(Cet article a été traduit en anglais.)

Depuis 2006, le Québec est la seule province canadienne à avoir un programme particulier de prestations parentales, le Régime québécois d’assurance parentale (RQAP). Ce régime dédié offre des prestations plus généreuses et accessibles que celles offertes dans les autres provinces par l’entremise du programme d’assurance-emploi.

Au Québec, comme ailleurs au Canada, le montant des prestations est tributaire du revenu gagné pendant une période de référence, et les personnes avec un revenu élevé reçoivent conséquemment des prestations plus généreuses que celles dont le revenu est moindre. Un supplément de revenu est cependant prévu pour les familles dont le revenu est modeste, tant au Québec qu’ailleurs au pays.

En septembre 2021, le Québec a bonifié ce soutien additionnel offert aux parents moins nantis, confirmant une fois de plus sa position comme chef de file nord-américain dans le soutien aux familles.

En effet, depuis sa mise en place et jusqu’à l’an dernier, les dispositions du RQAP prévoyaient qu’un prestataire avait droit à une majoration des prestations parentales (incluant celles versées lors de l’adoption) si son revenu familial net était inférieur à 25 921 $. Ce seuil était inchangé depuis la création du RQAP, il y a plus de 15 ans.

Le résultat est qu’avec l’inflation, le nombre de prestataires se qualifiant pour l’obtention d’une majoration de ses prestations a chuté, passant de 6,4 % en 2006 à moins de 5 % en 2019. Autrement dit, un nombre croissant de familles à revenu modeste ne se qualifiaient pas pour des prestations plus généreuses.

Plusieurs changements, pour mieux atteindre les objectifs

Devant ce constat, Québec a décidé d’apporter plusieurs changements au RQAP afin que cette mesure atteigne mieux ses objectifs. Le premier est le rehaussement du seuil d’admissibilité pour la majoration des prestations à l’équivalent du salaire minimum annuel d’une personne qui travaille 40 heures par semaine), soit 28 080 $, contre 25 921 $ précédemment. Ce seuil sera dorénavant indexé et suivra la hausse du salaire minimum. En mai 2022, il passera donc à 29 640 $. À titre comparatif, les prestations canadiennes versées par l’entremise du régime d’assurance-emploi ne sont encore augmentées qu’à partir d’un revenu familial égal ou inférieur à 25 921 $. Ce seuil est le même dans toutes les provinces et territoires, indépendamment du coût de la vie.

Le second changement est que le calcul de la prestation est désormais basé sur le revenu individuel, et non familial. Une mère qui gagne un salaire modeste se qualifie donc d’office pour une bonification de ses prestations au Québec, indépendamment du revenu de son conjoint. Ailleurs au pays, le maintien d’un seuil de revenu familial signifie que de nombreuses femmes demeurent exclues de la possibilité d’obtenir une majoration, en raison du revenu trop élevé de leur partenaire. Au Québec, la majorité des prestataires bénéficiant d’une majoration de leur prestation sont des femmes.

Aussi, les parents moins nantis qui se qualifient pour une prestation majorée peuvent voir celle-ci atteindre jusqu’à 85 % ou même 100 % de leur revenu hebdomadaire moyen, selon le choix du régime (de base ou particulier), plutôt que de 55 % à 75 % comme le prévoit le RQAP pour l’ensemble des prestataires. Dans sa forme originale, le taux de remplacement des prestations pour les travailleurs à revenu modeste ne pouvait pas dépasser 80 % du revenu.

Enfin, avec les nouveaux paramètres de la bonification, les deux parents peuvent recevoir une majoration de leurs prestations simultanément, s’ils se qualifient tous les deux. Avant septembre 2021, la majoration ne pouvait être accordée qu’à un seul des parents lorsque ceux-ci bénéficiaient de prestations en même temps. Cela avait pour effet de désavantager les familles dont les deux parents avaient un faible revenu et celles où les parents faisaient le choix de toucher leurs prestations simultanément, plutôt qu’en alternance.

Les bonifications aux prestations des travailleurs à faible revenu permettront à environ 17 000 parents — dont 14 000 mères — d’obtenir des prestations majorées, contre moins de 6 000 prestataires auparavant. Les nouvelles règles d’admissibilité pourraient ainsi tripler la proportion des prestataires recevant une majoration au sein du RQAP. Le coût de ces changements est estimé à 25 millions de dollars par année en prestations additionnelles, selon les calculs du Conseil de gestion de l’assurance parentale.

Exemples de calcul avec un taux de majoration maximal

Exemple 1 : Travailleuse vivant seule

Marie est étudiante et travaille comme serveuse à temps partiel. Elle attend un enfant et l’élèvera seule. Son revenu hebdomadaire moyen est de 350 $. Elle opte pour le régime particulier du RQAP (taux de remplacement de revenu à 75 %).

Selon les anciennes règles et en considérant un revenu annuel à titre de mère de famille monoparentale de 18 200 $ l’année précédente, Marie aurait eu droit à une prestation hebdomadaire majorée de 280 $ (prestation de base de 263 $ plus une majoration de 17 $). Cette prestation majorée est fixée selon un barème de revenu familial inférieur à 25 921 $.

Avec les changements récents au RQAP, comme le revenu hebdomadaire de Marie est inférieur au seuil de 540 $, soit l’équivalent du salaire minimum pour une semaine de travail de 40 heures, elle est admissible à une prestation hebdomadaire majorée. Elle aura droit à la majoration maximale en vertu des nouvelles règles de calcul. Sa prestation majorée sera donc de 350 $ par semaine, soit l’équivalent de 100 % de son revenu.

Marie ne subira donc aucune perte de revenu pendant son congé. Au total, sur la durée de son congé, cela pourra représenter un supplément de 2800 $ si elle décide d’utiliser toutes les 40 semaines de prestations qui lui sont offertes par le régime particulier.

Exemple 2 : Couple

Ève et Olivier attendent un enfant. Ils gagnent chacun 400 $ par semaine. Comme leur revenu hebdomadaire respectif est inférieur au seuil de 540 $, Ève et Olivier sont tous deux admissibles à une prestation hebdomadaire majorée. Ils ont également droit à la majoration maximale en vertu des nouvelles règles de calcul. Le couple opte pour le régime particulier du RQAP.

La prestation hebdomadaire majorée payable à chacun sera donc de 400 $ par semaine, soit l’équivalent de 100 % de leur revenu hebdomadaire moyen respectif. Sans majoration, ce serait plutôt 300 $, soit 75 % de 400 $.

Chacun des membres du couple reçoit donc 100 $ de plus chaque semaine que ce qu’il aurait reçu individuellement selon l’ancien calcul. En outre, suivant les anciennes règles et puisque le revenu familial du couple était de 41 600 $ l’année précédente, ni Ève ni Olivier n’aurait vu sa prestation majorée, puisque leur revenu familial était alors supérieur à 25 921 $. Au total, sur la durée de leur congé, cela pourra représenter un supplément de 4 300 $ si le couple décide d’utiliser toutes les 43 semaines de prestations qui leur sont offertes avec le régime particulier.

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Sophie Mathieu
Sophie Mathieu est docteure en sociologie; ses recherches sont axées sur la politique familiale québécoise. Elle occupe le poste de spécialiste principale des programmes à l'Institut Vanier de la famille et siège sur le Conseil consultatif national sur l'apprentissage et la garde des jeunes enfants.
Safa Ragued
Safa Ragued est chargée de recherche et d’évaluation de programme au Conseil de gestion de l’assurance parentale. Elle détient un doctorat en économie de l’Université Laval. Ses travaux portent sur l’efficacité des politiques publiques, le décrochage scolaire et l’égalité des genres. Ses recherches actuelles sont axées sur la politique familiale au Québec, particulièrement les congés parentaux.

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