Le commerce international a apporté d’importants avantages macroéconomiques au cours des dernié€res décennies, tant en termes de création de richesse que de réduction des inégalités économiques. De 1990 aÌ€ 2001, la Banque mondiale estime que le niveau de vie (PIB par habi- tant) des pays les plus ouverts au commerce international a cruÌ‚ d’environ 41/4 p. 100 par année, contre 1 p. 100 seulement pour les pays moins mondialisés et 2 p. 100 pour les pays riches. Si les pays ont ouvert leurs frontié€res au commerce et aux mouvements de capitaux aÌ€ des rythmes différents, il est clair que les plus entreprenants en ont récolté les bénéfices.

Plus pré€s de nous, l’Accord de libre-échange nord-améri- cain (ALENA) nous a permis d’apprécier la contribution du commerce international aÌ€ la prospérité économique. En outre, le commerce entre le Canada, le Mexique et les États- Unis a augmenté de 80 p. 100 entre 1993 et 2002, compara- tivement aÌ€ 39 p. 100 avec les autres pays. Et, contrairement aÌ€ ce que plusieurs craignaient, le taux de choÌ‚mage canadien est passé de 11,4 p. 100 aÌ€ 7,5 p. 100 au cours de cette période.

Les PME ont évolué au premier rang de ces développe- ments favorables. Un sondage réalisé en décembre 2003 aupré€s de 9 577 petites et moyennes entreprises révé€le que la moitié d’entre elles estiment que les traités de libre échange signés par le Canada leur ont été bénéfiques. Par contre, 11 p. 100 sont d’avis contraire, tandis que 39 p. 100 n’ont pas ressenti d’impact spécifique. De plus, les propriétaires de petites entreprises sont d’avis que des traités addi- tionnels seraient plus bénéfiques que nuisibles en termes de débouchés commerciaux (37 p. 100 y verraient un effet posi- tif contre 5 p. 100 pressentant un impact négatif), aux investissements et aÌ€ la croissance (26 p. 100 contre 5 p. 100), ainsi qu’aÌ€ la création d’emplois (24 p. 100 contre 6 p. 100).

Malgré ces contributions positives du commerce inter- national, l’opposition aÌ€ la mondialisation demeure vive. En particulier, les principales objections des opposants ont trait aÌ€ l’inégalité économique ”” malgré le fait que l’évidence économique prouve le contraire ””, aux pertes d’emploi de qualité que subissent certaines industries, aux grandes entre- prises « profitant » de la réglementation, surtout en matié€re de travail et d’environnement, aÌ€ la volatilité des investisse- ments et aÌ€ la recherche du profit au détriment du développement durable. Bien que ces arguments soient généralement réfutés par les partisans du commerce inter- national, ils demeurent des éléments importants aÌ€ considér- er dans l’élaboration des politiques, ne serait-ce que pour tirer une leçon des difficultés et des conflits passés.

Environ 36 p. 100 des PME participent directement au commerce international principalement avec les États- Unis ”” en exportant, en important ou les deux. De plus, certaines entreprises font affaire avec d’autres firmes qui transigent avec l’étranger. Ainsi, 23 p. 100 des firmes dont les activités sont essentiellement domestiques disent dépendre d’un importateur ou d’un exportateur majeur, ce qui porte aÌ€ 51 p. 100 la part de celles impliquées directement ou indirectement aÌ€ l’international.

Parmi les PME inactives aÌ€ l’étranger, quelque 70 p. 100 expliquent leur absence par des motifs liés au marché, par exemple des produits et services « non exportables » ou des marchés actuels suf- fisants. Toutefois, environ une entreprise sur deux cite le manque d’information, de contacts ou de savoir-faire comme raisons pour ne pas chercher aÌ€ percer les marchés étrangers. Pour continuer aÌ€ croiÌ‚tre comme nation commerçante, il faut éliminer ces derniers types d’obsta- cles qui dissuadent les entreprises de tran- siger hors de nos frontié€res.

En moyenne, les PME interna- tionales aché€tent 30 p. 100 de leurs intrants en dehors du Canada, tandis que leurs ventes aÌ€ l’étranger représen- tent approximativement 20 p. 100 de leur chiffre d’affaires total. Ces résul- tats sont légé€rement différents de ceux de l’ensemble de l’économie en 2003, ouÌ€ les exportations représen- taient 38 p. 100 du produit intérieur brut (PIB) et les importations, 34 p. 100 du total produit. Ainsi, sous l’an- gle de la valeur monétaire, les petites entreprises font moins de commerce international que les grandes. Cependant, l’écart n’est pas aussi dra- matique que ce que l’on croit généralement, particulié€rement du coÌ‚té des importations.

Quelque 38 p. 100 des exportateurs et 46 p. 100 des importateurs font du commerce de façon « régulié€re », plutoÌ‚t que « parfois » (29 p. 100 dans les deux cas). Naturellement, la taille exerce une incidence sur la fréquence des activités aÌ€ l’étranger. AÌ€ ce titre, les grandes entre- prises exportent et importent plus régulié€rement que les petites. Par exem- ple, un tiers des firmes comptant entre 5 et 19 employés disent exporter de façon « régulié€re », contre 60 p. 100 du coÌ‚té de celles de 50 employés ou plus.

Les plus grandes concentrations de petites firmes internationales se trouvent en Ontario, en Alberta ou en Colombie- Britannique. Que ce soit aÌ€ l’exportation ou aÌ€ l’importation, l’activité internationale des petites firmes se concentre dans le secteur manufacturier, le commerce de gros, l’agriculture, le secteur primaire, le transport et les communications.

Chose surprenante, plus de 8 entreprises sur 10 utilisent rarement ou jamais les services de développement international offerts par les ministé€res et organismes gouvernementaux. En particulier, les trois quarts des PME internationales n’ont pas traité avec la Banque de développement du Canada, tandis que 83 p. 100 d’entre elles n’ont jamais eu recours aux servi- ces d’Exportation et développement Canada (EDC). Toutefois, celles qui ont traité avec ces organ- ismes ont exprimé leur satis- faction quant aux conseils et services reçus.

Sur le plan de la com- mercialisation, les PME ont obtenu de bien meilleurs résultats en présentant leurs produits ou services aÌ€ des foires com- merciales (effet positif plutoÌ‚t que négatif dans un rapport de 9 aÌ€ 1) qu’en partici- pant aÌ€ des missions commerciales (1,4 positif pour 1 négatif) ou en se rendant dans des centres d’affaires aÌ€ l’étranger (1,6 positif pour 1 négatif). Sur ce dernier point, moins de 15 p. 100 des firmes actives sur la scé€ne international font appel aux services des ambassades ou des bureaux commerciaux cana- diens, provinciaux ou autres organismes du mé‚me genre.

Les entreprises désirant prendre de l’expansion sur les marchés étrangers rencontrent plusieurs obstacles, certains d’ordre structurel, d’autres de nature conjoncturelle. D’abord, la plupart des entrepre- neurs voient une incursion sur la scé€ne internationale comme une aventure risquée sur le plan financier, plus spé- cifiquement en raison des fluctuations des prix des devises et des matié€res pre- mié€res, ainsi que des difficultés d’accé€s aux capitaux et services d’assurance. Entre autres, de janvier 2003 aÌ€ septem- bre 2005, le dollar canadien s’est apprécié de pré€s de 31 p. 100, mettant un frein aÌ€ l’enthousiasme des exporta- teurs nets. Toutefois, plusieurs en ont profité pour réaliser les efforts de mo- dernisation qui s’imposaient pour maintenir, voire surpasser, leur niveau de compétitivité d’avant ces trois années de hausse. En somme, environ 30 p. 100 des PME disent avoir souffert directement de l’appréciation du dol- lar, comparativement aÌ€ 20 p. 100 qui en ont bénéficié et aÌ€ 50 p. 100 qui n’ont ressenti aucun effet particulier.

Du coÌ‚té du financement, le tableau est loin d’é‚tre reluisant. Le taux de refus des pré‚ts bancaires a considérablement augmenté, passant de 10½ p. 100 en 2000 aÌ€ 16 p. 100 en 2003, les entrepri- ses les plus jeunes et les plus petites essuyant le plus de refus. Ce constat s’applique aussi aux firmes œuvrant au niveau international, en particulier aÌ€ leurs demandes de financement et aÌ€ leurs frais de révision du crédit.

Par ailleurs, les récentes hausses des primes d’assurance sont le deuxié€me enjeu le plus dommageable aux PME, tout juste derrié€re les prix de l’énergie. Alors que la majorité des propriétaires de PME éprouve de la difficulté aÌ€ trouver une assurance adéquate, la situation est encore plus difficile pour les entrepre- neurs qui exportent ou prennent de l’ex- pansion sur les marchés étrangers. Un de nos membres du Manitoba signalait qu’en 2004, sa prime allait é‚tre de 25 000 $ s’il vendait aux États-Unis, compara- tivement aÌ€ 13 000 $ s’il ne vendait qu’au Canada. Fait aÌ€ souligner, l’année précé- dente, sa prime s’établissait aÌ€ 1 650 $.

Un autre obstacle aÌ€ l’expansion des marchés des PME est la réglemen- tation sous toutes ses formes, qu’elle soit intérieure ou liée aux obligations internationales. En particulier, ces derniers irritants incluent les procé- dures aÌ€ la frontié€re, les différences dans la nature et l’application des réglemen- tations et normes, surtout en matié€re d’emballage et d’étiquetage, ainsi que le fardeau administratif de la fiscalité.

Les récentes mesures protection- nistes comme l’imposition de tarifs douaniers sur le bois d’œuvre, la ferme- ture de la frontié€re aÌ€ la suite de la ma- ladie de la vache folle, les sanctions associées au régime de la Commission canadienne du blé, les subventions aÌ€ l’agriculture et les tarifs douaniers sur l’acier ont eu un impact sur l’économie et augmenté les tensions du marché.

L’ALENA et les autres accords com- merciaux ont réduit le nombre des barrié€res commerciales et substantielle- ment accru le volume des échanges entre le Canada et les États-Unis. Par exemple, la seule circulation de camions dans les deux direc- tions est passée de 6 aÌ€ 13,4 millions de camions de 1984 aÌ€ 2001. Malheureusement, les procédures douanié€res et les infrastructures des postes frontaliers n’ont pas suivi le rythme et sont devenues un obstacle majeur aÌ€ la crois- sance des échanges commer- ciaux. En conséquence, le trafic de camions a brusquement cessé de croiÌ‚tre au cours des deux années suivantes, s’établissant aÌ€ 13,5 millions en 2003. Or, cette stagnation des mouvements routiers coïncide avec le ralentissement des échanges commerciaux entre les deux pays, qui ont enregistré un recul de 3,9 p. 100 de 2000 aÌ€ 2004.

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En plus de ces problé€mes liés aÌ€ la capacité des infrastructures, la menace terroriste aux États-Unis a donné nais- sance aÌ€ une myriade de nouveaux pro- grammes de protection aÌ€ la frontié€re, dont les ré€gles sur le bioterrorisme et le systé€me de sécurité intérieur aÌ€ code de couleurs aux États-Unis, ce qui a fait grimper le couÌ‚t des échanges transfrontaliers. Le temps moyen de passage d’un camion aÌ€ la douane a triplé entre 2001 et 2004, passant de 45 secondes aÌ€ 2h15. En conséquence, il en couÌ‚te quelque 10,3 milliards de dollars US aux entreprises des deux pays pour tra- verser les frontié€res, en raison des délais d’attente aÌ€ la frontié€re, des frais de courtage, des délais de traitement des douanes et des changements aux trajets (voir tableau 2). Si ces couÌ‚ts sont colossaux pour les firmes participant aÌ€ ces échanges, ils le sont aussi pour celles qui laissent passer des occasions d’af- faires en raison de ces dif- ficultés aux frontié€res.

A fin d’appuyer les entreprises canadi- ennes qui relé€vent ces défis chaque jour, le gouvernement de Paul Martin a publié en septembre dernier sa Politique internationale, qui comprend trois pans majeurs, soit la relance de notre partenar- iat nord-américain, l’apport d’une contri- bution spéciale au monde et l’amélioration de nos façons de faire. Pour favoriser le commerce international on vise notamment aÌ€ :

  • BaÌ‚tir une frontié€re moderne, pour faciliter les déplacements des marchandises aÌ€ faible risque tout en renforçant la sécurité pour contrer les menaces potentielles ;

  • Améliorer l’intégrité et l’efficacité des mécanismes de ré€glements des différents commerciaux en Amérique du Nord et aÌ€ renforcer nos relations diplomatiques aupré€s des décideurs américains ;

  • Adopter les principales recomman- dations du Comité consultatif externe sur la réglementation intel- ligente, lesquelles concernent la pertinence, l’efficacité, l’efficience et la non-duplication des ré€gles, et s’assurer que ces ré€gles améliorent la compétitivité des entreprises tout en protégeant les citoyens ;

  • Minimiser les pénuries de main- d’œuvre, par l’intégration des immi- grants au marché du travail et l’internationalisation de l’éducation ;

  • Favoriser l’échange et le développement scientifique et technologique, entre autres dans le secteur énergétique ;

  • Appliquer et conclure plusieurs nou- veaux accords internationaux, notamment avec l’Union européenne, le Japon, la Chine, le Brésil, la Corée du Sud et l’Inde ;

  • Promouvoir des résultats significat- ifs dans le Cycle de Doha, en vue d’améliorer l’équité des ré€gles rela- tives au commerce des produits agri- coles, ainsi que la fluidité générale du commerce de biens et services.

Toutes ces mesures sont de bonne augure et répondent aÌ€ diverses préoccupations qu’expriment régulié€re- ment les entreprises. Cependant, nous enjoignons le gouvernement fédéral aÌ€ aller plus loin, notamment sur trois aspects se trouvant au cœur des préoccupations des PME canadiennes.

Premié€rement, le Canada doit accroiÌ‚tre ses efforts immédiats en vue de désengorger les frontié€res et de régler les différends commerciaux avec nos voisins du Sud. Entre autres, les deux gouvernements devraient rechercher les meilleures pratiques en matié€re d’infrastructures frontalié€res dans d’autres pays, notamment les partenariats public-privé. Quant aux litiges commerciaux, ce sont les deux économies qui perdent les bénéfices qu’ils reçoivent par ailleurs dans les autres secteurs ouÌ€ les échanges de marchandises sont plus fluides. AÌ€ ce titre, le changement de ton du premier ministre Martin nous apparaiÌ‚t oppor- tun, dans la mesure ouÌ€ la clé d’éventuels dénouements de ces désac- cords repose en bonne partie sur l’opinion des milieux d’affaires américains.

Deuxié€mement, il faut intensifier la concurrence dans le secteur finan- cier, de manié€re aÌ€ améliorer l’offre de services aupré€s des PME, notamment dans les secteurs bancaire et de l’assu- rance. Toute amélioration en ce sens sera bienvenue de la part des petites firmes, qui se butent aÌ€ des préjugés tenaces liés aÌ€ leur taille et les empé‚chent de croiÌ‚tre aÌ€ la hauteur de leurs capacités et ambitions. Pour ce faire, il convient d’inciter les banques et les autres institutions financié€res aÌ€ adopter des politiques et des pratiques de crédit plus souples.

Enfin, le gouvernement fédéral devrait réviser les politiques et les acti- vités existantes de soutien au commerce international et les rendre plus perti- nentes pour les PME. En effet, plus de 80 p. 100 des firmes actives sur le plan international n’y ont pas recours. Les ressources et les politiques commerciales gouvernementales doivent clairement é‚tre recentrées de manié€re aÌ€ permettre aux PME de profiter pleinement des débouchés commerciaux. En particulier, pour les secteurs et les travailleurs touchés par la concurrence étrangé€re, il semble logique et rentable pour les gou- vernements de les aider aÌ€ migrer vers des activités plus rentables plutoÌ‚t que de les maintenir en vie artificiellement ou de retarder une chute inévitable.

 

Sauf indica- tion contraire, les informations présen- tées dans cet article sont tirées d’un sondage pancanadien sur le commerce, auquel 9 577 petites et moyennes entre- prises ont répondu. La marge d’erreur globale de cette enqué‚te est de 1 p. 100, 19 fois sur 20.

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