Le Canada est une terre d’immigration reconnue. À l’exception des peuples autochtones, nos ancêtres et nous-mêmes venons tous d’ailleurs. Notre politique d’immigration a beaucoup changé au fil du temps. Reposant au départ sur une approche restrictive qui privilégiait les immigrants européens, elle s’est libéralisée et a adopté une approche plus humanitaire. D’une décennie à l’autre, bon nombre de ces changements et priorités ont été adoptés pour traduire l’attitude changeante des Canadiens face à l’immigration et à l’essor de notre mosaïque culturelle.

Certains n’hésitent d’ailleurs pas à faire le lien entre notre prospérité et nos positions envers l’immigration. Lors des périodes de prospérité qui ont marqué le début du XXe siècle et les lendemains de la Seconde Guerre mondiale, le Canada avait besoin de main-d’œuvre qualifiée pour soutenir son expansion économique et a donc ouvert ses portes aux immigrants.

Certains n’hésitent d’ailleurs pas à faire le lien entre notre prospérité et nos positions envers l’immigration.

Quelle est l’attitude des Canadiens à l’égard de l’immigration et des immigrants, aujourd’hui ? Pour le découvrir, la maison Nanos Research a réalisé un sondage exclusif pour Options politiques. Ce coup de sonde montre que nos compatriotes voient l’immigration comme un partenaire du développement national.

Les Canadiens interrogés jugent ainsi que l’immigration doit répondre aux besoins du pays. En d’autres mots, si quelqu’un souhaite immigrer au Canada, il faut qu’il puisse contribuer au développement du pays et de la famille.

Près de trois répondants sur quatre jugent important ou plutôt important d’attirer de nouveaux immigrants. Mais ils sont encore plus nombreux (près de 85 p. 100) à juger important de sélectionner les immigrants dont les compétences répondent aux besoins du marché du travail.

Par ailleurs, quatre Canadiens sur cinq jugent le regroupement familial important ou plutôt important. Et pour près de sept Canadiens sur dix, le fait d’« être réfugié » est une raison importante d’admettre quelqu’un au pays.

Nécessité économique et compassion familiale sont les deux principaux facteurs motivant l’attitude des Canadiens face à l’immigration. C’est surtout entre ces deux facteurs qu’ils recherchent un équilibre en matière de politique d’immigration. Il ne s’agit pas ici de soutenir une politique de libre admission. C’est avant tout une question de stratégie et de sélection. Si l’immigration constitue une démarche de développement national, les renforcements économique et familial se trouvent au cœur de cette démarche.

Nécessité économique et compassion familiale sont les deux principaux facteurs motivant l’attitude des Canadiens face à l’immigration.

Nanos Research a interrogé 1 002 Canadiens au téléphone entre le 1er et le 6 mai 2008. La marge d’erreur du sondage est de plus ou moins 3,1 p. 100, 19 fois sur 20.

Sur la plupart des questions, les Québécois — tout en adoptant une attitude généralement positive — se montrent un peu moins favorables à l’immigration que le reste du pays. Cette tendance s’observe dans l’ensemble du sondage, les Québécois accordant moins d’importance à l’immigration que les autres Canadiens, sauf, et de manière significative, pour ce qui est du facteur prioritaire de la nécessité économique. Lorsqu’il s’agit pour l’immigration de favoriser le développement national d’un point de vue économique, les Québécois sont en effet du même avis que l’ensemble des Canadiens.

En tout, 84,9 p. 100 des Canadiens de notre échantillon jugent important ou plutôt important d’améliorer les compétences de notre main-d’œuvre en misant sur l’immigration. Seuls 12,3 p. 100 d’entre eux jugent cet élément sans importance ou plutôt sans importance. Et les Québécois partagent globalement cet avis : 80,5 p. 100 des répondants du Québec jugent important d’améliorer notre main-d’œuvre, contre 18,1 p. 100 qui pensent le contraire.

Le regroupement familial se classe bon deuxième sur l’échelle des facteurs considérés, 81,1 p. 100 des répondants le jugeant important ou plutôt important, tandis que seulement 15,6 p. 100 l’estiment sans importance ou plus ou moins important. Au Québec, ce facteur du regroupement familial est considéré comme important par 74,9 p. 100 des répondants, alors que 23,2 p. 100 l’estiment sans importance.

Mais quand il s’agit d’« être réfugié », les Canadiens se montrent beaucoup moins accueillants, et moins encore au Québec. Dans l’ensemble du pays, 68,7 p. 100 des Canadiens jugent important de tenir compte du statut de réfugié, contre 26,9 p. 100 qui l’estiment sans importance. Au Québec, seuls 55,5 p. 100 des répondants jugent ce facteur important, contre 42 p. 100 qui l’estiment sans importance.

La question des réfugiés est donc moins stratégique ou importante que les autres. Tout en suscitant un appui majoritaire, ce facteur est moins décisif que le regroupement familial ou les compétences professionnelles. En quelque sorte, il occupe un rang inférieur dans la « chaîne de l’immigration ».

Dans l’ensemble, 72,6 p. 100 des Canadiens jugent l’immigration « importante ou plutôt importante pour l’avenir du pays », alors qu’au Québec 66, 4 p. 100 l’estiment importante. À l’échelle du pays, 25,4 p. 100 se disent en désaccord avec cette affirmation, une proportion qui atteint 33 p. 100 chez les Québécois, soit un Canadien sur quatre par rapport à un Québécois sur trois.

Enfin, nous avons évalué l’attitude des Canadiens à l’égard de la double citoyenneté, qui consiste à détenir à la fois la citoyenneté canadienne et celle d’un autre pays.

Dans l’ensemble du pays, 64,4 des répondants appuient la double citoyenneté, contre 31,9 p. 100 qui s’y opposent. Au Québec, l’appui à la double citoyenneté chute à 53,7 p. 100 et le rejet grimpe à 44,1 p. 100. Les Québécois sont donc nettement plus susceptibles de s’opposer à la double citoyenneté que le reste des Canadiens.

En somme, voici ce que disent les Canadiens à Ottawa : faites preuve de stratégie et de compassion, mais assurez-vous surtout de favoriser le développement national.

Cependant, à mesure que l’incertitude des Canadiens grandira face à la solidité à long terme de l’économie, notre politique d’immigration pourrait devenir une opportunité clé pour les décideurs soucieux de transmettre une vision économique et culturelle d’avenir.

C’est pourquoi de nombreux Canadiens surveilleront de près la réforme de l’immigration entamée par le gouvernement Harper.

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