l’ingérence d’instances partisanes dans leur prise de décision.

Bien sër, les membres des conseils d’administration devraient être imputables des gestes qu’ils posent et, en conséquence, ils devraient être remerciés de leurs services s’il s’avère, pour quelque raison que ce soit, qu’ils sont incapables ou inaptes à exercer leurs responsabilités. On a sans doute tous à l’esprit des exemples d’adminis- trateurs d’organismes publics dont l’in- compétence était flagrante et qui, pourtant, demeuraient en poste. Il y a là une complaisance inacceptable de la part des gouvernements. Permettre à des personnes incompétentes d’admi- nistrer les avoirs publics, ou encore, comme je l’ai vu, les laisser siéger à un conseil plusieurs mois après l’expira- tion de leur mandat en dit beaucoup sur l’importance qu’accorde le gou- vernement à certaines de ces instances… Bien sër, la décision de remercier un administrateur devrait être prise au terme d’un processus limpide. Il s’agit de bonne gouvernance et non de règlements de comptes.

Un autre élément m’apparaît indis- pensable pour assurer la qualité de la gouvernance d’un conseil d’adminis- tration, que ce soit dans le secteur pu- blic ou dans le privé ”” et on le néglige trop souvent : c’est la formation que l’on dispense à ses membres. Trop sou- vent ”” et c’est aussi vrai dans le secteur privé ”” on agit comme si le nouveau membre d’un conseil avait la science infuse. Pourtant, même les administra- teurs chevronnés ne disposent pas nécessairement, lors de leur entrée en fonction, d’une connaissance appro- fondie de la réalité de l’entreprise ou de l’organisme qu’ils auront à administrer.         

À Hydro-Québec, une société d’État que je connais bien pour en avoir présidé le conseil pendant cinq ans, aucun administrateur ne serait en mesure de prendre des décisions éclairées sans une étude sérieuse de la société, de son contexte concurrentiel et réglementaire, de son mode d’adminis- tration et de bien d’autres éléments tous plus complexes les uns que les autres.  

C’est pourquoi chaque nouvel administrateur reçoit, dès son arrivée, un cahier complet contenant les informa- tions de base qu’il doit connaître, cahier qu’il parcourt avec le président du conseil et le président-directeur général Chaque comité du conseil est aussi invité à une séance d’information concernant son secteur d’activité. De plus, les membres du conseil peuvent, avec l’aval du comité d’éthique et de régie d’entreprise, faire appel à l’occasion à des ressources externes pour approfondir un sujet pré- cis. Et, cela va de soi, des dossiers étoffés sont remis aux membres par la direction ou par des comités du conseil, suffisam- ment à l’avance pour que tous aient le temps de les étudier. Une fois par année, une séance du conseil est organisée sur le site d’une installation ou d’un chantier, pour que les membres puissent constater « de visu » l’importance des actifs qu’ils doivent administrer. Bref, on leur fournit beaucoup d’occasions de s’informer. Bien sër, cela exige de leur part autant d’ou- verture d’esprit que de disponibilité.

Ceci m’amène à un aspect de la gou- vernance dans le secteur public sur lequel, je pense, un consensus de plus en plus large est en train de se faire : celui de la rémunération des membres des con- seils. Il serait naïf de croire que l’on peut compter sur l’altruisme et la bonne volonté de simples bénévoles pour gérer des milliards d’actifs ou pour prendre des décisions qui concernent l’ensemble de la population, avec les exigences et les responsabilités que cela implique.

Croyez-moi, après avoir travaillé pendant plus de dix ans au sein des conseils de diverses sociétés d’État, comme le Conseil économique du Canada, la SGF et Hydro-Québec, je peux vous assurer que ceux et celles qui assument de telles responsabilités méri- tent plus que des médailles. Il s’agit d’un travail considérable, parfois ardu, qui exige des centaines d’heures de tra- vail de la part des administrateurs qui prennent leur tâche au sérieux. Il me semble évident qu’une reconnaissance raisonnable de leur contribution facili- terait sans doute un recrutement plus uniforme d’administrateurs de qualité. Elle favoriserait également une certaine équité avec les membres des conseils d’administration d’entreprises privées qui, elles-même, se livrent une vive concurrence pour aller chercher les meilleures recrues sur le marché.

Cela dit, une fois que l’on s’est muni d’une définition claire de la mission d’une société d’État, que l’on y a nommé dans le cadre d’un processus transparent et équitable les personnes jugées les plus compétentes pour l’administrer et que l’on s’est assuré que ces personnes ont accès à l’information nécessaire pour éclairer leur réflexion et leur prise de déci- sion, il faut boucler la boucle, en s’assu- rant d’un processus de reddition de comptes rigoureux et, lui aussi, limpide.

Les organismes publics, on le sait, sont tenus de rendre des comptes. Certains doivent produire un véritablerapport annuel, incluant les états financiers et une analyse des résultats par la direction. C’est le cas, notam- ment, des grandes sociétés d’État comme Hydro-Québec, la Caisse de dépôt, la SGF et plusieurs autres. D’autres organismes publics produisent de simples rapports d’activités, sans états financiers, qui sont remis à leur ministre de tutelle. Généralement, le président du conseil et le président- directeur général des organismes publics comparaissent en commission parlementaire pour rendre compte de leur gestion.

Comment se déroulent les travaux de ces commissions?  Pour avoir par- ticipé à plusieurs, je peux vous assurer que ces exercices sont généralement sérieux et utiles. Le plus souvent, les questions soulevées sont pertinentes. Elles concernent différents aspects opérationnels de l’organisme interpellé. J’ai toutefois un reproche à leur faire : trop peu de questions sont soulevées pour évaluer la qualité de la gouver- nance des entreprises.

Au cours des cinq années pendant lesquelles j’ai présidé le conseil d’Hydro-Québec, jamais une question n’a été posée en ma présence sur le respect des mécanismes de gouver- nance dont nous nous sommes dotés. C’est l’ensemble des processus qui sous-tendent la prise de décision qui sont carrément évacués des préoccupa- tions des élus. Dans un contexte où les ressources sont limitées et où l’on se doit de dépenser chaque dollar avec parcimonie, je pense qu’il serait non seulement utile mais nécessaire de s’as- surer que les décisions prises par les conseils d’administration respectent des principes reconnus de saine gou- vernance. Ne serait-ce que pour s’as- surer que la mission de l’organisme est respectée et que ses ressources sont utilisées à bon escient.

Bref, pour résumer mon propos, je dirais que la qualité de la gouvernance des organismes relevant de l’État est inégale et que, malgré cela, ce sujet ne semble pas avoir figuré, jusqu’à présent, parmi les priorités du gou- vernement. Plusieurs grandes sociétés se sont dotées de normes rigoureuses en cette matière. Dans d’autres cas, il semble que les conseils d’administra- tion, tant dans leur composition que dans leur fonctionnement, soient plus ou moins laissés à eux-mêmes.  

Compte tenu de l’importance des ressources et des enjeux qui sont en cause, je pense que le temps est venu pour l’État de se doter, tout comme les sociétés cotées en bourse, de normes rigoureuses de gouvernance. Certains gestes ont d’ailleurs été posés en ce sens.

Au Canada, le Secrétariat du Conseil du trésor a publié en 2000 un document destiné à guider les gestionnaires des ministères et organismes de la fonction publique fédérale. Dans les premières pages, on y indique que « ce document ne prétend pas modifier de façon radi- cale la gestion dans la fonction publique. Il se contente d’intégrer les pratiques exemplaires actuelles de gestion et les priorités en matière de changement en un tout cohérent. » Fin de la citation. C’est un début pour le moins modeste.

Le gouvernement du Québec, pour sa part, a sanctionné en mai 2000 la Loi sur l’administration publique (loi 82), qui introduit un nouveau cadre de ges- tion. Celui-ci est axé sur le respect du principe de transparence, sur l’atteinte de résultats et sur une respon- sabilisation accrue de l’Administration devant l’Assemblée nationale.

Le texte de loi introduit un certain nombre d’éléments intéressants en matière de gouvernance, comme le développement d’un plan stratégique, la conclusion d’une convention de per- formance et d’imputabilité et une cer- taine obligation de reddition de comptes. Toutefois, il faut souligner son caractère plus incitatif qu’obligatoire. Il faut également regretter qu’elle ne s’applique qu’aux « ministères et organismes… dont la moitié des dépenses sont assumées directement ou indirectement par le fonds consolidé du revenu », ce qui, à toutes fins utiles, soustrait les sociétés d’État à son application. Il n’en demeure pas moins que c’est un point de départ qui peut être amélioré en pré- cisant au moins les éléments suivants :

  • Le mode de nomination des mem- bres des conseils d’administration de tout organisme relevant de l’État, ceux-ci devant être composés d’une majorité d’administrateurs indépen- dants du gouvernement.  

  • Une définition claire des rôles spéci- fiques et les responsabilités de chaque niveau d’intervention : ceux alloués au ministre de tutelle, ceux qui sont propres au conseil et ceux qui concernent la haute direction.

  • Des mécanismes rigoureux d’éva- luation du président et des mem- bres des conseils d’administration et de l’action de leurs différents comités.

  • La durée du mandat de chaque membre d’un conseil et les condi- tions d’exercice de son mandat, de même qu’un processus rigoureux et transparent menant à son con- gédiement si nécessaire.

  • Les conditions de rémunération des membres des conseils.

  • Les pratiques d’évaluation des administrateurs.

  • L’obligation de mettre en place certains comités du conseil pour étudier plus en profondeur des dossiers spécifiques, notamment un comité de gouvernance, un comité de nomination qui suggère au ministre de tutelle et embauche par la suite le président-directeur général, ainsi qu’un comité de vérification libre de toute entrave.

  • L’obligation de se doter d’un code d’éthique formel et de s’y conformer.

  • Les conditions précises de reddi- tion de comptes.  

À ce sujet, le Conseil canadien sur la reddition de comptes, un nouvel orga- nisme créé en juillet dernier par le Bureau du surintendant des institutions financières, l’Institut canadien des comptables agréés et les Autorités cana- diennes en valeurs mobilières, auquel j’ai accepté de participer comme membre du conseil d’administration, s’apprête à monter d’un cran la transparence des informations financières des organismes cotés en bourse. Pour ce faire, le Conseil exigera que les vérificateurs externes soient désormais choisis par le comité de vérification du conseil d’administration du Conseil et non par la direc- tion de l’entreprise, qui dis- pose d’une neutralité et d’un recul beaucoup plus grands que les ges- tionnaires pour effectuer un choix judi- cieux. Nul doute que cette façon de faire devrait aussi s’appliquer aux organismes publics.

Bien sër, l’application de cette loi devrait s’appliquer obligatoirement, avec des nuances si nécessaire, à tous les conseils d’administration d’orga- nismes relevant de l’État, y compris les sociétés d’État.  

Sa mise en application pourrait être confiée à des organismes déjà exis- tants dans la fonction publique, à con- dition qu’on leur confie un mandat spécifique en ce sens. Par exemple, le Secrétariat aux emplois supérieurs, qui relève du Conseil exécutif, a déjà la responsabilité de tenir à jour l’informa- tion relative aux nominations pour combler les emplois supérieurs dans le secteur public, telles que les sous- ministres, les délégués du Québec à l’étranger, ainsi que les présidents vice- présidents et membres des organismes gouvernementaux. Il a aussi la respon- sabilité de déterminer les conditions d’emploi qui leur sont applicables, les dates de nomination et d’échéance de leur mandat ainsi que les références aux lois pertinentes. C’est lui qui pré- pare les recommandations de candidats pour la signature du premier ministre ou du ministre responsable et les pro- jets de décret pour leur adoption par le Conseil des ministres.  

Ce qu’il faut se demander, c’est dans quelle mesure un tel organisme a présentement les mains libres pour pouvoir présenter au gouvernement une liste de candidats dont il aura dëment évalué la compétence, parmi lesquels le ministre de tutelle devra choisir pour combler la présidence d’un organisme public. Il faut se demander dans quelle mesure ce Secrétariat peut échapper à l’ingérence partisane. Dans quelle mesure également il dispose des outils nécessaires pour définir des pro- fils d’emplois qui tiennent compte de l’évolution des besoins des organismes et des sociétés d’État. Et aussi, il faut bien le dire, dans quelle mesure le gou- vernement est actuellement tenu d’en- dosser les recommandations qui lui sont faites. L’organisme existe. Mais il y a certainement un effort à faire pour qu’il puisse jouer son rôle avec trans- parence et continuité.

Enfin, je dirais qu’une saine gouver- nance va plus loin que la simple application de normes et d’obligations. Certes, les faits récents nous l’ont démon- tré, il faut des lois et des règlements pour encadrer l’action des conseils d’adminis- tration, dans le secteur privé autant que dans le public. Mais les lois, dit-on, sont faites pour être contournées. Et il se trou- vera toujours des gens peu scrupuleux que l’appât du gain ou le besoin de pou- voir amèneront à transgresser ces lois.  

Même s’il s’agit d’éléments indis- pensables, ce serait donc une erreur de limiter la gouvernance aux seules notions de conformité et de trans- parence financière. Le fondement de la saine gouvernance, on le retrouve dans les valeurs personnelles d’intégrité, d’éthique, d’équité, de solidarité, de respect des autres. On le retrouve aussi dans l’orientation et le choix des straté- gies d’entreprise. Quel que soit le secteur où l’on évolue, il faut que les administrateurs et les dirigeants aient la vision, la détermination et parfois même le courage nécessaire pour poser des gestes qui assureront l’atteinte des objectifs de l’entreprise, même si les décisions à prendre ne sont pas tou- jours populaires ou faciles à prendre.

Tous, qui que nous soyons, nous sommes redevables de nos actes vis-à- vis les autres. La qualité de notre gou- vernance, dans nos vies personnelles comme au sein de conseils d’adminis- tration, sera nécessairement fonction des valeurs de fond qui sous-tendent nos vies. Malheureusement, ces valeurs ne se réglementent pas. Il appartient à chacun d’entre nous, dans nos secteurs d’activités respectifs, d’apporter notre pierre à l’édifice.

Et il me semble que, dans le secteur public, la table est mise pour exiger des organismes et des sociétés relevant de l’État une gouvernance plus rigoureuse. Je pense que nous pouvons faire en sorte que le Québec devienne une référence en ce domaine ”” et cela m’apparaîtrait comme un sujet de fierté justifié. Ce qu’il faut pour que cela se réalise, c’est la volonté poli- tique de peaufiner et de mettre en œuvre des mécanismes qui, pour la plupart, exis- tent déjà. Certes, cela demande une bonne dose de courage. Une telle démarche rend en effet plus difficiles les diverses formes d’ingérence dans la gestion des orga- nismes publics. Elle fait appel à un respect de l’éthique et à un sens des responsabi- lités peu communs. Elle oblige à faire des choix réfléchis et justifiés, à poser les vrais questions et à exiger des réponses satis- faisantes. Mais, il faut le rappeler, il s’agit là d’une des principales responsabilités que nous confions à nos élus.

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