« Mais alors, improbable, est-ce aÌ€ dire que vous allez devoir tout prouver? Et plausible, que vous méritez d’é‚tre applaudi? »
Jean Rouaud
Au cours de la dernié€re décennie, de nombreux scan- dales ont secoué la confiance dans les mécanismes usuels d’allocation de ressources (marché, état, etc.) dans les Amériques. Au Canada, l’affaire des commandites, les propos excessifs de la vérificatrice générale et de l’ancien premier ministre Paul Martin en y faisant écho, et, plus récemment, les « révélations » du cirque Gomery, ont déclenché l’ire d’une population qui en est venue aÌ€ perdre confiance tant dans la fonction publique que dans les titu- laires de charge publique. Cette population désabusée a donc réclamé aÌ€ cor et aÌ€ cri une croisade contre la mal- administration et pressé le gouvernement de mettre en place les mécanismes d’incitation requis pour que tout ce beau monde se conduise mieux.
Cette croisade obligée, le gouvernement Harper l’a enfourchée par conviction mais aussi par opportunisme, mais il l’a fait d’une manié€re outrée : pour rassurer les citoyens, on a misé sur un corpus de ré€gles formelles sou- vent excessives, et sur un nouveau clergé (aÌ€ qui on pré‚te naïvement sagesse, clairvoyance et hauteur de vue « solomoniques ») pour les interpréter.
Dans certains cas, le nouveau clergé non seulement interprétera les nouvelles régulations ex post, mais deviendra une sorte de « directeur de conscience » ex ante : par exem- ple, tout titulaire de charge publique doit « consulter » l’ad- judicateur au moment d’accepter une invitation dont les avantages peuvent é‚tre « évalués » aÌ€ plus de deux cent dol- lars, et, en cas de doute quelconque, quelle que soit la valeur marchande de l’invitation !
On a donc créé rien de moins qu’un nouveau collé€ge de cardinaux (d’autres diraient « commissaires ») dans le « nou- veau plan d’action pour l’imputabilité fédérale » proposé par le gouvernement du Canada en avril 2006. Car les nou- velles « régulations » demandent aÌ€ é‚tre interprétées, récla- ment une « adjudication » ! On a donc mis en place un ensemble de mécanismes personnalisés chargés de décider quand il y a de l’indécidable, de cal- culer l’incalculable, de sonder l’in- sondable
Avec un brin de licence poétique, on pourrait dire que le Canada s’est enfoncé d’un autre cran dans une « culture de l’adjudication » ”” une idolaÌ‚trie des processus de détermina- tion artificielle de ce qu’est la paille et le grain, le coupable et l’innocent, l’ac- ceptable et l’inacceptable, de haut en bas, par des instances élevées arbi- trairement et abusivement aÌ€ un roÌ‚le régalien.
Le plan d’action s’est déployé sur cinq fronts : politique (réformer le financement des partis poli- tiques), parlementaire (étoffer le roÌ‚le du Parlement), fonction publique (renforcer la qualité de la fonction publique), marchés publics (assainir l’ad- judication des contrats), et transparence (rendre le gou- vernement plus ouvert).
Au cœur de ces réformes, quelques « interdits » mais surtout nombre de « commissaires » dont les postes sont renforcés ou créés : interdites certaines formes de finance-ent des partis politiques, nouveau commissaire au lobbying, renforce- ment du roÌ‚le de commissaire aux con- flits d’intéré‚t et aÌ€ l’éthique ainsi que du roÌ‚le du commissaire aÌ€ l’accé€s aÌ€ l’in- formation et du vérificateur général, nouvelle commission des nomina- tions publiques, nouveau vérificateur de l’approvisionnement, nouveau commissaire aÌ€ l’intégrité du secteur public, nouveau directeur des pour- suites pénales.
Le gouvernement Harper a dit haut et fort (et aÌ€ plusieurs reprises) qu’il est conscient de la nécessité d’un équilibre entre la souplesse essentielle, pour que le secteur public soit aussi productif et innovateur que possible, et la surveillance nécessaire pour éliminer la corruption et pro- mouvoir la transparence. Mais cette nouvelle feuille de route est forte- ment orientée vers un accroissement de la surveillance. Elle est construite sur le constat inavoué que la con- fiance a été perdue et que le controÌ‚le est de rigueur.
Vouloir responsabiliser les acteurs ”” rien de plus légitime. Mais la perspective « adjudicatoire » (si l’on me permet ce barbarisme) devient contre-productive quand son zé€le dans la production de la responsabi- lité fait qu’elle veut attribuer des fautes mé‚me quand il n’y a pas néces- sairement de « fautif ». Poussée aÌ€ l’ex- tré‚me (en faisant de la transparence et des ré€gles presque des « absolus », et en mettant en place des ayatollahs pour en faire l’interprétation), cette approche a des effets pervers.
D’une part, elle suggé€re que l’opti- mum de transparence est le maximum de transparence, et qu’une trans- parence parfaite va permettre de débusquer partout des « respon- sables ». Mais la machine aÌ€ imputer est souvent dangereusement erratique : de nombreux actes délété€res ne sont pas raisonnablement imputables aÌ€ des per- sonnes précises, et vouloir les imputer aÌ€ tout prix ne peut mener qu’aÌ€ un jeu de victime émissaire ouÌ€ la transparence fait reculer la confiance encore davan- tage. Comme le disait Onora O’Neill (dans ses Reith Lectures de 2002) « transparency and openness may not be the unconditional goods that they are fashionably supposed to be ».
D’autre part, le recours aÌ€ un appareil de ré€gles plus musclé est fondé sur une foi dans la coercition que ne partagent pas la plupart des experts pour qui il est clair qu’il y a déjaÌ€ trop de ré€gles, dont plusieurs encrassent la bonne administration et la bonne gouverne dans un monde qui réclame productivité et innovation accrues. Multiplier les ré€gles et les instances chargées de les interpréter d’une manié€re quasi judiciaire (de manié€re aÌ€ débusquer les coupables et aÌ€ les punir) dans un monde ouÌ€ souvent « personne n’est pleinement respon- sable », fait qu’on tombe vite dans ce que Jean Lacouture nomme l’univers des journalistes ”” celui de la « dic- tature de la transparence » et des « magistrats de l’immédiat », dans une certaine forme de « terreur ».
Le gouvernement Harper n’est pas sans comprendre les dangers de cette stratégie de transparence maximale et d’im- putabilité dure et formalisée qui lui a été fortement « sug- gérée » par Gomery, ses œuvres et ses pompes. Pour éviter de sombrer dans un formalisme trop débilitant, la nouvelle feuille de route a donc tenté d’assurer un certain degré de souplesse en mettant en place des commissaires pour « interpréter » cette régulation formelle. Mais ce qui avait pour but de rassurer ceux qu’un formalisme extré‚me pouvait gé‚ner a de quoi inquiéter encore davantage. Ces processus d’adjudication peuvent devenir oppressants, et, en toute probabilité, le deviendront.
Cette confiance dans le processus d’adjudication vient de l’ascendant qu’ont pris les juges sur nos sociétés. On est passé, au cours des dernié€res décennies, de la ré€gle de droit, aÌ€ l’idolaÌ‚trie des droits, et puis aÌ€ une déférence vis-aÌ€-vis du clergé qui les interpré€te. La rectitude politique exige qu’on considé€re ce clergé comme infaillible et mé‚me que toute critique de la transcendance de ces clercs soit dénoncée comme sacrilé€ge. On a statué que le peuple désire avant tout la certitude et la clarté mé‚me en plein brouillard, et que cela ne peut venir que des édits de tels commissaires. Mieux vaut, semble-t-il, pour certains, une mauvaise ré€gle claire qu’une bonne ré€gle floue. Et dans cette recherche de « certitudes », il serait trop naïf de vouloir compter sur le pro- fessionnalisme et la confiance, quand on peut s’en remettre aÌ€ des ré€gles d’or et aÌ€ une élite de superbureaucrates, censé- ment éclairés, pour les interpréter.
Formalisme et adjudication administrative ne sont pas des réalités nouvelles, mais on vient de les exhausser. Or c’est bien davantage sus- ceptible de décourager la responsabili- sation que de la promouvoir. En effet, si l’on présume que transparence, ré€gles et commissaires sont la seule manié€re de maintenir le cap, il devrait é‚tre clair que le professionnalisme va disparaiÌ‚tre, et que l’esquive et la fuite des responsabilités deviendront vite la norme. VoilaÌ€ qui, aÌ€ la longue, ne saurait é‚tre que contre-productif et que réduire la responsabilisation, et donc la souplesse, l’efficacité et l’inno- vation. La nouvelle feuille de route rassure donc la galerie temporaire- ment, mais aÌ€ des couÌ‚ts d’efficacité fort importants.
Saura-t-on jamais combien a couÌ‚té le grand cirque Gomery, en ter- mes d’efficacité et d’innovation, dans les opérations de la fonction publique fédérale au cours des dernié€res années? Apré€s avoir vu le gouverne- ment précédent sous-estimer les couÌ‚ts en perte d’efficacité de Gomery, le gouvernement Harper, raisonnable- ment soucieux de rassurer des citoyens qui ont perdu confiance dans leurs institutions, semble en danger d’en généraliser les procédés. Cette philosophie d’adjudication généralisée est susceptible non seule- ment de se traduire dans un appareil d’état bien plus couÌ‚teux et inefficace, mais encore de mettre en place des régimes de controÌ‚le tellement dys- fonctionnels qu’on va é‚tre amené insensiblement aÌ€ tomber vastement dans la para-légalité.
En effet, aÌ€ proportion que des ré€glements excessifs vont brimer l’ac- tion efficace et engendrer des frustra- tions légitimes, des pratiques souterraines vont surgir aÌ€ la marge de la légalité qui vont faire que la trans- parence, la fiabilité et l’intégrité ”” qui étaient les objectifs originels ”” vont é‚tre érodées de facto. Cela a déjaÌ€ commencé dans le monde de l’accé€s aÌ€ l’information : une transparence excessive a entraiÌ‚né l’apparition de pratiques qui bannissent tout docu- ment faisant écho aÌ€ certaines réu- nions. On peut donc penser que l’établissement de processus rigides, inspirés par les bons sentiments, la croix et la bannié€re, arbitrés par des superbureaucrates (qui idéalisent cette culture de l’adjudication et donc sont portés aÌ€ la radicaliser) pourrait mé‚me nous laisser plus mal en point qu’avant sur tous ces fronts.
Le recours « naturel » aux commis- saires est un produit de la culture organisationnelle du secteur public au Canada. La « culture organisation- nelle » est l’ensemble des croyances, traits, valeurs, traditions, coutumes et comportements que les membres d’une organisation utilisent pour s’ajuster de manié€re créatrice aux défis de leur environnement. Celle de l’ap- pareil gouvernemental fédéral au Canada s’est développée dans des temps de grands défis commandant des travaux d’Hercule (Grande Guerre, grande dépression). On s’est habitué aÌ€ « prendre les grands moyens » et aÌ€ pré- sumer que seul le niveau fédéral avait la sagesse et les capacités pour utiliser ces « grands moyens ».
On a donc développé une culture du grand G (gouvernement), hiérar- chique, fondée sur des ré€gles autoritaires et une compartimentation étanche des dossiers, forte de sa capa- cité aÌ€ imposer de haut en bas tant les façons de faire que les prestations homogé€nes au nom d’un égalitarisme qui réclamait (nous disait-on) un traitement uniforme de tous et toutes quelles que soient les circonstances et les préférences de chacun.
Cette culture s’arrime mal aux défis posés par un monde beaucoup plus éclaté ouÌ€ les frontié€res se sont effacées, la diversité et le pluralisme des perspectives ont cruÌ‚ dramatique- ment et ouÌ€ la collaboration, la flexibi- lité et les initiatives créatrices et plurielles sont nécessaires pour bien servir une population bariolée opérant dans un univers en turbulence. Il nous faut maintenant une culture organisa- tionnelle de petit g (gouvernance) : horizontale, collaborative, partena- riale, émergeant de bas en haut.
Mais la culture grand G reste vivace au Canada. La réaction « naturelle » du juge Gomery face aÌ€ l’aberration (son mot) de l’affaire des commandites a été de proposer des mécanismes de controÌ‚le beaucoup plus sévé€res. Ces propositions, fondées sur la présomption que les acteurs du secteur public ne sont pas suffisam- ment « responsables » et donc ont besoin de redditions de compte plus musclées, ont été adoptées presque « naturellement » par le gouvernement du Canada, et aucun parti d’opposi- tion n’a osé sérieusement les contester. On a donc célébré aÌ€ l’unisson l’é- vangile du grand G et accepté que, comme il ne peut y avoir d’évangile sans un clergé pour guider les ouailles, les confesser et leur décerner des « pénitences » en cas de péché, un processus adjudicatoire renforcé était aussi nécessaire.
L’une des conséquences importantes de la prévalence de la culture du grand G est de tout vouloir mettre dans le corset orthopédique du droit.
Dans une société de plus en plus différenciée, l’idée d’une régulation sociale centrale fondée sur le droit paraiÌ‚t de moins en moins pensable. Plus question pour l’EÌtat et son droit formel de vouloir guider la société dans son ensemble graÌ‚ce aÌ€ un com- pendium de ré€gles uniformes et indis- cutables. C’est pourtant une ambition qui reste encore vivace. Ce qui fait que, apré€s quelques décen- nies d’utopisme délirant ouÌ€ l’EÌtat a cru pouvoir prendre l’ascendant sur toutes les dimensions de la société, il y a eu réveil un peu brutal. L’état propulsif a fait long feu : il y a eu accumulation d’échecs et montée d’un EÌtat-straté€ge qui prétend tout au plus se faire catalyseur, animateur, agent de collibration (i.e., un inter- venant qui peut tout au plus mettre le pouce sur la balance pour com- penser ou restabiliser).
La véritable mesure de la bonne performance du nouvel EÌtat-straté€ge est sa capacité aÌ€ travailler de bas en haut, aÌ€ lire l’environnement, et aÌ€ se transformer rapidement (c’est-aÌ€-dire aÌ€ apprendre) afin de pouvoir répondre de façon créatrice aux défis que posent les nouveaux contextes. Or les vieilles organisations hiérarchiques sont plutoÌ‚t inefficaces dans ce genre d’adaptation car elles étouffent l’in- novation, éteignent les aspirations et ralentissent la croissance de la pro- ductivité. Une sorte d’artériosclérose les empé‚che de prendre les mesures nécessaires pour résoudre leurs pro- blé€mes. Face aÌ€ ces failles, les vieilles organisations hiérarchiques peuvent répondre que selon leur esprit par la multiplication des controÌ‚les, alors que ce qu’elles devraient faire, c’est plutoÌ‚t adopter des stratégies para- doxales et apparemment contradic- toires : d’un coÌ‚té, s’organiser et se structurer, et de l’autre, se désorga- niser et se déconcentrer ; devenir plus petites (aÌ€ mesure que les organisa- tions s’éclatent) et plus grandes (aÌ€ mesure que leurs réseaux grandis- sent) ; avoir plus d’autonomie et plus de latitude, mais également plus de partenaires.
Cette prolifération de nouveaux types d’organisations, de nouvelles concertations, de nouvelles compé- tences de gestion correspond aÌ€ l’émergence du nouveau modé€le évolutif des organisations : un mo- dé€le construit sur la coordination par l’adhésion volontaire aÌ€ des normes qui, parce qu’elles ne sont pas pleinement codifiées, peuvent mieux servir comme systé€me d’ori- entation et de guidage aÌ€ cause juste- ment de leur nature informelle, de la possibilité qu’elles ont de prendre en compte les particularités de chaque contexte concret, et de faire bon usage de la « jurisprudence » qui leur permet d’évoluer au fil des circon- stances.
C’est donc avec malaise qu’il faut considérer cette dérive accélérée vers l’adjudication de la nouvelle feuille de route du gouvernement Harper, et avec cynisme qu’il faut espérer la multiplication de dérapages qui vont amener le gouvernement Harper aÌ€ sortir de cette ornié€re.
Ce sera cependant difficile avant la fin de l’illusion jacobine ”” l’illu- sion que tous les humains sont les mé‚mes, et doivent se soumettre aux diktats de l’identique. C’est un monde « rassurant » qui nie les cir- constances, la diversité, et qui pré- tend gommer les différences et tout uniformiser. VoilaÌ€ pourquoi on impose des ré€gles quand un principe suffirait, un commissaire quand un accord ferait l’affaire, un encadrement quand le professionnalisme ferait mieux, le carcan de 2006 quand la pratique de 2005 était satisfaisante.
Pour combattre cette culture de l’adjudication, et enclencher le passage aÌ€ une responsabilisation intelligente, aÌ€ des imputabilités douces et multiples construites sur le flou de ce qu’on pourrait nommer « le fardeau de la charge », aÌ€ un design organisationnel qui construise sur la confiance et le professionnalisme, il faudra rien de moins qu’une révolution dans les esprits qui passe par la décentralisation et l’obligation de gouverner autrement aÌ€ cause de la turbulence de l’environ- nement et la grande diversité des cir- constances et des valeurs de chacun.
Le grand atout est la philosophie de gouvernance du nouveau gou- vernement conservateur (qui favorise la subsidiarité, la décentralisation et l’empouvoirement du citoyen) qui, il faut l’espérer, viendra vite affadir ces manœuvres de controÌ‚le en réduisant la valence de l’EÌtat central et en mul- tipliant les expériences de collabora- tion (privée, publique, sans but lucratif mais aussi au niveau intergou- vernemental) de telle manié€re que ce soit bien davantage par le recours aÌ€ la concurrence et aÌ€ la négociation que par le recours aux ré€glements et aux commissaires que les arbitrages néces- saires seront faits.
L’un des leviers qui pourraient avoir un fort effet déclencheur est un examen permanent des programmes gouvernementaux au Canada qui com- mande non seulement une correction du déséquilibre fiscal (qu’on discute souvent comme si la donne du coÌ‚té des responsabilités des trois ordres de gouvernement était fixée aÌ€ perpétuité) mais encore un réaménagement des responsabilités entre les trois ordres de gouvernement (aÌ€ tout le moins une fois tous les dix ans) pour redéfinir la division du travail, les roÌ‚les de chacun pour que le citoyen (dans toute la com- plexité et la diversité de ce que ce terme recouvre) soit le mieux servi compte tenu de sa capacité et de sa volonté de payer ses impoÌ‚ts, mais aussi des changements dans le contexte, et de l’évolution dans les technologies de gouvernance disponibles.
Ce genre de réexamen tous les dix ans de la loi des banques, de la loi des compagnies, de la loi sur la con- currence et de bien d’autres ensem- bles de ré€gles a bien servi le Canada en réajustant les ré€gles du jeu pour tenir compte de l’évolution du con- texte et des préférences des citoyens. Il n’y a aucune raison de croire qu’il n’en serait pas de mé‚me si l’on procé- dait aÌ€ un grand ménage dans l’ordre institutionnel tous les dix ans en plus des ajustements ponctuels faits en cours de route.
Quand cette « révolu- tion permanente » aura été mise en train, on pourra dire que, comme Hercule, (qui, apré€s avoir nettoyé les écuries d’Augias ”” d’une manié€re qu’Eurysthée jugea inacceptable parce qu’il avait été « payé » ”” s’atta- qua au gros problé€me ”” celui de maiÌ‚triser Cerbé€re, le chien aÌ€ trois gueules qui gardait la porte des Enfers), le gouvernement Harper s’est attaqué d’abord, aÌ€ cause de la psychose ambiante en 2006, aÌ€ des travaux d’assainissement qui, sans é‚tre inutiles, n’étaient peut-é‚tre pas les plus importants (et pour lesquels il faut ajouter qu’il a été récompensé par les citoyens en monnaie de singe) avant de s’attaquer au problé€me névralgique du fédéralisme canadien ”” la taÌ‚che essentielle de maiÌ‚triser/apprivoiser Cerbé€re.
Dans ce monde en évolution, l’écologie de gouvernance, la concur- rence et la négociation vont remplacer l’idole « adjudication ». Et le grand levier susceptible de déclencher le pas- sage de grand G aÌ€ petit g sera la propen- sion aÌ€ décentraliser qui, sans é‚tre une panacée, est porteuse d’un grand coeffi- cient de subversion et de déstabilisa- tion ”” peut-é‚tre pas assez grand pour enclencher la révolution dans les esprits, mais suffisamment grand pour permettre qu’elle s’accomplisse.