Le 9 novembre dernier, le Canada a fait un grand pas en avant avec l’entrée en vigueur de la réglementation sur l’apparence, la forme et le contenu neutres et normalisés des produits du tabac, confirmant sa position comme chef de file mondial de la lutte contre le tabagisme. Toutefois, nous accusons un retard considérable dans un autre secteur important de la consommation de nicotine et de la dépendance : le vapotage.

La Loi sur le tabac et les produits de vapotage du Canada, qui légalise les produits de vapotage contenant de la nicotine, a été adoptée en mai 2018, mais la réglementation proposée n’est pas suffisante. Quoique des provinces, dont le Québec, aient adopté des règlements plus stricts pour lutter contre le vapotage chez les jeunes, aucune mesure ne vise uniformément tout le pays. Ainsi, les jeunes Canadiens qui sont moins bien protégés paieront le prix pour cet écart réglementaire.

Selon une étude de l’Université de Waterloo publiée cette année, le vapotage chez les jeunes Canadiens de 16 à 19 ans a connu une hausse fulgurante de 74 % entre 2017 et 2018. Pendant la même période, le taux de tabagisme chez les jeunes a fait un bond de 45 %, passant de 10,7 à 15,5 %, une première augmentation depuis des décennies. Il se rapproche de celui des Canadiens de 15 ans ou plus, menaçant les progrès réalisés dans la lutte contre le tabagisme.

Pourquoi en sommes-nous là ? La nicotine crée une forte dépendance, et le vapotage en facilite la consommation ; la nicotine peut ainsi être inhalée sans fumée de combustion et avec une saveur alléchante et sucrée. Ces saveurs plaisent aux jeunes et les incitent à vapoter. Au Québec, par exemple, on apprenait récemment que le vapotage chez les élèves des trois dernières années du secondaire est plus répandu qu’ailleurs au pays. Les données récemment publiées dans l’étude COMPASS-Québec révèlent même que le tiers des élèves ont vapoté dans les 30 derniers jours.

Arrêter de vapoter peut être aussi difficile qu’arrêter de fumer. En plus de créer une dépendance qui pourrait mener au tabagisme, la nicotine altère le développement du cerveau des adolescents et peut affecter la mémoire et la concentration, nuisant ainsi à la capacité d’apprentissage.

Selon une étude effectuée en 2018 par Santé publique Ontario, le vapotage entraîne souvent le tabagisme, même chez les jeunes considérés comme à faible risque. Des données récentes faisant état de lésions pulmonaires graves et de morts prématurées chez les jeunes qui vapotent sont également très préoccupantes.

Ailleurs, des mesures concrètes sont prises pour limiter le vapotage chez les jeunes. Aux États-Unis, 18 États ont porté l’âge légal d’achat de produits de vapotage à 21 ans ou ont proposé de le faire, et au moins 9 d’entre eux ont réagi rapidement à la crise du vapotage en limitant la vente ou la disponibilité des systèmes à capsules de saveur. En 2016, la Finlande a interdit tous les arômes, à l’exception de celui du tabac, afin de réduire le risque que le vapotage serve d’aide à l’arrêt du tabagisme.

En Europe, depuis 2014, la teneur en nicotine des produits de vapotage est limitée à 20 mg/ml ou moins. Au Canada, elle est de 66 mg/ml, soit plus de trois fois plus élevée. Les mises en garde relatives à la nicotine ou à la santé sont obligatoires sur les emballages dans plusieurs pays d’Europe, d’Asie et du Moyen-Orient. Les restrictions liées à la publicité y sont également plus strictes qu’au Canada.

Même en Chine, où plus de la moitié des hommes fument la cigarette, l’organisme chargé de la régulation du tabac a interdit la vente en ligne des produits de vapotage pour décourager les jeunes d’en acheter.

Le Québec et d’autres provinces ont fait preuve de leadership dans ce dossier, mais le gouvernement fédéral doit agir rapidement pour protéger les jeunes en renforçant la réglementation canadienne sur le vapotage. Cela comprend une interdiction complète des arômes, la restriction de la promotion et de la vente, la réduction des teneurs en nicotine et l’obligation d’afficher des mises en garde relatives à la santé. En somme, le gouvernement doit prendre les mêmes mesures que celles visant les produits du tabac, qui se sont avérées une réussite. Il faut agir dès maintenant avant qu’une nouvelle génération de personnes soit aux prises avec la dépendance à la nicotine et les problèmes de santé qui en découlent.

Photo : Shutterstock / Aleksandr Yu


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Anthony Graham
Dr Anthony Graham est professeur de médecine à l’Université de Toronto, et directeur médical de l’unité de santé du cœur Robert McRae à l’Hôpital St. Michael’s de Toronto. Il est membre honoraire du conseil consultatif de Cœur + AVC en Ontario et a été nommé compagnon de l’Ordre du Canada.

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