Partout dans le monde, des citoyens réclament des changements, puisque la COVID‑19 a mis au jour les dangers des inégalités, dont les femmes sont les principales victimes. Le temps est venu de proposer un nouveau pacte social pour faire progresser l’égalité entre les sexes.

Depuis des dizaines d’années, les coupes exercées par les démocraties occidentales dans les programmes et les services sociaux au nom de l’austérité et de l’élimination des déficits ont exacerbé les inégalités sociales et économiques. La COVID‑19 en révèle crûment les conséquences : le risque de la contracter et d’en mourir est réparti inégalement au sein de la population. Les groupes les plus à risque sont les aînés fragilisés, les personnes handicapées, les détenus, les sans-abris dans les refuges et les campements ainsi que les communautés autochtones des régions nordiques — c’est-à-dire les personnes qui vivent en établissement, sont sans logis et manquent d’accès aux ressources. Nous les avons appauvries et marginalisées.

Par ailleurs, la COVID-19 nous fait prendre conscience que le risque accru qu’encourent certains groupes représente une menace pour nous tous ; notre dépendance les uns envers les autres est plus grande qu’on ne l’imaginait.

La bonne nouvelle en cette période de pandémie est que les gouvernements nous ont prouvé qu’ils peuvent agir lorsque c’est nécessaire. Les meilleurs d’entre eux l’ont fait rapidement et efficacement, en visant à réduire les inégalités sociales dans le but de protéger la santé et la sécurité de tous. Le fait que le Canada soit prêt à dépenser des milliards de dollars pour venir en aide à ses citoyens est fondamental pour la solidarité sociale et le bien-être général.

Mais qu’allons-nous faire à partir de maintenant ? Allons-nous nous contenter de revenir tout bonnement à la « normale », c’est-à-dire à une société inégale, en attendant la prochaine crise ? Impossible !

S’il y a une leçon fondamentale à retenir de la COVID‑19, c’est que la justice sociale est une exigence minimale à l’établissement d’une société résiliente et durable. Il n’est pas envisageable de retourner au statu quo inégalitaire maintenant que nous connaissons si bien les dangers pour l’ensemble de la population. L’effondrement financier de 2018 nous a appris qu’on ne peut pas laisser la planification entre les mains de ceux pour qui les marchés comptent plus que les êtres humains et dont les politiques sont la cause première des problèmes.

Si nous abordons la sortie de la présente crise sanitaire comme un simple exercice de réouverture des commerces, nous raterons une belle occasion de transformer la société canadienne. Il ne s’agit pas non plus de se limiter à colmater les plus grosses failles de notre filet social. Il faut plutôt mettre en place un nouveau modèle économique et social qui fonctionne pour tous, qui accorde une place centrale aux droits de la personne, à la justice sociale et à l’égalité entre les hommes et les femmes.

Si nous abordons la sortie de la présente crise sanitaire comme un simple exercice de réouverture des commerces, nous raterons une belle occasion de transformer la société canadienne en mettant en place un nouveau modèle économique et social qui fonctionne pour tous.

La clé d’une relance efficace passe par le redressement de l’inégalité entre les sexes. Les femmes sont touchées durement et de façon disproportionnée par la COVID-19. Rappelons qu’elles forment la majorité des travailleurs essentiels de première ligne dans les domaines de la santé, des services sociaux et du commerce de détail, et un grand nombre d’entre elles sont des femmes racialisées ou immigrantes. Elles s’exposent à des risques dans leur milieu de travail, où elles se dévouent au maintien de la vie d’autrui ; pourtant, elles comptent parmi les travailleurs les plus mal payés de notre économie.

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Par ailleurs, les femmes sont plus susceptibles d’être sans emploi, comme le montrent les chiffres récents sur le chômage ; sans accès à des services de garde adéquats et abordables, elles ne sont pas en mesure de retourner au travail. De plus, elles courent le risque, à la maison et dans la rue, de subir de la violence masculine. Les moyens d’échapper à celle‑ci ayant diminué à cause du confinement et de la perte de revenus.

Pour bâtir une société résiliente, il faut assurer la sécurité du revenu, fournir un logement adéquat à tous et faire de la garde des enfants un service essentiel. Il faut éliminer la discrimination sur le plan des salaires et des conditions de travail ; accroître les moyens dont disposent nos systèmes de santé et de prise en charge des personnes âgées ; et réaliser des progrès véritables dans la lutte contre les changements climatiques.

Également, nous devons nous attaquer au problème systémique de la violence masculine envers les femmes, traiter de manière juste et humaine les personnes reconnues coupables de crimes et commencer à respecter les droits des peuples autochtones en matière de territoire, d’accès à l’eau potable et de jouissance d’une vie saine.

Récemment, tant le secrétaire général des Nations unies António Guterres que l’Inter-American Commission of Women ont publié des rapports faisant état des répercussions de la COVID‑19 sur les femmes et interpellé les États afin qu’ils mettent en place des plans de relance féministes et considèrent les femmes comme des partenaires dans leur prise de décisions.

La réaction des récalcitrants aux appels à l’action gouvernementale pour contrer les inégalités est facilement prévisible. On évoquera la nécessité d’imposer des mesures d’austérité, on sèmera la panique à propos du déficit et on affirmera que l’ennemi, c’est le gouvernement, et qu’il faut en réduire la taille. La population canadienne sait désormais qu’il en est autrement : l’heure est à l’entrepreneuriat public et à l’investissement dans les individus et les services.

Il est temps pour les gouvernements de voir grand : il faut créer une économie axée à la fois sur les êtres humains et les femmes en s’attaquant sérieusement au problème des inégalités et de la pauvreté. Il ne peut y avoir de retour à la « normale ».

Cet article fait partie du dossier La pandémie de coronavirus : la réponse du Canada.

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Shelagh Day
Shelagh Day is the chair of the Human Rights Committee of the Canadian Feminist Alliance for International Action, a human rights expert, and a Member of the Order of Canada.

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