Le rapport D’Amours brosse d’abord le portrait de la situation actuelle. Il relève notamment le faible taux d’épargne-retraite des travailleurs et se montre préoccupé par les faiblesses structurelles des régimes de retraite à prestations déterminées dans le présent contexte du vieillissement de la population et des faibles rendements attendus. Nous partageons tout à fait ce diagnostic et nous penchons ici sur quelques recommandations du rapport.

Les régimes de retraite à prestations déterminées  — Le rapport recommande que tous les régimes de retraite sous la surveillance de la Régie des rentes du Québec soient soumis à une même règle de financement. Cette approche dévoilerait les coûts très élevés de certains d’entre eux, notamment ceux des municipalités et des universités. Cependant, le régime de retraite le plus important du Québec, celui des employés du gouvernement et des organismes publics, n’est pas sous la juridiction de la Régie. Il se soustrairait donc à la « vérité des coûts » et à la règle de financement, ce qui est certes inapproprié.

Pour les régimes du secteur public, le partage des coûts à parts égales entre employeurs et employés mettrait fin à la pratique actuelle où l’employeur est seul responsable des déficits.

La nouvelle méthode d’évaluation clarifierait les enjeux des négociations entre employeur et employés pour réduire les déficits accumulés et les coûts réels. Si les négociations n’aboutissent pas à un accord après trois ans, une action unilatérale de l’employeur serait possible, mais elle ne pourrait porter que sur l’indexation des prestations correspondant aux services passés (sans effet rétroactif sur les prestations déjà versées).

Ces orientations sont certes une grande amélioration par rapport au statu quo. Mais, à notre avis, les moyens prévus pour dénouer une impasse dans les négociations sont trop restreints. On devrait se poser aussi des questions sur les « subventions » à la retraite avant 65 ans, sur les calculs de rentes qui tiennent compte du salaire en fin de carrière plutôt que du salaire moyen en carrière ainsi que sur les rentes aux conjoints.

Pour ce qui est du processus de négociation comme tel, on pourrait considérer des mécanismes favorisant la conclusion d’un accord. Notamment, le gouvernement pourrait exiger que les parties atteignent des objectifs précis pour réduire les déficits accumulés. Par exemple, dans le cas des régimes ayant un important déficit, la nouvelle entente devrait permettre de le réduire d’au moins 40 p. 100 à l’intérieur de trois ans. Et dans l’esprit du partage des coûts, chacune des parties pourrait en assumer la moitié. Ainsi, serait exigée de l’employeur une contribution spéciale qui correspondrait à la valeur de la réduction des bénéfices à la retraite.

La rente longévité  — La capitalisation de ce nouveau régime est un point essentiel. Il y va de l’équité intergénérationnelle. Par contre, le coût élevé du régime constitue une préoccupation majeure. Sur le plan individuel autant que politique, il serait difficile d’imposer des cotisations de 3,3 p. 100 du salaire (1,65 p. 100 pour le travailleur et 1,65 p. 100 pour l’employeur) durant toute une vie active, de 25 à 65 ans, pour que l’on obtienne, à partir de 75 ans seulement, une rente de l’ordre de 20 p. 100 du salaire. Pour plusieurs, cet avantage paraîtrait bien lointain et incertain.

En outre, les travailleurs qui n’ont pas de régime de retraite ni la discipline d’épargner pour leur retraite verraient leur niveau de vie baisser substantiellement, de plus de 50 p. 100, entre 65 et 75 ans. La seule solution, pour eux, si la santé le leur permet, serait alors de rester sur le marché du travail et de reporter leur retraite à 75 ans.

Par ailleurs, la rente longévité étant un régime à prestations déterminées, il faut se demander qui assumerait le risque d’un éventuel déficit. Il y aurait lieu d’établir dès maintenant un processus clair de gestion d’un déficit potentiel, afin d’éviter les iniquités intergénérationnelles.

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Il faudrait aussi s’assurer que l’actif de ce régime soit toujours et exclusivement dédié à la rente longévité. Si le Régime de rentes du Québec (RRQ) était en difficulté, le gouvernement résisterait-il à l’envie de « piger » dans l’actif de la rente longévité pour « temporairement » payer les rentes de base du RRQ ? Ce risque d’interfinancement doit être examiné.

Un autre enjeu a trait à l’équité « horizontale », c’est-à-dire l’équité entre individus d’une même génération; nous pensons notamment à l’espérance de vie inférieure à la moyenne de certaines catégories de travailleurs et à la pertinence de la rente pour les travailleurs à faible revenu.

Quant aux employeurs du Québec, ils seront nombreux à juger excessive cette taxe additionnelle, étant donné qu’ils soutiennent déjà plusieurs programmes sociaux liés à la masse salariale.

Les régimes volontaires d’épargne-retraite (RVER)  — Le rapport D’Amours en soutient l’orientation et les objectifs, et le gouvernement du Québec souhaite établir les RVER à compter du 1er janvier 2014.

L’aspect volontaire des cotisations à ces régimes en faciliterait grandement l’acceptation, tant par les travailleurs que par les employeurs. Il serait d’ailleurs possible de renforcer cette incitation à épargner en sollicitant, par exemple, une contribution de l’employeur lorsque le travailleur épargne un certain pourcentage de son salaire. On pourrait exiger une cotisation de 2 p. 100 de l’employeur lorsque le travailleur verse 4 p. 100 au régime, pour ainsi atteindre un taux d’épargne total de 6 p. 100. Ce cadre volontaire et peu contraignant serait une piste à explorer.

Grâce à la mise en commun des cotisations, les RVER bénéficieraient d’économies d’échelle, minimisant ainsi les frais de gestion. Les gestionnaires devraient aussi offrir des portefeuilles à peu de frais, inspirés de l’approche cycle de vie, dont l’exposition au risque diminue avec l’âge du travailleur. Ce type de portefeuille pourrait constituer le choix par défaut de chacun. Nous sommes persuadés que cela favorisera les rendements pour les travailleurs et une plus grande sécurité financière à la retraite.

Photo : Lightspring / Shutterstock

Richard Guay
Richard Guay est professeur de finance à l'École des sciences de la gestion à l'Université du Québec à Montréal, et fellow du CIRANO.

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