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Le Canada a l’un des taux de mobilité sociale les plus élevés au monde. En partie grâce à notre robuste système d’éducation publique et à nos établissements d’enseignement postsecondaire, les jeunes Canadiens ont plus de possibilités de progresser dans le monde du travail que ceux de nombreux autres pays. Cependant, les jeunes Canadiens (âgés de 15 à 29 ans) peinent encore à trouver et à conserver un emploi. Le taux de chômage chez les jeunes est le double du taux de chômage global (13,6 % contre 6,5 %).

Des recherches approfondies montrent que les jeunes Noirs et Autochtones sont désavantagés à plusieurs niveaux. Les facteurs socio-économiques, le contexte familial, les expériences de traumatisme et de discrimination systémique, qui sont enracinés dans les institutions et les processus éducatifs, et le manque constant des soutiens social, scolaire et professionnel nécessaires, sont quelques-uns des obstacles créés par les préjugés.

Combler le déficit de compétences chez les Autochtones du Canada, un tremplin économique

Bien que les diplômés de l’enseignement postsecondaire s’en sortent mieux que les autres, l’éducation n’offre pas pour autant un terrain de jeu équitable pour une jeunesse diversifiée. Par exemple, les diplômés universitaires souffrant de handicaps graves ont des taux d’emploi plus faibles que les jeunes n’ayant pas de handicap, mais qui ont abandonné leurs études secondaires. Les inégalités entre les sexes persistent également. Par exemple, une analyse du recensement de 2016 effectuée par la Société des ingénieurs de l’Ontario a révélé qu’une ingénieure sur trois est moins bien payée que ses homologues masculins.

Les programmes novateurs de certaines universités qui ont fixé des objectifs, créé des programmes de sensibilisation intentionnels et adapté les programmes pour qu’ils soient plus attrayants pour les femmes sont prometteurs pour éliminer ces obstacles, mais la représentation des femmes dans les programmes de génie, par exemple, varie encore énormément, de 15 % dans certains établissements à 30 % dans d’autres. Dans l’ensemble, la proportion a à peine bougé depuis trente ans.

La COVID a été plus dure pour les jeunes

Une enquête récente menée par l’Environics Institute, le Diversity Institute et le Centre des compétences futures confirme que les effets de la pandémie ont été ressentis de manière plus aiguë et plus persistante chez les 18 à 34 ans. Une plus grande insécurité chez les jeunes travailleurs a aussi été mesurée par une plus grande probabilité qu’ils perdent leur emploi, voient leurs heures de travail réduites ou leurs revenus diminuer.

Et bien que les derniers mois aient été marqués par une certaine reprise, de nombreux grands grands employeurs ont réduit considérablement le nombre de postes de premier niveau, externalisé leurs activités vers des fournisseurs de plates-formes et de services, et développé des solutions technologiques pour réduire ces postes, par exemple dans le domaine des ventes et du marketing.

Les projets éducatifs ont également été perturbés. Parmi les personnes âgées de 18 à 20 ans, un quart ont arrêté ou reporté leurs études postsecondaires en raison de la COVID-19. Parmi les étudiants de niveau postsecondaire, ceux qui s’identifient comme Autochtones, handicapés ou Noirs étaient beaucoup plus susceptibles d’avoir arrêté ou reporté leurs études en raison de la pandémie.

Une perturbation de l’enseignement de la maternelle jusqu’à la fin du secondaire a aussi touché des jeunes déjà marginalisés. Les répercussions se feront sentir pendant des décennies. L’apprentissage a basculé en ligne à plusieurs reprises pendant la pandémie, et 39 % des familles racisées ont déclaré que leurs enfants faisaient leurs devoirs sur des téléphones intelligents.

Le coût de l’accès à internet et celui des appareils, de même que les compétences numériques nécessaires pour réussir dans un environnement d’apprentissage en ligne représentent des enjeux importants. Le problème est plus marqué dans certaines communautés autochtones qui n’ont pas accès aux infrastructures de base, dont internet. Tous les niveaux de gouvernements investissent dans la connectivité à large bande dans les communautés rurales et nordiques, mais les politiques et les investissements doivent également concerner les zones urbaines où vivent des populations à faibles revenus et racisées.

Leçons à tirer de la COVID sur les obstacles à l’enseignement en ligne

Si, historiquement, les diplômés de l’enseignement postsecondaire s’en sortent mieux que les autres en ce qui a trait à l’emploi, la pandémie a inversé les pôles. Les personnes plus éduquées sont confrontées à de plus mauvaises perspectives, du moins dans le court terme, car les employeurs ont suspendu leur recrutement pour les postes de débutants. Ceux qui ont la chance de trouver un emploi n’ont pas le soutien dont ils auraient normalement bénéficié en termes d’encadrement et de mentorat, et sont vulnérables au principe du dernier arrivé, premier parti, en termes de licenciements et de pratiques d’emploi.

Des parcours innovants vers l’emploi

Des programmes de soutien novateurs atténuent les pires effets économiques de la COVID. Le soutien et le tutorat individualisés peuvent être l’une des interventions les plus importantes pour compenser la perte d’apprentissage pour les élèves du primaire et du secondaire, et en particulier ceux qui font face à des obstacles.

Bien qu’ils ne soient pas accessibles à tous, le tutorat et le mentorat gratuits en ligne dans des programmes tels que Study Buddy du Diversity Institute ont donné des résultats significatifs pour les familles noires. D’autres programmes, tels que le programme SummerUp du Lifelong Leadership Institute, aident à maintenir la motivation des jeunes Noirs les plus performants.

Alors que les centres de services scolaires s’efforcent de s’adapter, ils disposent de peu de ressources pour fournir le soutien ciblé dont de nombreux élèves ont besoin. D’autres pays ont mis en œuvre des stratégies nationales, mais au Canada, ce sont les conseils et centres de service scolaires, les organismes communautaires et les établissements postsecondaires qui ont fait le gros du travail. Les recherches du Diversity Institute montrent que des investissements urgents sont nécessaires en amont pour aider les élèves à terminer leurs études secondaires et à avoir une chance d’accéder aux études supérieures.

Les étudiants du postsecondaire ont également dû faire face à des interruptions et à des obstacles pour terminer leurs études, même si les établissements se sont démenés pour mettre en place du soutien additionnel tout en se tournant vers l’apprentissage en ligne. Les programmes d’apprentissage intégré au travail destinés aux étudiants de niveau postsecondaire ont offert des possibilités en ligne et contribué à faire en sorte que les jeunes puissent mettre un pied dans la porte d’un nouvel emploi.

L’un des plus importants – le Programme de stages pratiques pour étudiants (PSPPE) – a permis à des milliers d’étudiants d’effectuer des stages pendant la pandémie de COVID dans divers secteurs allant de la technologie au tourisme, en passant par l’agriculture, le camionnage biotechnologique et plus encore. En plus de soutenir les étudiants, la subvention salariale accordée aux employeurs peut se traduire par un plus grand nombre de postes disponibles, et des emplois à plus long terme ou permanents pour les jeunes.

Le potentiel avant les notes

D’autres programmes s’adressent à un plus large éventail de jeunes en proposant des aides telles que le mentorat et le coaching, le développement des compétences de vie, le développement personnel et l’orientation professionnelle. Ces programmes mettent l’accent sur le potentiel plutôt que sur les résultats scolaires antérieurs.

Par exemple, NPower Canada a placé plus de 90 % des jeunes majoritairement racisés de son programme dans des emplois de premier échelon à forte demande dans le domaine des technologies de l’information et des communications (TIC). De même, Cybersecure Catalyst a mis au point une formation ciblée pour les jeunes femmes racisées afin de les aider à accéder à des postes à forte demande en cybersécurité.

Garantir des possibilités d’emploi inclusives pour les jeunes ne se limite pas aux annonces d’emploi, et il est clair que les règles du jeu ne sont pas les mêmes pour tous. Si les jeunes dont les parents disposent d’un vaste réseau professionnel peuvent également être confrontés à des difficultés, ils ont néanmoins une longueur d’avance sur ceux qui n’ont pas ces privilèges. Le déterminant le plus important de l’accès et de la réussite aux études postsecondaires est l’éducation des parents, car elle représente la feuille de route du capital social.

Bien comprendre pour bien guider

L’orientation professionnelle, le mentorat et le parrainage des jeunes marginalisés qui reconnaissent leurs expériences sont d’une nécessité cruciale. Cependant, la recherche suggère que les programmes d’orientation professionnelle dans les écoles secondaires renforcent souvent les stéréotypes et les préjugés et qu’ils encouragent un phénomène de « canalisation » selon leurs origines, et non leur potentiel. Il est évidemment important de disposer d’informations actuelles et accessibles sur le marché du travail pour prendre des décisions éclairées, mais il est encore plus important de comprendre le cheminement de carrière – surtout pour les jeunes marginalisés – ainsi que les facteurs principaux qui influencent les connaissances, les attitudes et les décisions relatives aux carrières. Trop de programmes sont conçus sans tenir compte des obstacles auxquels sont confrontés les jeunes qui ont le plus besoin d’expérience et de soutien.

On a obtenu des résultats prometteurs grâce à de nouveaux partenariats public-privé avec des employeurs, conçus pour aider les jeunes demandeurs d’emploi à trouver des débouchés – par exemple, la plate-forme en ligne Magnet, qui met en relation un million d’étudiants aux études supérieures avec des possibilités d’apprentissage intégré au travail. Si les employeurs sont souvent en relation avec les établissements d’enseignement postsecondaire, l’engagement doit intervenir plus tôt, parce que les aspirations, les décisions et les expériences professionnelles qui façonnent la carrière débutent souvent beaucoup plus tôt.

Une stratégie inclusive de reprise après une pandémie devrait inclure un meilleur soutien professionnel pour les jeunes confrontés à des obstacles. Il est essentiel d’adopter des approches ciblées pour concevoir l’éducation et la formation, associées à des mesures d’accompagnement qui reconnaissent l’importance du renforcement de la confiance et d’une bonne santé mentale.

Il est crucial de soutenir les jeunes au moyen de programmes, d’investissements et de politiques qui compensent réellement le temps d’apprentissage et les expériences professionnelles perdus. Le temps est venu pour les établissements d’enseignement, les gouvernements et les employeurs de s’unir pour soutenir les jeunes – en particulier ceux qui sont désavantagés – afin d’assurer la réussite de notre future main-d’œuvre et la reprise de notre économie.

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Mohamed Elmi
Mohamed Elmi is the director of research at the Diversity Institute at Ryerson University. He holds a PhD in commerce (information systems). Twitter @RyersonDI
Fiona Deller
Fiona Deller is chief operating officer of the Future Skills Centre and a specialist in education policy and initiatives, including student equity initiatives and skills development. Find her on LinkedIn and Twitter @fsc_ccf_en

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