Le Québec est à l’heure des décisions. Nous sommes arrivés au bout d’un modèle de fonctionnement. Ce modèle a été créé il y a une quarantaine d’années par de grands Québécois. Il nous a permis d’aller loin. Mais nous devons maintenant le revoir pour continuer à progresser. Les Québécois en sont conscients. C’est pour cette raison qu’ils nous ont élus.

L’État québécois est sous pression. Il ne parvient plus à soigner efficacement. Nos écoles manquent de ressources pour accompagner les élèves en difficulté. Nos infrastructures se détériorent, qu’il s’agisse de nos routes ou de nos systèmes d’aqueduc, par exemple. Le Québec souffre d’un sous-investissement dans des secteurs stratégiques.

Il faut aujourd’hui faire un constat : l’État québécois, qui a donné le signal de notre émergence parmi les sociétés les plus modernes du monde, a vieilli. Il se trouve aujourd’hui en décalage face aux citoyens. Il ne parvient plus à répondre efficacement à leurs besoins. Et les Québécois en font les frais tous les jours. Il fait de nous les citoyens les plus taxés du continent. Il place notre niveau de vie au 52e rang sur 60 États et provinces du nord du continent. Cet État mal adapté nous coute 37 p. 100 plus cher qu’en Ontario et 25 p. 100 plus cher que dans le reste du Canada.

Il s’en trouvera peut-être pour dire que c’est là le prix de notre différence.

Je refuse cette analyse. Notre différence n’est pas une taxe. Je pense plutôt que c’est le prix payé par les Québécois pour des gouvernements qui ont manqué à leur devoir, à leur devoir de réviser périodiquement leurs façons de faire, comme tous les citoyens l’ont fait dans leur travail, dans leur entreprise et dans leur foyer.

Je pose aujourd’hui une question. Pendant combien de temps l’État québécois peut-il exiger davantage de sacrifices de ses citoyens que de lui-même ? Pendant combien de temps, l’État québécois peut-il continuer à tout taxer et à se mêler de tout avec, pour résultat, de souvent faire les choses à moitié ?

Si nous voulons soigner nos enfants et nos parents sans délai, nous devons nous doter d’un État capable de s’y consacrer. Si nous voulons que nos écoles soient mieux équipées, que les élèves en difficulté soient mieux accompagnés, nous devons dégager des ressources pour le faire. Certaines de ces ressources sont à Ottawa. Nous devrons les récupérer en obtenant le règlement du déséquilibre fiscal. Mais cela ne nous dispense pas de l’obligation de faire notre propre ménage.

Nous devons nous organiser pour répondre aux besoins des citoyens. Et nous devons le faire en rejetant la solution facile qui consiste à toujours puiser dans la poche des citoyens. Nous avons un plan pour y arriver.

La nécessité de revoir le fonctionnement de notre État ne tient pas seulement à la difficulté qu’éprouve le gouvernement à répondre aux besoins des citoyens. Cette nécessité tient aussi au contexte dans lequel nous vivons.

Le Québec ne peut plus prétendre être une bulle, comme à l’époque ou notre État a été conçu, l’époque ou nos concurrents étaient dans le village d’a côté.

Nous vivons dans un monde d’interdépendance et de concurrence internationale. Les Québécois ont d’ailleurs été aux premières loges de ce mouvement de libéralisation commerciale. Dès 1988, les Québécois ont endossé avec enthousiasme le libre-échange avec les États-Unis, puis l’Accord de libre-échange nord-américain, qui intégrait le Mexique a notre marché commun. Ce n’est pas fini. Bientôt, ce sera la Zone de libre-échange des Amériques qui réunira la terre de Baffin et la Terre de Feu dans un seul marché.

Cette adhésion des Québécois a l’ouverture des marchés témoignait de leur confiance en eux. Aujourd’hui, l’économie québécoise est pleinement intégrée à l’Amérique du Nord. Notre produit intérieur brut dépend à 60 p. 100 des exportations : 20 p. 100 vers le marché canadien, 35 p. 100 vers le marché américain et 5 p. 100 vers les autres marchés. Tous les jours, les entreprises québécoises, pour créer des emplois, doivent gagner la comparaison des prix et de la qualité.

Le marché intérieur québécois n’est pas suffisamment important pour nourrir notre croissance. C’est notre réalité démographique. Pour grandir, il nous faut vendre aux autres. Nous devons donc être pleinement concurrentiels. Ce n’est pas une question de choix, c’est une question de survie.

Or, dans l’état actuel des choses, l’État québécois, par le poids qu’il exerce sur notre économie, nuit à la position concurrentielle du Québec. L’interventionnisme a tout crin est non seulement une stratégie de développement économique ruineuse et inefficace, mais c’est une stratégie de plus en plus contraire aux règles du jeu. L’avenir économique du Québec, ce n’est pas l’interventionnisme, c’est l’entrepreneurs hip. Il nous faut nous adapter.

La détérioration de la capacité de l’État québécois à bien servir les citoyens et la préservation de la position économique concurrentielle du Québec nous imposent une révision du fonctionnement de l’État. De surcroit, la situation financière du Québec fait de cette révision une urgence.

Dans les mois qui vont suivre, nous allons faire ce qui ne s’est jamais fait de façon sérieuse et structurée. Nous allons passer en revue l’ensemble des ministères, sociétés d’État, organismes publics et parapublics, ainsi que l’ensemble des programmes qu’ils administrent. Nous allons remettre à jour le fonctionnement de notre État. Nous procéderons avec méthode et rigueur selon des principes de gestion qui seront les principes de notre administration.

Premièrement, nous allons recentrer l’État sur ses missions essentielles : santé, savoir, prospérité, sécurité.

Deuxièmement, dans ces missions essentielles, notre premier souci sera la qualité des services aux citoyens. Moins de structures, plus de services. A mon sens, l’État des années 2000 doit se concevoir comme un instrument au service de la réussite de ses citoyens. Ce n’est pas l’État qui signera la réussite du Québec, ce sont les Québécois. Nous serons là pour chacun d’eux dans un esprit de justice sociale. Nous allons favoriser leur initiative individuelle et leur responsabilisation.

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Troisième principe : transparence et efficacité. Les Québécois ont le droit de savoir ce que fait leur gouvernement de chaque dollar qu’il perçoit à emmêle fruit de leur travail. Les Québécois doivent en avoir pour leur argent. Il faut chasser cette idée que l’État est forcément inefficace. Parce que c’est faux. Il y a dans l’État québécois des organisations qui sont des modèles d’efficacité. Nous le reconnaissons et nous les reconnaitrons.

Quatrième principe : décentralisation, partenariat et imputabilité. L’État québécois ne peut pas tout faire seul. Il doit apprendre à faire confiance et à déléguer. Nous ouvrirons l’État québécois aux partenariats, que ce soit avec les municipalités, avec des organismes communautaires ou avec des entreprises privées. Chaque partenaire sera imputable des responsabilités qui lui ont confiées et des ressources afférentes devant les élus de l’Assemblée nationale.

C’est sur la base de ces principes de gestion que nous inaugurerons six grands travaux qui seront le cœur de la réingénierie de l’État québécois.

Nos six grands travaux sont les suivants : Numéro 1 : révision des structures de l’État et des programmes gouvernementaux. Numéro 2 : revue des modes d’intervention du gouvernement dans l’économie. Numéro 3 : réorganisation des services de santé. Numéro 4 : examen des perspectives de décentralisation et de déconcentration. Numéro 5 : recentrage du réseau de l’éducation sur l’élève et l’étudiant. Numéro 6 : simplification et allégement du fardeau fiscal.

Il est important que les Québécois comprennent que ce que nous entreprenons n’est pas exceptionnel. Ce qui est exceptionnel au Québec, c’est que cela n’ait pas déjà été fait. Nous pourrons donc nous inspirer des expériences de plusieurs autres gouvernements. Nous pourrons nous comparer à plusieurs autres gouvernements. Le Québec doit soutenir la comparaison. Il doit reconnaitre ses forces autant que ses faiblesses pour mieux capitaliser sur les unes et combattre les autres.

Je convie les Québécois à envisager ces travaux avec enthousiasme. C’est un formidable projet que nous avons élaboré avec les Québécois. Nous allons insuffler un vent d’air frais au Québec. Nous allons ouvrir les fenêtres de notre grande maison. Nous allons nous donner une société dans laquelle nous serons plus libres et plus prospères. Le Québec sera plus stimulant pour chacun de nous.

Nous verrons des changements dans nos structures et dans nos façons de faire. Il y aura, et c’est normal, une résistance toute naturelle au changement. Comme il y a 40 ans, lorsque des Québécois se sont levés pour faire la Révolution tranquille et nous faire accéder à la modernité. Les Québécois de la Révolution tranquille étaient confiants et enthousiastes. Nous le sommes encore plus aujourd’hui. Parce que nous savons qu’aucun sommet ne nous est inaccessible.

Nous allons donner aux Québécois un État plus efficace, moins couteux, moins bureaucratisé. Un gouvernement d’aujourd’hui. Ce gouvernement sera capable d’assumer pleinement les responsabilités qui sont les siennes et de bien servir les citoyens du Québec, de bien les soigner, de bien les éduquer. Nous allons dégager les ressources humaines et financières qui nous sont nécessaires pour relever les défis nouveaux et pour solidifier les assises de notre développement et de notre croissance.

Notre attachement aux principes démocratiques nous amènera par ailleurs à présenter, au printemps 2004, un projet global de réforme des institutions démocratiques. Nous modifierons notamment le mode de scrutin afin que la distribution des sièges dans cette Assemblée reflété plus fidèlement les suffrages exprimés. Nous réviserons la Loi électorale afin de favoriser l’exercice du droit de vote.

Nous voulons que chaque citoyen du Québec se sache investi du pouvoir de changer les choses et se sente encouragé à exercer son droit d’être entendu. Je veux que ce soit vrai lors des scrutins, mais je veux aussi que ce soit vrai au quotidien. Et il y a des moyens pour cela.

Avec nos partenaires canadiens, le premier dossier à l’ordre du jour sera la question du déséquilibre fiscal. Le déséquilibre fiscal est une réalité reconnue par tous les partis de cette Assemblée et partagée par toutes les provinces canadiennes.

Notre gouvernement redonnera au Québec son rôle de leader au sein de la fédération canadienne. Nous proposerons d’établir à Québec un bureau de négociations du déséquilibre fiscal. Nous proposerons aussi l’instauration d’un conseil de la fédération : un lieu permanent d’échanges et de concertation entre le Québec et ses partenaires. Nous offrons la coopération à nos partenaires canadiens en sachant qu’elle demande davantage d’efforts que la confrontation.

Notre gouvernement se rangera aussi aux cotés des communautés acadiennes et francophones hors Québec que le gouvernement précédent a, pour ainsi dire, ignorées. Le Québec a une responsabilité face à ces communautés. Nous établirons un Centre de la francophonie dans les Amériques afin de resserrer les liens entre les communautés francophones de ce continent.

Dans cinq ans, le Québec sera plus solide. Il sera appuyé par un État transparent, qui sera parvenu à concentrer ses ressources dans ses missions essentielles pour répondre efficacement aux besoins des citoyens. Cet État croira dans la primauté des libertés individuelles. Il croira que la réussite du Québec ne réside pas dans ses structures, mais en chacun de nous. C’est cette réussite individuelle qui permettra une meilleure répartition de la richesse et une plus grande justice sociale. Au cœur de cet État, se trouveront les employés de l’État. Ils auront été les maitres d’œuvre de son renouveau. Ils seront source de fierté pour leurs concitoyens.

Il y a 40 ans, un gouvernement issu de notre formation politique a placé le Québec sur la voie de la modernité. Les membres de ce gouvernement étaient réunis par un enthousiasme et une conviction inébranlables. Ils avaient la certitude, jusqu’au plus profond de leur âme, d’inaugurer quelque chose de grand, d’être choisis par le temps et sa nécessité pour amener le Québec plus loin. Ce même sentiment anime aujourd’hui mon équipe et moi-même.

 

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