Au cours des derniers mois, le régime d’assurance emploi (ape.) du Canada a souvent fait les manchettes des journaux, que ce soit à propos des contestations juridiques de centrales syndicales du Québec, qui soutiennent que le gouvernement fédéral s’est illégalement emparé des surplus de la Caisse pour financer la formation professionnelle, ou des pressions exercées par divers groupes à travers le pays pour que les règles d’admissibilité aux prestations soient modifiées lorsque des situations de crise surviennent et que plusieurs personnes se retrouvent sans emploi. De telles demandes se sont manifestées durant la crise des pêches dans l’est du pays, celle qui a secoué Air Canada et même celle reliée à l’épidémie de syndrome respiratoire aigu sévère. Dans ce dernier cas, le gouvernement a d’ailleurs accepté de modifier le Règlement sur l’assurance emploi en annulant le délai de carence de deux semaines et en supprimant l’obligation de fournir un certificat médical, permettant ainsi aux travailleuses et travailleurs qui étaient mis en quarantaine de bénéficier immédiatement de prestations de maladie en vertu du régime.

Ceci semble indiquer que le régime d’assurance-emploi, malgré une importante réforme en 1996, continue d’évoluer en réponse aux besoins changeants des Canadiens. Ainsi, en 2001, le gouvernement fédéral a aboli certaines des dispositions adoptées en 1996 qui visaient à réduire les prestations versées aux travailleurs ayant fréquemment recours au régime. D’autres modifications importantes ont aussi été apportées au régime, soit la bonification des prestations parentales et un assouplissement des normes d’admissibilité aux prestations de maladie, de maternité et parentales.

En février dernier, dans le cadre de son Discours sur le budget, le gouvernement annonçait en outre que le régime serait de nouveau élargi et inclurait un congé payé de six semaines pour les personnes qui doivent prodiguer des soins a un membre de leur famille gravement malade. Le budget fédéral prévoyait aussi une réduction de 12 cents du taux de cotisation à l’ape. De l’employé (et une réduction concomitante de 17 cents du taux de la cotisation de l’employeur) par 100 $ de gains assurables. Alors que l’excédent de la Caisse d’assurance-emploi s’élève maintenant a plus de 40 milliards de dollars, cette dixième baisse consécutive des taux de cotisation avait de quoi plaire aux employeurs canadiens qui sont d’avis que les charges sociales sont trop élevées comparativement aux couts réels du régime. En plus des nouveaux taux de cotisation pour 2004, le gouvernement a annoncé un nouveau régime d’établissement des taux de cotisation à l’assurance-emploi pour les budgets futurs, visant à « élaborer un mécanisme transparent et durable pour établir les taux de cotisation ». Ce mécanisme devrait faire en sorte que les revenus du régime seront mieux harmonisés aux couts.

Dans ce contexte, alors que le gouvernement continue d’élargir la protection de l’ape. À de nouveaux types de périodes d’absence du marché du travail tout en continuant de réduire les taux de cotisation, le moment semble tout indiqué pour nous interroger sur le type de régime que veulent les Canadiens. Cette question n’est pas triviale quand on sait que l’ape. Demeure un des plus importants programmes sociaux au pays. Chaque mois, elle apporte un soutien financier à des centaines de milliers de travailleurs qui sont temporairement sans emploi. En 2001-2002, plus de 11 milliards de dollars en prestations ont ainsi été versés dans le cadre du régime, dont 70 p. 100 sous forme de prestations ordinaires, associées généralement a un licenciement. Les 30 p. 100 restants ont été partagés entre les prestations de maladie, les prestations versées aux nouveaux parents, aux pécheurs en chômage et aux participants à divers programmes d’emploi et de développement des compétences.

Néanmoins, tous ceux qui se retrouvent sans emploi n’ont pas droit à des prestations. Selon l’Enquête sur la couverture de la population par l’assurance emploi, près de 48 p. 100 des chômeurs n’étaient pas admissibles aux prestations ordinaires d’assurance-emploi en 2001, soit parce qu’ils étaient en chômage depuis plus de 12 mois (60 p. 100 d’entre eux), parce qu’ils avaient quitté leur emploi pour des motifs jugés non valables aux fins de l’assurance-emploi (30 p. 100), ou parce qu’ils effectuaient un travail non assurable par l’ape., tel qu’un travail indépendant (10 p. 100). Parmi les chômeurs qui étaient potentiellement admissibles, plus de 80 p. 100 avaient accumulé suffisamment d’heures de travail rémunéré pour toucher des prestations.

Cinq grands principes régissent l’admissibilité aux prestations ordinaires et permettent de déterminer si un chômeur recevra de l’ape. et, s’il est admissible, quel sera le montant de prestations auquel il aura droit. Nous les examinerons à tour de rôle avant de nous pencher sur les orientations futures possibles du régime et de proposer des améliorations en fonction des résultats de recherches récentes sur ce sujet.

La participation au marché du travail demeure l’assise des règles d’assurance emploi ”” L’admissibilité aux prestations ordinaires ainsi que le niveau des prestations versées dépendent essentiellement de l’expérience professionnelle des chômeurs. Le régime indemnise les chômeurs en fonction de la mesure dans laquelle ils ont travaillé par le passé, calculée en heures et en semaines de travail, et ce, sur une période pouvant aller jusqu’à deux ans. Pour être jugé admissible aux prestations ordinaires d’ape., une personne doit avoir travaillé un nombre minimal d’heures pendant la période de rérence de 52 semaines précédant la date à laquelle elle s’est retrouvée en chômage. (Les prestataires qui ont établi une demande pendant cette période doivent avoir travaillé un nombre minimal d’heures depuis la date de début de la demande précédente afin d’être de nouveau admissibles aux prestations d’ape.)

Précisons d’abord que toutes les personnes qui ont travaillé au moins 910 heures (ou six mois a raison de 35 heures par semaine) au cours de l’année qui précédé la date à laquelle elles ont perdu leur emploi peuvent être admissibles aux prestations ordinaires, peu importe où elles habitent. Les personnes qui ont travaillé moins de 910 heures mais qui satisfont néanmoins aux normes minimales d’admissibilité applicable dans leur région doivent, en plus, prouver qu’elles ont participé au marché du travail de façon significative au cours des deux dernières années. Ces travailleurs doivent avoir participé au marché du travail pendant au moins 490 heures au cours de l’année précédant la période de référence de 52 semaines (il peut s’agir de combinaisons de périodes d’emploi et de prestations d’ape.). Cette réglé fait en sorte que tous les nouveaux arrivants sur le marché du travail et ceux qui ont récemment connu une période pendant laquelle ils n’ont maintenu qu’un lien ténu avec le marché du travail (les « réentrants ») doivent avoir travaillé au moins 910 heures, au cours de la dernière année avant de pouvoir être éligibles à recevoir des prestations. Les parents qui ont quitté le marché du travail pour s’occuper de leurs enfants et tous les travailleurs qui ne sont pas des nouveaux arrivants ou réentrants sur le marché du travail ne sont pas assujettis à cette condition plus stricte de 910 heures.

Les normes d’admissibilité flexibles sont représentatives des débouchés d’emploi dans chaque région ”” Les règles tentent de s’adapter aux fluctuations de la demande sur le marché du travail. Le régime est doté de normes d’admissibilité flexibles de sorte que le nombre minimal d’heures requises pour être admissibles aux prestations varie en fonction du taux de chômage dans la région de résidence du chômeur. Comme l’indique le tableau 1, cette norme minimale s’étale de 420 à 700 heures ; plus le taux de chômage régional est élevé, moins le nombre d’heures requises pour être admissibles aux prestations est élevé. (Aux fins d’illustration, nous présentons également les normes d’admissibilité selon le nombre de semaines de travail, en supposant une semaine de travail de 35 heures). En outre, le nombre minimal de semaines d’admissibilité aux prestations varie de 14 semaines dans les régions ou la situation du marché du travail est bonne et ou le chômage est faible, à 32 semaines dans les régions ou le taux de chômage est le plus élevé. Le nombre maximal de semaines d’admissibilité varie également selon la région, allant de 36 à 45 semaines.

Le montant des prestations versées à un prestataire dépend surtout de son revenu personnel ”” Le régime actuel est souvent décrit comme un système fondé sur les heures de travail. En effet, c’est le nombre d’heures de travail au cours des 12 derniers mois qui détermine si la personne est admissible a l’ape. et pendant combien de temps. Mais la s’arrête le système fondé sur les heures. Ce sont le nombre de semaines de travail et le revenu gagné au cours des six derniers mois qui déterminent les prestations hebdomadaires auxquelles le chômeur a droit, puisque ce montant dépend de la rémunération hebdomadaire moyenne de ce dernier. Pour calculer la rémunération hebdomadaire moyenne aux fins de l’ape., les revenus de travail gagnés au cours des 26 semaines précédant le chômage sont divisés par le nombre de semaines de travail pendant cette période. Le montant des prestations hebdomadaires versées est égal à 55 p.100 de cette rémunération hebdomadaire moyenne. Puisque le régime assure le revenu de travail jusqu’à un maximum de 39 000 $ par année (ou 750 $ par semaine), les prestations hebdomadaires ne peuvent dépasser 413 $ par semaine.

Il y a en fait deux variantes à la façon dont est calculée la rémunération hebdomadaire moyenne. La première variante a trait à la disposition relative aux petites semaines de travail, en vertu de laquelle les semaines de travail générant des gains de moins de 150 $ sont exclues du calcul de la rémunération hebdomadaire moyenne d’un prestataire. Cette disposition vise à encourager les travailleurs à accepter tout emploi disponible au cours de leur période d’admissibilité sans que cela ne réduise indument le montant de leurs prestations hebdomadaires futures. Deuxièmement, une fois les petites semaines exclues, les revenus touchés au cours des six mois précédant le chômage sont divisés soit par le nombre de semaines réelles de travail au cours de cette période, soit par le nombre de semaines obtenues selon la règle du dénominateur applicable à la région, en prenant le nombre le plus élevé des deux. En vertu de cette règle (illustrée au tableau 1), les prestataires sont encouragés à travailler plus longtemps puisqu’ils maximisent leurs prestations hebdomadaires ”” ou évitent une pénalité ”” s’ils travaillent deux semaines de plus que la norme d’admissibilité minimale applicable à leur région de résidence. Pour les prestataires qui travaillent un nombre de semaines inférieur au dénominateur, cette disposition réduit la rémunération hebdomadaire moyenne utilisée dans le calcul de leurs prestations, et entraine donc des prestations hebdomadaires moins élevées. Selon le dernier Rapport de contrôle et d’évaluation de l’ape. Publié par Développement des ressources humaines Canada (DRHC), le pourcentage de bénéficiaires dont les prestations ont été réduites en raison de la règle du dénominateur n’était que de 3 p. 100 en 2001-2002.

Les revenus des prestataires jouent également un rôle dans la façon dont les revenus de l’ape. Et d’autres sources peuvent être combinés. En vertu de la disposition relative au remboursement des prestations, lorsque le revenu net d’un prestataire (Cai€-d. la somme de tous ses revenus potentiellement assujettis à l’impôt, moins les déductions telles que les cotisations syndicales, les cotisations à un REEÌR ou les frais de garde d’enfants) dépasse 48 750 $ dans une année donnée, le prestataire doit rembourser, soit 30 p. 100 du montant des prestations ordinaires reçues au cours de cette année, soit tout montant de son revenu net excédant 48 750 $, selon le montant le plus faible des deux. Le montant de prestations est également fonction des revenus de travail en vertu de la disposition sur les rémunérations admissibles, selon laquelle les personnes peuvent gagner des revenus de travail équivalant à un maximum de 25 p. 100 de leurs prestations hebdomadaires pendant une période de prestations (ou 50 $ par semaine, le montant le plus élevé des deux) sans que leurs prestations ne soient réduites. Tout revenu supplémentaire gagné au-dessus de ce seuil est totalement récupéré sous forme de réduction des prestations. Si les revenus de travail excédent 125 p. 100 des prestations hebdomadaires touchées, les prestataires ne touchent aucune prestation pendant la semaine en question, mais le plein montant des prestations hebdomadaires peut être différé et touché à la fin de la période d’admissibilité.

Les circonstances financières du ménage du prestataire ne sont reconnues que de façon limitée ”” Les règles d’admissibilité a l’ape. Tiennent compte des circonstances financières du ménage par l’intermédiaire de la disposition du supplément familial, en vertu de laquelle des prestations complémentaires sont offertes aux prestataires faisant partie d’une famille à faible revenu ayant des enfants à charge. Les prestataires ont droit à ce supplément s’ils ont au moins un enfant à charge et si le revenu net total du ménage est de 25 921 $ ou moins. Le supplément fait passer le taux de remplacement du revenu de 55 p. 100 jusqu’à un maximum de 80 p. 100, tout en maintenant les prestations hebdomadaires maximales a 413 $.

Les recours antérieurs au régime n’ont essentiellement pas d’impact sur les prestations ”” Depuis que les dispositions relatives au recours fréquent ont l’ape. Ont été abolies en 2001 (avec un effet rétroactif en 2000), la mesure dans laquelle un chômeur a eu recours à l’ape. dans le passé n’affecte plus le montant de prestations auquel il est éligible. La seule exception est que les personnes qui ont touché moins d’une semaine de prestations ordinaires au cours des 10 dernières années sont maintenant exemptes de la disposition de remboursement des prestations.

Mémé si les principes fondamentaux des règles de l’ape. Sont suffisamment simples pour être expliqués en moins de 1 500 mots ”” et la simplicité est certainement une vertu en ce qui a trait aux programmes sociaux ”” la complexité de certaines dispositions de l’ape. peut laisser perplexes bien des profanes. Des recherches récentes tendent d’ailleurs à montrer que la complexification du régime pour tenir compte de la diversité des circonstances individuelles des chômeurs a fait en sorte que ceux qui utilisent l’ape. le plus fréquemment sont aussi ceux qui savent le mieux tirer profit de ses diverses dispositions.

Les différences marquées dans la façon dont les prestataires fréquents, les prestataires occasionnels et ceux qui effectuent une première demande se prévalent de l’une des dispositions les plus complexes du régime, soit la disposition sur les rémunérations admissibles, attestent de cette réalité. Cette disposition vise à encourager les bénéficiaires à accepter des possibilités d’emploi temporaires tout en recevant des prestations Ainsi, ils peuvent gagner un certain montant d’argent (25 p. 100 de leurs prestations hebdomadaires ou 50 $) sans que leurs prestations ne soient diminuées. Les gains supplémentaires dépassant ce seuil sont toutefois récupérés à un taux de 100 p. 100. Par conséquent, les prestataires dont les revenus au cours d’une semaine excédent 125 p. 100 de leurs prestations ne touchent aucun montant au cours de cette semaine-lai€, mais peuvent recevoir le plein montant de leurs prestations à la fin de leur période d’admissibilité, prolongeant ainsi la durée de leur admissibilité aux prestations.

En incitant au travail surtout les prestataires qui peuvent trouver un emploi à temps plein, la disposition sur les rémunérations admissibles comporte des faiblesses, comme l’a laissé entendre le gouvernement dans son Rapport de contrôle et d’évaluation de l’ape. DRHC signale en effet que les prestataires qui ont eu plus souvent recours à l’ape. Sont moins enclins à accepter du travail pendant une période de prestations, à moins qu’ils ne puissent éviter que leurs prestations ne soient réduites, soit en travaillant une semaine à temps plein de sorte que leurs prestations soient réduites à zéro mais que le montant total puisse être perçu plus tard, soit en ne gagnant pas plus que la rémunération maximale admissible.

En 1999-2000, les prestataires fréquents ont vu leurs prestations réduites pour seulement 18 p. 100 des semaines pendant lesquelles ils ont travaillé et touché des prestations, comparativement à 31 p. 100 pour les prestataires occasionnels et a 41 p. 100 pour les nouveaux prestataires. Ces chiffres laissent entrevoir que les prestataires fréquents comprennent mieux les répercussions du travail effectué en cours de prestations et ont, par conséquent, plus tendance à prendre cette disposition en considération lorsqu’ils cherchent un emploi.

Une façon d’améliorer l’efficacité de la disposition sur les rémunérations admissibles et ainsi aider les chômeurs à réintégrer le marché du travail consisterait à leur permettre de différer tout montant de prestation hebdomadaire non perçue après la fin de leur période d’admissibilité. Cette possibilité permettrait à tous les prestataires qui trouvent un emploi temporaire (et souvent à temps partiel) de bénéficier des mêmes avantages que ceux dont bénéficient les prestataires qui gagnent suffisamment pendant une semaine (Cai€-d. plus de 125 p. 100 de leurs prestations hebdomadaires d’ape.). Une autre possibilité serait d’accroitre le seuil d’exemption des revenus qu’il est permis de gagner pendant une période de prestations sans que celles-ci ne soient diminuées. Cette modification permettrait aux prestataires de toucher un revenu plus élevé pendant une semaine donnée, combinant revenu provenant du travail et prestations d’ape.

Les résultats d’une étude menée par David Gray et Shawn de Raf (publiée par la SRSA en novembre 2002), dans laquelle ils analysent les répercussions du travail sur le comportement des prestataires d’ape., fournissent un support empirique a l’idée d’une révision des règles de la disposition sur les rémunérations admissibles. Selon leurs travaux, cette disposition aurait un effet mixte sur la dépendance des prestataires a l’ape. : tandis que, pour plusieurs, la disposition semble contribuer à ce qu’ils reçoivent des prestations pendant un moins grand nombre de semaines consécutives, le travail en cours de prestations à tendance à être associé à une plus grande dépendance à long terme à l’égard du régime. Les bénéficiaires qui ont travaillé en cours de prestations au moins une fois pendant la période de 1992 à 1996 ont présenté près de deux fois plus de demandes, ont reçu deux fois plus de semaines de prestations et ont reçu des montants de prestations deux fois plus élevés comparativement aux prestataires qui n’ont pas travaillé pendant qu’ils recevaient de l’ape. Au cours de la même période. Selon les estimations des auteurs, les prestataires qui ont travaillé plus de 20 semaines au cours de leur période de prestations en 1996 seraient 25 p. 100 plus enclins à présenter une nouvelle demande au cours des deux années suivantes que les prestataires qui n’ont pas travaillé en cours de prestations. Leur analyse laisse entendre que cette disposition ne conduit pas nécessairement les prestataires fréquents à acquérir des compétences et expériences de travail qui mènent à un emploi régulier et a l’année. En vertu des règles actuelles, l’incitation à travailler en cours de prestations semble plutôt les encourager à continuer à accepter un emploi instable et non conventionnel, et à combiner des périodes de travail à de courtes périodes intermittentes de prestations Cette étude suggéré que, bien que la disposition sur les rémunérations admissibles demeure un instrument important d’incitation au travail pour les prestataires en ce sens qu’un très grand nombre de prestataires maintiennent un lien avec le marché du travail, des modifications pourraient être envisagées pour reconnaitre que d’autres incitatifs sont peut-être nécessaires afin d’améliorer les situations d’emploi à long terme des prestataires.

L’introduction de dispositions conçues pour influencer les décisions des entreprises est une autre modification possible au régime qui viendrait combler ce que plusieurs appellent un vide dans le régime Si, par ses règles d’admissibilité, le régime reflété la demande relative de main d’œuvre dans différentes régions du pays, les règles du régime peuvent elles-mêmes jouer un rôle dans les marchés du travail locaux, dans la mesure ou les travailleurs et les entreprises modifient leur comportement en fonction de celles-ci. Plusieurs études empiriques ont démontré que les paramètres du régime influencent non seulement le comportement des travailleurs, mais aussi celui des entreprises qui les engagent, particulièrement les entreprises qui adaptent leurs stratégies en ressources humaines aux paramètres de l’ape. Les résultats de l’Enquête auprès des réitérant de l’assurance-emploi (ERAE) avancent des preuves à l’appui de l’hypothèse dite des « contrats implicites » pour expliquer les habitudes de travail et de chômage. Dans le rapport intitulé Le recours fréquent a l’assurance-emploi au Canada (publié par la SRSA en 2001), les analyses fondées sur les données de l’Enquête révèlent que plusieurs travailleurs qui ont fréquemment fait appel à l’assurance-emploi entretiennent des relations de travail stables et à long terme avec des employeurs particuliers ou des professions particulières. L’Enquête indique que presque tous les prestataires fréquents (i.e. qui ont perçu des prestations au cours d’au moins trois années de 1992 à 1996) ayant touché des prestations en 1996 ont travaillé au cours de l’année suivante, et que parmi ceux qui se sont retrouvés à nouveau au chômage en 1997, 60 p. 100 prévoyaient reprendre le même emploi. En comparaison, seulement 25 p. 100 des prestataires occasionnels étaient dans cette situation en 1997. Pendant la dernière décennie, de nombreux économistes ont défendu l’idée que l’absence d’un lien entre les taux de cotisation a l’a. Et les pratiques de licenciement des entreprises ”” ou l’absence de ce qu’on désigne en anglais comme étant l’ « expérience rating » ”” était responsable d’une part importante du chômage de courte durée.

Quoique la stratégie des contrats implicites semble concentrée dans des secteurs particuliers (p. ex. agriculture, péché, industrie forestière et construction), elle n’est pas nécessairement adoptée par toutes les entreprises au sein d’un secteur donné. De nouvelles recherches menées par Miles Cora et Wen-Ha Chen de Statistique Canada démontrent notamment qu’au cours de la période allant de 1986 à 1996, bien que l’industrie agricole en général fut une bénéficiaire nette de l’a., jusqu’à un tiers des entreprises de ce secteur n’ont jamais été des bénéficiaires nettes du régime de l’a. au cours de cette période. Leurs recherches indiquent également que les pratiques qui sont propres à l’entreprise sont deux fois plus importantes que des facteurs tels que le secteur d’activité ou l’emplacement géographique pour déterminer si une entreprise est une bénéficiaire nette ou une cotisante nette au régime. Ces écarts dans les pratiques témoignent de la nécessité d’effectuer davantage de recherches sur cette question, particulièrement au sujet des types d’entreprises qui contribuent le plus à ce que leurs travailleurs aient fréquemment recours à l’ape. Une façon d’en apprendre davantage sur le sujet serait de mettre à l’essai des incitations financières qui viseraient à promouvoir les pratiques en matière de ressources humaines qui améliorent l’éventail des possibilités d’emploi pour ceux qui n’occupent pas un emploi à l’année. Cette aide aux employeurs pourrait être sous forme de cotisations réduites à l’ape. Et mettrait l’accent sur la nature gratifiante (et non punitive) d’un régime a « cotisations personnalisées » pour l’employeur.

Des changements à la façon dont les prestations sont fixées ou la mise sur pied d’un régime a « cotisations personnalisées » pour l’employeur ne sont toutefois pas à l’ordre du jour du gouvernement. C’est plutôt la réconciliation travail-famille, grâce a des modifications accordant des prestations aux Canadiens qui doivent quitter leur travail en raison de leurs responsabilités familiales, qui semble prioritaire par les temps qui courent. Dans son budget de février, le gouvernement a honoré l’engagement qu’il avait pris dans le discours du Trône, soit de modifier les « programmes existants pour permettre aux Canadiens de s’occuper d’un enfant, d’un parent ou d’un conjoint gravement malade ou mourant, sans mettre en péril leurs emplois ou leurs revenus. » Cet élargissement des dispositions sur les prestations spéciales s’inscrit bien dans la direction récemment prise pour bonifier les congés de maternité et parentaux.

Tandis que les critères de demande de prestations ordinaires continuent d’être fondés sur la perte d’un emploi pour des raisons involontaires, les prestations spéciales proposent de plus en plus une aide financière aux travailleurs qui s’absentent de leur emploi pour des raisons souvent volontaires et même planifiées. Ces réformes reflètent un nouveau genre d’entente contractuelle entre le gouvernement et les travailleurs assurés. Plutôt que de se limiter à offrir une aide financière aux Canadiens qui perdent leur emploi ”” entente selon laquelle la plupart des travailleurs cotisent a un régime dont ils n’auront probablement jamais besoin ”” le programme indemnise aussi maintenant une absence temporaire du marché du travail due à des responsabilités familiales, tant et aussi longtemps que le travailleur s’engage à retourner au travail après avoir reçu des prestations Grace à ce nouveau « contrat », le régime fait davantage partie intégrante des décisions de vie des individus, et représente un régime auquel ils pourraient avoir recours au moins une, sinon plusieurs fois, au cours de leur vie professionnelle. L’élargissement du régime a d’autres types d’absences du marché du travail pourrait manifester un virage philosophique majeur, virage qui motivera les réformes futures. Il incombera en bout de ligne aux Canadiens de décider s’il s’agit ou non du régime qui leur convient.

 

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