Le Parti libéral du Québec a présenté a la mi-septembre un plan de gouvernement clair et chiffré. Notre plan présente nos priorités d’action dans cinq domaines cruciaux pour l’avenir du Québec. C’est dans ce contexte renouvelé que nous pourrons remettre sur pied notre systéme public de santé. Pour ce faire, il faut agir a plusieurs niveaux :

  • D’abord, recentrer l’Etat sur ses missions essentielles : santé, savoir, prospérité, sécurité.
  • Passer au peigne fin l’ensemble des sociétés d’Etat, organismes publics et ministéres afin d’en réduire le nombre et la taille.
  • Geler les dépenses globales du gouvernement pendant cinq ans, exception faite des ministéres de la Santé et de l’Education. Cela n’interdira pas des réinvestissements dans certains domaines, comme en environnement ou dans l’aide aux familles, mais ces réinvestissements proviendront du réaménagement des enveloppes existantes ou des économies réalisées dans la réduction des constituantes de l’Etat.
  • Créer un gouvernement en ligne qui offrira tous les services gouvernementaux applicables par Internet. C’est plus efficace et plus économique.
  • Ouvrir l’administration publique a la sous-traitance et au partenariat public-privé, dans la mesure ou cela se traduira par une amélioration des services aux citoyens et par une réduction des couts.
  • Décentraliser et déléguer des pouvoirs, vers les régions notamment, afin de favoriser l’autonomie régionale.

Afin de sortir le systéme de santé de ses difficultés actuelles, deux visions fondamentalement opposées s’affrontent. La premiére a comme prémisse que la santé est un produit de consommation, un produit monnayable. La deuxiéme a pour prémisse que la santé est un droit humain inaliénable. C’est celle que nous défendons. Les valeurs politiques qui réunissent les militants du Parti libéral du Québec nous aménent a rejeter d’emblée toute approche de santé impliquant une discrimination des citoyens en fonction de leurs revenus. Ajouter a la douleur de la maladie la douleur de l’appauvrissement ou de l’exclusion ne sera jamais un progrés. Ce sera toujours un recul.

Notre systéme public de santé est non seulement un rempart contre l’injustice, c’est aussi un avantage économique. Tous ceux qui se sont sérieusement penchés sur cette question en arrivent a la méme conclusion. En 1999, par exemple, Charles Baillie, qui a tout récemment quitté la présidence de la banque Toronto Dominion, disait devant la Chambre de commerce de Vancouver, que :

Le fait d’abandonner notre systéme de soins de santé subventionné exclusivement par l’Etat constituerait non seulement une erreur morale, mais aussi une erreur économique, ayant de graves conséquences. (…) En cette ére de mondialisation nous devons profiter de tout avantage concurrentiel et comparatif dont nous disposons. Et les principes fondamentaux de notre systéme de soins de santé constituent l’un de ces avantages.

Il n’y a aucune économie a réaliser ni pour les citoyens, ni pour les entreprises, ni pour le gouvernement a tendre vers une formule a l’américaine avec facturation de l’usager. Cela entrainerait inévitablement une cannibalisation du systéme public. C’est-a-dire un déversement des effectifs médicaux, infirmiers et techniques du public vers le privé, et donc un affaiblissement du réseau public, et, par-dela, une pression a la hausse sur les couts de fonctionnement.

D’ailleurs, ceux qui se font les promoteurs d’un systéme de santé a deux vitesses n’ont aucun chiffre a avancer pour appuyer leurs dires, alors que de nombreuses données nous aménent a rejeter cette option. Par exemple :

  • 40 p. 100 de toutes les faillites personnelles aux Etats-Unis sont attribuables aux factures médicales que les personnes ne peuvent payer;
  • Plus de 40 millions d’Américains n’ont aucune assurance médicale, parce qu’ils n’en ont pas les moyens;
  • Le cout d’administration du systéme américain est au moins deux fois plus élevé que le notre; 22 p. 100 des dépenses totales vont a l’administration aux Etats-Unis, contre 11 p. 100 chez nous;
  • Les couts défrayés par les employeurs pour les services de santé sont de 2 a 2,8 fois plus élevés aux Etats-Unis qu’au Canada;
  • Les primes d’assurance santé assumées par les employeurs américains ont augmenté de 11 p. 100 en 2001 et augmenteront de 13 p. 100 en 2002;
  • Il en coute en moyenne 7 000 dollars US par année pour offrir une couverture standard a un employé et a sa famille;
  • Les Etats-Unis consacrent 13,7 p. 100 de leur PIB a la santé contre 8,6 p. 100 au Canada. Or, selon le rapport Harvard, nous sommes en meilleure santé que les Américains, notre espérance de vie est plus grande, notre taux de survie a un cancer est meilleur.

Méme si nous sommes fondamentalement opposés a toute tarification directe, nous sommes tout aussi fermement convaincus que le secteur privé doit jouer un role important dans le réseau. Cette position est également défendue par l’Association médicale canadienne, par le Conseil du Patronat du Québec et par les rapports Clair et Arpin.

Nous recourrons aux cliniques médicales spécialisées pour augmenter l’offre de services, désengorger le réseau public et réduire les listes d’attente, notamment en chirurgie. Une multitude d’interventions, d’examens ou d’analyses seront effectués quotidiennement en clinique. Mais le patient ne déboursera jamais un sou de plus que sa contribution en impots. L’offre de services en matiére de santé se résumera comme ceci : plusieurs fournisseurs, un seul assureur. L’Etat.

En matiére de santé, « attente » est synonyme de « souffrance ». Il faut combattre l’attente. Et nous vaincrons l’attente indue en rendant toutes les ressources accessibles a tout le monde, partout, en tout temps. Le réseau public demeurera le maitre d’œuvre de tous les services de santé assurables.

L’efficacité du privé participera, par ailleurs, a l’optimisation des ressources en hopital. Compte tenu du déploiement requis en milieu hospitalier, il sera beaucoup plus économique et efficace d’effectuer des interventions mineures en clinique privée. Ce faisant, nous éviterons le report d’interventions majeures dans les hopitaux.

Cette collaboration avec le secteur privé ne pourra se faire que dans le cadre de changements majeurs dans l’organisation du réseau. Il faudra notamment éliminer les régies régionales de la santé. Elles ont été crées pour favoriser une meilleure coordination des services et rapprocher l’argent et les décisions des besoins. Mais les régies se sont avérées un détour plus qu’un raccourci. Toutefois, il ne s’agit pas de les abolir pour centraliser davantage, mais bien pour mieux décentraliser vers les établissements.

The inner workings of government
Keep track of who’s doing what to get federal policy made. In The Functionary.
The Functionary
Our newsletter about the public service. Nominated for a Digital Publishing Award.

Il faut revenir a des dimensions plus humaines. Les établissements qui doivent, au premier chef, coordonner leurs services sont ceux qui servent une mé‚me communauté. Il faut d’abord voir le réseau sur une base locale. Il n’est pas nécessaire qu’il y ait une superstructure pour qu’une personne agee qui occupe un lit de courte durée a l’hopital soit plus vite dirigée vers un centre d’hébergement et de soins de longue durée. Il n’est pas nécessaire non plus qu’il y ait une superstructure pour qu’une chirurgie soit effectuée dans une clinique spécialisée ou dans un autre hopital. Il faut des gens qui se parlent et des outils technologiques pour favoriser cette coordination.

Il n’y aura plus de mur a mur, ce sera du sur mesure. Des réponses adaptées a des réalités régionales et aux besoins des populations locales. A la base, la santé est une relation humaine entre une personne soignante et une personne souffrante. Ce rapport doit s’établir de la façon la plus simple et la plus directe possible.

En cela, si le rapport Romanow a posé un diagnostic éclairé sur les difficultés vécues du systéme canadien de santé et si nous saluons les réinvestissements qu’il préconise, nous ne pouvons que déplorer le fait qu’il propose d’autres structures la ou il y en a deja trop, et d’empiéter dans les champs de compétence des provinces.

Il faut enfin redonner une marge de manœuvre aux établissements et a leurs directeurs généraux en décentralisant, par exemple, une partie des négociations des conventions collectives. Tout ce qui touche a l’organisation du travail sera négocié localement.

On ne peut pas gérer efficacement un hopital avec 40 unités d’accréditation. Il faut donc réduire le nombre d’unités d’accréditation et assouplir le code du travail pour qu’il soit plus facile de recourir a la sous-traitance lorsque pertinent et pour mieux coordonner les services et les effectifs.

Nécessaires pour humaniser, assouplir et dynamiser le réseau de la santé et des services sociaux, ces mesures ne suffiront pas pour réparer tous les dégats. Il faudra aussi réinvestir. Et il est possible de réduire les impots et de réinvestir en santé comme les expériences de l’Ontario, de l’Alberta et du Nouveau-Brunswick le démontrent.

Ace chapitre, il importe de couvrir tous les couts de croissance du systéme et par « couts de croissance », nous nous référons a la définition du rapport Clair qui établit ces couts a 5,1 p. 100 par annéemais aussi d’investir de l’argent neuf.

De façon plus précise :

  • Il faut autoriser l’ouverture des salles d’opération fermées faute de budgets et permettre aux chirurgiens de dépasser leurs quotas d’opération pour faire baisser rapidement les listes d’attente. Il ne faut plus que personne n’attende au-dela de la période jugée acceptable.
  • Il faut augmenter le nombre de médecins et d’infirmiéres en haussant les admissions pour former 750 médecins de plus et en embauchant 1 500 infirmiéres de plus en cinq ans.
  • Il faut investir massivement dans le développement des soins a domicile. C’est un domaine étroitement lié a la qualité de vie des citoyens, qui a été dramatiquement négligé au cours des derniéres années. C’est pourtant une façon concréte de prévenir l’engorgement des urgences et l’hospitalisation.
  • Il faut investir aussi dans l’amélioration des services dans les centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD). Le taux de réponse aux besoins, qui est actuellement aux alentours de 70 p. 100, n’est pas acceptable. Il faut faire mieux. Dans ce domaine aussi, par ailleurs, les partenariats avec les résidences privées m’apparaissent porteurs.
  • Il faut reconnaitre et mieux soutenir les aidants naturels en augmentant les crédits fiscaux accordés aux personnes qui hébergent un parent en perte d’autonomie.
  • Enfin, il faut investir aussi dans l’amélioration des équipements médicaux.

Mises bout a bout, ces différentes mesures entraineront un trés important coup de barre dans le réseau de la santé et des services sociaux.

You are welcome to republish this Policy Options article online or in print periodicals, under a Creative Commons/No Derivatives licence.

Creative Commons License