Le verdict est tombé comme un couperet au congrès de Québec solidaire dimanche dernier : non à toute alliance électorale avec le Parti québécois !

Surprenant ou pas, c’est une déception pour plusieurs progressistes qui voyaient dans cette possible alliance une voie vers un gouvernement qui ne soit ni de centre ni de droite. Même si déloger le Parti libéral du pouvoir n’est pas un projet de société en soi, il constitue pour eux le point de départ de tout changement véritable au Québec.

Or les quelques centaines de membres de QS en ont décidé autrement. Vous souhaitez un gouvernement de gauche ? Il faut passer par un gouvernement de QS, sans collaboration ni compromis, ont-ils clamé haut et fort.

Pourtant, l’écart entre la volonté des membres de QS et les souhaits de ses sympathisants est énorme : deux tiers des membres ont rejeté toute forme d’alliance, tandis que 87 % des sympathisants disent appuyer la démarche, selon le dernier sondage de Léger. Les sympathisants péquistes sont aussi nombreux à soutenir l’alliance. Est-ce dire que seul le Parti québécois a saisi la volonté des progressistes? Si oui, c’est toute une nouveauté.

Il faut comprendre que les idées de QS — si nobles soient-elles — ne trouvent pas beaucoup d’écho au Québec. En fait, aucun parti avec un programme résolument altermondialiste n’a su percer dans les pays occidentaux. Ni même Syriza : ce parti anti-austérité a bien remporté les élections en Grèce, mais, malgré un contexte favorable, il a été incapable de mettre en avant son programme.

Clairement, la décision des solidaires n’est pas ancrée dans le calcul politique ! Ils viennent de gâcher une de leurs seules chances de croissance à long terme, soit la mise en œuvre d’un mode de scrutin mixte compensatoire. Idem à court terme en renonçant à voir leur représentation à l’Assemblée nationale doubler grâce à des alliances stratégiques. Heureusement, ils gagneront un quatrième siège en 2018, sans doute Hochelaga-Maisonneuve. Ça, c’est de la croissance électorale !

La mémoire sélective des membres de QS

Certes, les militants déçus par le refus d’une alliance électorale se trouvent à la fois chez QS et au PQ, quoique ces derniers éprouvent davantage un sentiment de défaite. Car derrière ce refus, ils voient se profiler les raisons du non de QS.

Beaucoup de péquistes auraient sans doute mieux digéré la décision de QS si ses membres avaient invoqué, en première instance, la nécessité de ne pas tomber dans le piège du vote stratégique. Après tout, c’est ce que le parti clame depuis sa fondation au milieu des années 2000.

Or, s’il faut en croire certains solidaires présents au congrès, c’est davantage les positions « xénophobes », voire « racistes » du PQ qui auraient motivé leur vote. Les plaies de la tristement célèbre Charte des valeurs sont encore bien visibles, mais réduire les efforts du PQ en matière d’intégration à cette charte relève de la mauvaise foi. Pensons à Gérald Godin, qui a dédié son action politique à la création de ponts avec les communautés culturelles, à René Lévesque, qui s’est battu pour conserver les droits des anglophones dans la loi 101, ou encore au gouvernement de Bernard Landry, qui a signé la Paix des braves en 2002. D’ailleurs, le PQ a récemment présenté des propositions intéressantes pour favoriser l’intégration des gens issus des minorités visibles au marché de l’emploi.

Quand ce ne sont pas les attitudes xénophobes du PQ qui repoussent les membres de QS, c’est le repositionnement néolibéral que le PQ a entrepris sous le règne de Lucien Bouchard de 1996 à 2000. Certes, l’obsession du déficit zéro dans les années 1990 a laissé des traces, et beaucoup diront que nous en subissons toujours les conséquences. Cependant, n’oublions pas la Loi sur l’équité salariale, la création des centres de la petite enfance ou la mise en place du régime d’assurance médicaments.

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Loin de nous l’idée de vouloir redorer le blason du PQ, nous avons nous-mêmes plusieurs griefs à son endroit. Il a commis des faux pas pendant ses années au pouvoir et en paie encore le prix. Mais pourquoi les solidaires s’acharnent-ils à ce point sur les parts d’ombre du PQ sans jamais souligner l’autre côté de la médaille ?

Pourquoi les 1 000 militants de QS réunis à l’Olympia en 2014 ont-ils copieusement applaudi la défaite de Pauline Marois dans sa circonscription de Charlevoix aux mains d’une candidate libérale ? Un parti féministe aurait dû, au contraire, soutenir la première femme à la tête d’un gouvernement québécois. Qui plus est, cette femme a occupé certaines des plus hautes fonctions de l’État tout en étant la maître d’œuvre de plusieurs politiques qui ont favorisé des avancées notables pour les Québécoises.

Sans doute, les solidaires ont-ils vu dans la malheureuse Charte des valeurs quelque chose de beaucoup plus nuisible que les années d’austérité — pardon, de rigueur budgétaire — dont la classe moyenne et les couches les plus défavorisées ont fait les frais. N’est-ce pas la définition même de la politique identitaire que de prioriser de tels enjeux aux dépens des questions socioéconomiques ?

Avoir les moyens de ses ambitions

Mais à quoi servent ces idéaux si on ne prend pas les moyens pour les mettre en avant ?

Les membres de QS aiment bien se draper dans leur vertu et revendiquer une certaine « pureté ». Or le congrès de dimanche a démontré qu’il n’en est rien. QS est un parti politique comme les autres, qui porte des œillères et qui poursuit son propre intérêt avant tout.

Vous nous voyez amers et vous avez raison. Une fois de plus, les partis politiques nous ont mal servi, mais nous étions plusieurs à croire que QS ne nous ferait pas le coup. Comme Gabriel Nadeau-Dubois le craignait, c’est Québec solidaire qui portera l’odieux de cet échec et nous croyons que plusieurs s’en souviendront au moment de voter.

Photo : Main tenant un drapeau de Québec solidaire dans l’assemblée générale annuelle du parti à Montréal, le 5 mars 2017. THE CANADIAN PRESS IMAGES/Mario Beauregard


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Jean-Benoît Bédard
Jean-Benoît Bédard est conseiller au contenu et aux communications dans un cabinet de relations publiques. Détenteur d’un baccalauréat et d’une maîtrise en sociologie de l’Université du Québec à Montréal, il poursuit actuellement des études en communication. Ses champs d’intérêt portent principalement sur la politique québécoise et canadienne.
David Deault-Picard
David Deault-Picard est conseiller au contenu et à la recherche dans un cabinet de relations publiques. Ancien assistant de recherche à l’IRPP, il est détenteur d'une maîtrise en science politique de l’Université de Montréal. Ses champs d'intérêt englobent les politiques sociales et les élections.

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