Les quatre élections partielles du 17 juin dernier au Québec ont fait subir un véritable séisme au système de partis de la province. L’Action démocratique du Québec (ADQ), qui au début de l’année n’était encore qu’un tiers parti marginal, s’est hissé lors de ces quatre élections, en seulement cinq mois, au premier rang des partis en terme d’appuis populaires, avec près de la moitié des votes en moyenne (45 p. 100), laissant loin derrière tant le Parti québécois (30 p. 100) que le Parti libéral du Québec (24 p. 100).

En conséquence, l’ADQ qui n’avait réussi à détenir qu’un seul siège à l’Assemblée nationale depuis 1994, soit celui de son leader, Mario Dumont, en gagnait un deuxième lors des partielles du mois d’avril et trois autres lors des dernières partielles du mois de juin. Examinons brièvement ce qui s’est produit.

Comme l’indique le tableau à la page suivante, l’ADQ a plus que triplé ses appuis en moyenne dans ces circonscriptions, passant de 13 p. 100 en 1998 à 45 p. 100 lors des partielles, pour des gains extraordinaires de 32 points de pourcentage. C’est plus que les appuis que le plus récent sondage lui accordait au niveau provincial (34 p. 100) ou même chez les seuls francophones (38 p. 100).

Bien que le PLQ apparaisse comme ayant fait la plus piètre figure, n’arrivant que troisième dans trois des circonscriptions, les données indiquent que c’est le PQ qui a subi la plus cuisante défaite. D’abord, c’est ce parti qui, avant les élections, détenait les quatre sièges à pourvoir. Il n’a réussi à n’en conserver qu’un seul, et de justesse, soit son château fort de Lac- Saint-Jean. De plus, dans ces quatre circonscriptions, le PQ a perdu 26 des 32 points gagnés par l’ADQ, passant de 56 p.100desvoixen1998à30p.100en moyenne. Quant à lui, le PLQ n’a perdu que 6 points en moyenne à l’ADQ, passant de 30 p.100 à 24 p.100. La performance du PLQ demeure cependant très faible lorsque considérée sous un autre angle. C’est ce parti, comme principal parti d’opposition, qui aurait dë être le premier bénéficiaire des pertes du PQ. Il n’en fut rien, puisqu’au contraire, il a lui aussi perdu des points.

Il faut cependant réaliser que ces circonscriptions ne sont pas représentatives de l’ensemble de la province. Ainsi, comme l’indique le tableau, les Libéraux n’y avaient obtenu que 30 p. 100 des voix en 1998, comparativement à 44 p. 100 dans l’ensemble du Québec cette année-là. Le sondage CROP de mai dernier faisait perdre 4 points au PLQ depuis 1998 au niveau provincial. Il n’en n’a perdu que 6 lors des partielles. Ce sondage faisait par ailleurs perdre 18 points au PQ, mais ses pertes furent plus grandes encore, atteignant 26 points dans ces quatre circonscriptions.

Le pattern observé dans l’ensemble fut pratiquement le même dans chacune des quatre circonscriptions, les gains de l’ADQ se situant entre 23 p. 100, dans Joliette, et 38 p. 100, dans Vimont. Les pertes du PQ se situent entre 24 p. 100 et 29 p. 100, dans les mêmes circonscriptions, respectivement, et celles du PLQ, entre seulement 2 p. 100, dans Joliette, et 10 p. 100, dans Berthier.

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L’analyse qui s’impose n’est pas très compliquée. Mentionnons d’abord que le PQ est victime du syndrome de la fin d’un deuxième mandat; depuis 1960, aucun parti n’a été reporté au pouvoir pour un troisième mandat consécutif. L’insatisfaction généralisée qui se manifeste habituellement après deux mandats joue présentement contre ce parti. Mais à cela s’ajoute les scandales récents qui sont venus fortement accentuer les désirs de changement de gouvernement après deux mandats. De son côté, le PLQ est indirectement victime des scandales affectant le gouvernement libéral à Ottawa, puisque pour plusieurs électeurs, il s’agit toujours aux deux niveaux de gouvernement des mêmes « Libéraux ». En conséquence, ces événements suscitent une très profonde aliénation non seulement envers le PQ, mais envers les deux partis traditionnels.

La popularité relative des leaders en présence est venu fortement renforcer cette tendance. Mario Dumont, jouissant d’un fort charisme d’un style de grand leader, diraient certains a vu sa popularité, selon les sondages, grandir constamment et il est même récemment devenu plus populaire que les leaders des deux autres partis, Bernard Landry et Jean Charest, qui montrent manifestement des faiblesses à cet égard.

L’on sait que le programme de l’ADQ se situe nettement à droite. On y prône une réduction de la grandeur de l’état, un taux d’imposition unique, des bons d’éducation et de garderies et un certain degré de privatisation en santé. Nous ne croyons pas cependant que ce programme ait influencé, ni positivement, ni négativement, les gains récents de ce parti. Un sondage du début de juin révélait d’ailleurs que 83 p. 100 des répondants étaient incapables de nommer un seul élément de ce programme. L’engouement pour un nouveau parti a généralement beaucoup plus à faire avec l’insatisfaction envers le gouvernement sortant et les autres partis et avec la popularité de son leader qu’avec les éléments spécifiques de son programme. Il se peut cependant que son orientation générale et sa position au centre sur la dimension constitutionnelle ni souverainiste, ni fédéraliste, mais très nationaliste, avec un moratoire sur tout référendum à ce sujet ait facilité le processus de rejet des deux autres partis.

Il est intéressant de considérer le processus par lequel ces changements sont intervenus. Il y a d’abord eu quelques sondages en février qui, à la suite des scandales révélés au cours des mois précédents, indiquaient que l’ADQ passait d’environ 16 p. 100 des intentions de vote un score seulement légèrement supérieur aux 12 p. 100 obtenus lors de l’élection de 1998 à environ 23 p. 100. Suivirent les trois élections partielles du mois d’avril, possiblement affectées par ces sondages, où l’ADQ enleva la circonscription de Saguenay, considérée comme un château fort péquiste, avec pas moins de 48 p. 100 des voix. En retour, ce succès assez impressionnant contribua à faire grimper davantage les intentions de vote pour ce parti, qui atteignirent 30 p. 100, puis 35 p. 100 environ. Les dernières élections partielles vinrent confirmer ces avances. Il faudra maintenant voir ce que les prochains sondages ainsi que les prochaines élections générales nous réservent. Mais pour le moment, rien n’indique qu’il ne s’agisse que d’un feu de paille.

Pour terminer, mentionnons que cet engouement pour l’ADQ s’est manifesté par un taux de participation, lors des deux séries d’élections, nettement supérieur à ce qui est coutume en pareils cas. Ainsi lors des partielles de juin, le taux de participation moyen fut de 61 p. 100. Lors des partielles d’avril, ce taux fut de 60 p. 100 dans Saguenay, où l’ADQ réussit à faire élire son candidat, mais de seulement 40 p. 100 en moyenne dans les deux autres circonscriptions où ce parti n’a obtenu que 15 p. 100 d’appuis en moyenne.

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