(Cet article a été traduit de l’anglais.)

Les employeurs reconnaissent qu’il est logique d’investir dans la formation de la main-d’œuvre pour combler les lacunes en matière de compétences. Travailleurs et employeurs s’entendent sur l’utilité de formations courtes et pertinentes, et soutenues par un label de qualité fiable. Et la présence croissante des emplois atypiques et à court terme, qui exigent d’acquérir de nouvelles compétences ou d’en faire la preuve, rend la chose d’autant plus nécessaire.

Une solution commode s’appelle la « microcertification ». Il s’agit d’un acte de reconnaissance officiel accordé à une personne ayant acquis une compétence selon un découpage très fin des aptitudes. La plupart des gouvernements, des employeurs, des établissements d’enseignement et de formation et ceux qui les fréquentent s’y intéressent. Et ils investissent dans cette nouvelle façon de mobiliser les travailleurs pour qu’ils acquièrent et valident des compétences qui épousent les besoins changeants du marché du travail grâce à une formation réactive, opportune et pertinente.

Ces dernières années, plusieurs provinces ont dépensé des sommes importantes dans ce nouveau champ de formation (au moins 75 millions de dollars depuis 2020). Plusieurs regroupements d’employeurs, tels le Conseil des affaires de l’Alberta et le Conseil des Compétences futures, ont également formulé des recommandations visant à en faire davantage.

La popularité croissante des microcertifications – on peut presque parler d’explosion – soulève d’importantes questions de politique publique. Quelle place prendront-elles et quel rôle joueront-elles dans les systèmes d’éducation et de formation au Canada ? La microcertification remplira-t-elle ses promesses ?

Si l’on ne répond pas adéquatement à ces questions, les Canadiens pourraient rater une belle occasion d’innover dans la façon de dispenser la formation à ceux qui en ont le plus besoin.

Comment les microcertifications peuvent-elles rencontrer les besoins du marché du travail?

Les titres « traditionnels » de compétences, tels que les diplômes ou les certificats, fournissent aux employeurs une description quant au type de compétences de l’employé (ou du candidat). Les microcertifications doivent également être vues comme une façon pour les employeurs de refléter les compétences d’un employé actuel ou futur.

L’implication des employeurs est essentielle pour que les microcertifications soient comprises et valorisées sur le marché du travail. Actuellement, eCampus Ontario et l’Institut de la diversité de l’Université Ryerson insistent pour que les employeurs, les apprenants et les formateurs collaborent afin de favoriser la valeur de ces formations et la confiance qu’on leur accorde.

Le Centre des compétences futures (CCF) investit dans des initiatives qui adoptent cette approche. Le Collège Bow Valley à Calgary, par exemple, a développé une plateforme intégrée qui permet d’évaluer les compétences d’une personne, de la diriger vers la formation appropriée, de certifier que cette compétence est acquise et de la mettre en contact avec des employeurs. Le CCF travaille avec d’autres partenaires pour examiner d’autres approches permettant d’accélérer le développement des compétences dans divers secteurs économiques.

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Le secteur de l’aviation, durement touché par la COVID-19, cherche des moyens efficaces de recycler son personnel afin que les travailleurs puissent aisément changer de tâche ou de métier dans l’industrie. Le Conseil canadien de l’aviation et de l’aérospatiale expérimente un modèle de microcertification qui pourrait être utile aux employeurs (particulièrement ceux qui subissent des processus de restructuration similaires) afin de cultiver une main-d’œuvre agile, résiliente et polyvalente adaptée à l’économie post-pandémique.

Dans la même veine, le bureau du développement économique de Calgary a réuni quatre établissements postsecondaires locaux au sein du programme Edge Up. Le but est de faciliter la transition des professionnels en milieu de carrière du secteur pétrolier et gazier vers le secteur technologique en pleine croissance de Calgary.

Les gouvernements doivent être conscients que cette prolifération de microcertifications doit s’inscrire dans une stratégie d’ensemble afin d’éviter de trop fragmenter les options de formation. Ils ont aussi eux-mêmes un rôle à jouer en tant qu’employeurs, puisqu’ils emploient plus d’un travailleur canadien sur cinq. Leur degré de reconnaissance contribuera à façonner cette activité.

Recommandations

  • Pour que les microcertifications atteignent leurs objectifs, les politiques publiques et le financement doivent mettre en lien l’évolution du secteur de l’éducation avec l’implication des employeurs.
  • Tous les gouvernements devraient réfléchir à la manière dont ils tiendront compte de la microcertification en tant qu’employeurs.

Qui veut profiter des microcertifications ?

L’enthousiasme suscité par les microcertifications s’explique de plusieurs manières. Elles prennent moins de temps, coûtent moins cher et peuvent être données en présence ou en ligne. Et si davantage de gens issus de tous les milieux en profitent, les microcertifications pourraient même corriger les inégalités quant aux compétences et au niveau d’éducation.

Le Canada affiche des niveaux élevés de diplomation postsecondaire et de formation professionnelle, mais tous n’y ont pas accès – notamment les personnes dont les parents n’ont pas étudié à ce niveau, mais aussi les Autochtones, la population noire et les personnes handicapées. Les travailleurs en haut de l’échelle salariale, les jeunes et les syndiqués sont davantage susceptibles d’avoir reçu des formations au travail.

Une étude à paraître, réalisée par des chercheurs de l’Université Saint Mary’s en Nouvelle-Écosse, révèle qu’il reste bien du chemin à parcourir quant à l’accès des personnes sous-représentées. Et qu’il faudrait davantage les impliquer dans la conception des microcertifications afin que celles-ci collent mieux aux besoins. Sur la question des coûts, l’Ontario a annoncé qu’elle modifierait les règles de son programme d’aide financière afin d’améliorer l’accès aux formations de courte durée, dont les microcertifications. L’Allocation canadienne pour la formation introduite dans le budget 2019 a été conçue en partie dans cette optique.

Recommandation

  • Des recherches sont nécessaires pour examiner si l’accès aux microcertifications est équitable et si elles produisent des résultats équitables pour tous ceux qui y prennent part.

Qui offre les microcertifications et à quelles conditions?

Les investissements des provinces ont jusqu’à présent favorisé les microcertifications dans les établissements postsecondaires publics. Ces établissements ont su créer des dizaines (voire des centaines) de nouvelles microcertifications, faisant mentir les critiques habituelles quant à leur supposée lenteur et à leur manque de réactivité face au marché de l’emploi.

Les microcertifications sont également offertes par d’autres types de fournisseurs, tels les plateformes numériques ou les établissements postsecondaires privés, entre autres. Il importe cependant d’en réguler le contenu et la façon dont elles interagissent avec les employeurs et les autres microcertifications issues des établissements publics afin de maintenir la confiance des travailleurs et des employeurs.

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Paradoxalement, une partie de l’attrait des microcertifications réside dans le fait que leurs objectifs, parfois ambigüs, puissent être interprétés de plusieurs manières. La façon dont elles peuvent s’aligner sur les objectifs généraux du marché du travail et du développement économique et se coordonner avec les certifications et qualifications existantes est loin d’être claire. On aura beau créer des microcertifications tant qu’on voudra, leur impact réel sera limité si elles ne viennent compléter aucun diplôme ou certificat existant, ou si elles ne visent qu’à permettre à ceux qui les suivent de gagner plus sans apporter de bénéfice particulier au secteur économique concerné.

Plusieurs pays, notamment la Nouvelle-Zélande et Singapour, ont élaboré des cadres bien définis à l’intérieur desquels les microcertifications doivent s’inscrire. Au Canada, l’organisme Collèges et Instituts Canada a publié un cadre national de microcertification pour ses membres, auquel ont adhéré certaines provinces. La Colombie-Britannique a élaboré le sien et la Saskatchewan s’est dotée d’un guide à cet effet. Ces développements doivent se poursuivre à mesure que le domaine évolue et se développe.

Recommandation

  • Les provinces et les territoires devraient soutenir les microcertifications tout en s’assurant qu’elles s’intègrent dans le système éducatif global du Canada, notamment à travers le Conseil des ministres de l’Éducation.
  • Les microcertifications devraient s’inscrire dans des objectifs stratégiques plus larges et s’y conformer.

Comment savoir si les microcertifications fonctionnent?

On a beaucoup épilogué sur les forces et les faiblesses des systèmes d’information sur le marché du travail au Canada. Pour savoir si les microcertifications réduisent bel et bien les pénuries de compétences et améliorent les perspectives d’embauche des apprenants, nous aurons besoin de données pertinentes.

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Malheureusement, les outils actuels de collecte d’information et d’enquête qui documentent la situation du marché de l’emploi en lien avec l’éducation et la formation n’incluent pas les microcertifications. C’est le cas du recensement, par exemple. La meilleure façon de collecter ces données consisterait peut-être à utiliser des sources administratives, qui les recueillent de façon automatisée et normalisée. Le Canada doit également continuer à mettre en place des systèmes de données qui montrent comment les systèmes éducatifs et de formation aident (ou n’aident pas) les Canadiens à faire leur chemin sur le marché du travail.

Recommandation

  • S’assurer que Statistique Canada et les autres systèmes d’information sur le marché du travail sont disposés à recueillir les données sur les microcertifications afin d’en étudier l’impact.

Les microcertifications, désormais incontournables, évoluent en fonction des demandes du marché du travail. Le défi de la coordination est bien réel, mais elles constituent également pour les décideurs politiques, les employeurs, les travailleurs, les éducateurs et les formateurs une belle occasion qui est aussi réelle. Il s’agira de s’assurer que cet outil innovant demeure utile dans un monde en mutation constante, et que tous profitent équitablement de ses avantages.

Cet article fait partie du dossier spécial L’avenir du travail et de la formation.

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Misheck Mwaba
Mischeck Mwaba est président et chef de la direction du Bow Valley College. Vous pouvez le suivre sur Twitter à @MisheckMwaba.
Noel Baldwin
Noel Baldwin est directeur des Affaires publiques et gouvernementales au Centre des compétences futures. Vous pouvez les suivre sur Twitter à @baldouin.
Steve Richter
Steve Richter est analyste principal des politiques au Centre des compétences futures.

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