Quelles provinces ont le moins fermé leurs écoles? 

Le variant Omicron a poussé plusieurs provinces canadiennes à réintroduire des mesures sanitaires à l’aube du congé des Fêtes. Pour certaines d’entre elles, ces mesures étaient les plus sévères depuis le début de la pandémie. Une des plus débattues, la fermeture complète des écoles, a une fois de plus été instaurée presque partout au pays.  

Ces fermetures ont été prolongées bien au-delà du congé des Fêtes, dans le but de diminuer la transmission chez les élèves et dans la communauté, de protéger les enseignants et le personnel, et de se donner le temps de distribuer de meilleurs masques et d’améliorer les mesures déjà présentes à l’intérieur des écoles, comme une meilleure ventilation. 

La fermeture des écoles comme dernier recours 

Nombre d’enseignants, de parents et d’élèves ont maintes fois souligné l’importance de ne fermer les écoles qu’en dernier recours. Plusieurs gouvernements provinciaux ont fait écho à ce sentiment. Le premier ministre du Québec, François Legault, a affirmé « qu’on doit ça à nos enfants ». Jason Kenney, son homologue albertain, est allé encore plus loin en déclarant que la fermeture complète des écoles sera considérée comme une des plus graves erreurs commises par les gouvernements pendant la pandémie.   

Cette détermination affichée par le politique n’est pas surprenante. Les interruptions provoquées par les fermetures d’écoles peuvent avoir de lourds impacts sur la santé mentale et émotionnelle des enfants ainsi que sur leurs apprentissages. Certains enfants de milieux défavorisés peuvent également faire face à une insécurité alimentaire lorsqu’ils sont privés des programmes offerts par les écoles. 

Les enfants sont résilients, mais après bientôt deux ans de pandémie, les fermetures d’écoles ne constituent plus seulement un problème à court terme : elles touchent également les parents et les tuteurs, qui doivent souvent trouver des solutions de rechange à la dernière minute. Des études suggèrent d’ailleurs que durant la pandémie, la responsabilité de la garde des enfants est surtout retombée sur les femmes, contribuant à exacerber encore plus les disparités avec les hommes sur le plan des salaires et de l’avancement de carrière.  

Les conséquences de ces fermetures s’étendent donc au-delà des élèves eux-mêmes et expliquent pourquoi plusieurs politiciens ont fait de l’ouverture des écoles une priorité. Quelles sont les provinces qui ont le plus maintenu cette ligne de conduite?  

Mesurer la sévérité des mesures de santé publique 

Le Centre d’excellence sur la fédération canadienne comptabilise les mesures provinciales de santé publique depuis le début de la pandémie, en mars 2020. L’index de sévérité du Centre consolide en un seul indice 14 types de restrictions sanitaires mises en place par les provinces, afin de comparer la sévérité des mesures d’une province à l’autre.  

 

La Figure 1 montre la réaction des provinces et des territoires face à la vague Omicron (il est également possible de visualiser l’évolution de l’index depuis le début de la pandémie sur le site du Centre). La plupart des provinces ont augmenté la sévérité de leurs mesures en limitant les rassemblements publics ou privés, en diminuant la capacité des services non essentiels et en fermant les écoles.  

Pour l’Île-du-Prince-Édouard, le Nouveau-Brunswick et la Colombie-Britannique, les mesures décrétées au tournant de l’année étaient les plus sévères jamais imposées depuis le début de la pandémie. C’est cependant au Nouveau-Brunswick et au Québec où l’augmentation de la sévérité a été la plus grande avec, entre autres, la réintroduction d’un couvre-feu au Québec le 31 décembre 2021.  

La Saskatchewan est la seule province à ne pas avoir introduit de nouvelles restrictions en réaction au variant Omicron (ce fut le cas aussi pour un territoire, le Yukon). Lors d’une réévaluation de la situation, le premier ministre Scott Moe a d’ailleurs estimé que les mesures de confinement causaient beaucoup de tort et ne présentaient pas d’avantages clairs, malgré l’augmentation des cas dans la province et une forte hausse des hospitalisations en janvier 

Mesurer le degré de fermeture des écoles 

La situation dans les écoles est l’un des indicateurs dont tient compte l’index de sévérité du Centre. Durant toute la pandémie, nous avons suivi les fermetures des écoles et noté chaque province sur une échelle de 0 (écoles complètement ouvertes) à 3 (enseignement à distance seulement), avec des catégories intermédiaires pour les différents niveaux de perturbation du milieu d’apprentissage normal (bulles-classes, horaires en alternance, etc.). L’index tient également compte du fait que les fermetures s’appliquent à la province en entier ou seulement à certaines régions.   

 

La Figure 2 montre comment les fermetures d’écoles ont varié d’une province à l’autre pendant la pandémie. C’est l’Ontario qui compte le plus grand nombre de jours d’école entièrement à distance, soit environ 220 jours depuis le début de la pandémie. À l’opposé, c’est en Saskatchewan et au Québec que les écoles sont restées ouvertes le plus longtemps, n’étant devancées sur ce plan que par le Yukon. En Saskatchewan et au Manitoba, d’ailleurs, les fermetures d’écoles ont souvent été limitées à certaines régions.   

C’est au printemps 2021 que le contraste est peut-être le plus frappant. L’Ontario a été la seule province à opter pour une fermeture complète (en plus de l’Alberta, mais pour une très courte période). En contrepartie, au Québec, on multipliait les mesures, dont l’alternance des classes, afin de garder les écoles ouvertes. Les fermetures, lorsqu’elles ont eu lieu, variaient selon les régions.   

Il est important de souligner deux limites dans notre façon de compiler les fermetures d’écoles. D’abord, nous ne distinguons pas les écoles primaires et secondaires, mais nous notons une province selon les mesures les plus sévères mises en place. Ensuite, l’index de sévérité se concentre sur les fermetures exigées par les gouvernements provinciaux. C’est donc dire que cette mesure sous-estime le degré réel de fermeture d’école pour la plupart des élèves. 

En effet, le nombre réel de cours à distance pour un élève peut aussi être affecté par la fermeture d’une classe dans le cas d’une éclosion. En d’autres mots, ce que la Figure 2 montre, c’est le nombre minimum de jours d’école à distance imposés à un enfant dans une province donnée. Cela demeure donc un outil comparatif utile.  

Cependant, ce que la Figure 2 ne fait pas, c’est une comparaison entre la fermeture des écoles et les autres mesures sanitaires. Par exemple, l’Ontario a fermé ses écoles plus souvent que les autres provinces, mais peut-être qu’elle en profitait pour fermer d’autres secteurs au même moment. On peut en avoir une idée en comparant les fermetures d’écoles à d’autres restrictions, comme celles qui ont touché les restaurants.  

 

La Figure 3 montre le nombre de jours pendant lesquels les mesures dans les écoles ont été plus sévères que dans les restaurants, et vice-versa. Ces données mettent en lumière différentes approches.   

D’abord, bien que le Québec et l’Ontario ont enregistré plusieurs jours d’école à distance, ce sont les deux provinces où les restaurants ont subi plus de restrictions que les écoles pendant la plus longue période, lors de confinements prolongés durant lesquels les salles à manger des restaurants ont été complètement fermées. Le Québec se démarque cependant de l’Ontario, car il a eu tendance à garder les restaurants fermés ou à leur imposer plusieurs restrictions, alors qu’il les levait dans les écoles. Au final, il y a donc très peu de jours où les écoles du Québec ont subi plus de restrictions que les restaurants. 

The nearly impossible balance for working mothers during pandemic

Canada needs a more collaborative approach to reopening schools

How will the education system help students overcome COVID learning loss?

C’est l’inverse qui s’est produit en Nouvelle-Écosse, une province qui a concentré les restrictions dans les écoles alors que dans les territoires et à l’Île-du-Prince-Édouard, l’approche a plutôt été de garder tout ouvert ou de tout fermer en même temps.   

Bien entendu, la décision de fermer les écoles ou les restaurants n’est pas facile à prendre. La fermeture des restaurants a entraîné de nombreuses pertes d’emploi, sans compter le stress lié à un emploi précaire.  

Pour ajouter à la complexité d’une telle évaluation, les groupes d’enfants d’âge scolaire ont été parmi les derniers à pouvoir être vaccinés, ce qui a causé beaucoup de soucis à leurs parents, qui s’inquiétaient de la sécurité de leurs enfants et de celle de leur entourage. À ce jour, environ 51 % des enfants de 5 à 11 ans au pays ont reçu au moins une dose de vaccin, et seulement 5 % sont pleinement vaccinés. En d’autres mots, la situation dans les restaurants et dans les écoles n’est pas tout à fait la même, mais donne néanmoins une idée des facteurs que les décideurs publics ont dû considérer.  

Après bientôt deux ans de pandémie, les provinces et les territoires ne peuvent plus simplement voir les fermetures d’écoles comme un moyen parmi d’autres pour combattre la COVID-19.  Bien qu’il n’y ait pas eu récemment de fermetures aussi étendues à la grandeur du pays que celles mises en place lors de la première vague – alors que toutes les provinces avaient fermé leurs écoles pour une longue période –, on assiste encore à des retours à l’enseignement à distance, comme cela a été le cas après les Fêtes. De meilleurs masques, une ventilation adéquate, une vaccination complète et élargie des enfants ainsi qu’une accélération de la dose de rappel destinée à l’ensemble de la population représentent autant de mesures qui peuvent aider à limiter la transmission du virus dans les écoles et dans la communauté, mais leur mise en place demeure inégale – voire incomplète – d’une province à l’autre. 

Avant de se demander si on devrait à nouveau fermer les écoles, nos gouvernements ont la responsabilité de s’assurer que nous avons fait tout ce qui était possible pour qu’elles puissent demeurer ouvertes. 

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Ji Yoon Han
Ji Yoon s’est jointe à l’IRPP en 2022 à titre d’associée de recherche du Centre d’excellence sur la fédération canadienne. Elle avait auparavant occupé des postes en recherche à l’Institut C.D. Howe, au Samuel Centre for Social Connectedness et au Groupe de recherche sur le G20. Titulaire d’un baccalauréat spécialisé en sciences politiques et bioéthique de l’Université de Toronto, elle détient aussi une maîtrise en politiques publiques de l’École Hertie à Berlin.
Charles Breton
Charles Breton est le directeur du Centre d’excellence sur la fédération canadienne à l’IRPP, et l'ancien directeur de la recherche à Vox Pop Labs. Il détient un doctorat en science politique de l’Université de la Colombie-Britannique.

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