Lester B. Pearson, qui n’a jamais dirigé un gouvernement majoritaire en quatre élections, arrive loin devant en tête du palmarès d’Options politiques des premiers mi­nistres du demi-siècle prenant fin avec le 50e anniversaire du couronnement de la reine Élisabeth II, le 2 juin 1953.

Selon les résultats du sondage d’Options politiques-IRPP, élaboré en collaboration avec d’éminents spécialistes de l’histoire et de la vie politique canadiennes, le quatorzième premier ministre du Canada remporte haut la main la palme d’un jury composé de 30 historiens, politologues, économistes et anciens hauts fonctionnaires, auxquels s’ajoutaient quelques réputés éditorialistes, auteurs et journalistes (Le total ne compte que 28 voix car quatre participants ont été groupés en paire avec un seul vote pour chacune).

Brian Mulroney, père du libre-échange et de la taxe sur les produits et services, s’est imposé au deuxième rang malgré des avis très divergents, généralement entre francophones et anglophones, sur l’évaluation des ententes constitutionnelles ratées du lac Meech et de Charlottetown. Au troisième rang, Pierre Elliott Trudeau a obtenu d’excellentes notes pour avoir enchâssé la charte des droits et libertés dans la constitution ce qui n’a toutefois pas suffi à faire oublier sa performance sur le plan économique et financier, alors que sous sa gouverne la dette du pays bondissait de plus de 1 000 p.100.

Celui-ci est suivi de près par Louis Saint-Laurent ”” on pourrait statistiquement parler d’ex à¦quo ””, qui a gouverné dans une période d’après-guerre caractérisée par la prospérité et l’expansion et dont la performance est jugée excellente dans les trois domaines de l’économie, de l’unité canadienne et de la politique étrangère. Jean Chrétien occupe le cinquième rang, malgré les meilleures notes en économie et en finance que lui ont notamment valu un équilibre budgétaire retrouvé et le remboursement de la dette. C’est au chapitre du leadership et des affaires étrangères, en particulier des relations canado-américaines, qu’il a perdu quelques plumes.

Plusieurs membres du jury ont toutefois observé qu’il est prématuré d’évaluer ainsi un premier ministre en fonction, qui « pourrait monter au classement au fil du temps », a fait valoir l’historien et prolifique auteur Jack Granatstein. Pour le moment, on s’entend pour dire que le retour de l’équilibre budgétaire et des dividendes financiers, de même que la Loi sur la clarté référendaire définissant les règles à suivre en cas de séparation, sont les grandes réalisations des années Chrétien.

Malgré un tempérament fougueux et un magnétisme certain en campagne électorale, John Diefenbaker s’est retrouvé loin derrière au sixième rang : la plupart de nos experts ont jugé qu’il avait multiplié les occasions manquées et les politiques défaillantes, tout en reconnaissant à leur juste valeur des initiatives comme la Déclaration des droits, la vente de blé à la Chine communiste contre l’avis des États-Unis et l’expulsion du Commonwealth d’une Afrique du Sud tenante de l’apartheid. En remportant les scrutins de 1957 et 1958, il a aussi brisé la domination d’une dynastie libérale gonflée d’arrogance après 22 années au pouvoir et fait souffler sur le pays un vent de changement démocratique.

Nous avons demandé aux participants de classer les premiers ministres sur une échelle de 1 à 10 dans quatre domaines clés : unité canadienne et gestion de la fédération ; économie et politique financière ; influence du Canada dans le monde mesurée d’après sa politique étrangère, sa politique de défense et ses échanges commerciaux ; politique sociale et attention portée aux préoccupations des citoyens. Le jury devait éva­luer pour chaque premier ministre dans quel état se trouvait le pays à son arrivée et à son départ, et déterminer s’il avait exercé un leadership de transformation, de transition ou de transaction. Enfin, il devait tenir compte de l’ensemble de ces facteurs pour établir le classement des six premiers ministres considérés. C’est Daniel Schwanen, économiste principal à l’IRPP, qui a compilé les résultats.

Bien que neuf premiers ministres aient servi le pays pendant le demi-­siècle du règne exceptionnel d’Élisabeth II, nous avons arbitrairement relégué Joe Clark, John Turner et Kim Campbell aux trois derniers rangs : M. Clark au septième parce qu’il est seul à s’être fait élire, au scrutin de 1979 ; M. Turner au huitième parce qu’il a mené deux fois campagne aux élections de 1984 et 1988, et qu’il s’est audacieusement opposé au libre-échange lors de ce dernier scrutin ; et Mme Campbell au neuvième, puisque son passage au pouvoir en 1993 n’aura duré qu’un court été.

Restaient donc six « candidats sérieux » au titre de meilleur premier ministre du dernier demi-siècle, soit Louis Saint-Laurent (1948 à 1957), John Diefenbaker (1957 à 1963), Lester B. Pearson (1963 à 1968), Pierre Elliott Trudeau (1968 à 1979 et 1980 à 1984), Brian Mulroney (1984 à 1993) et Jean Chrétien (1993 à ce jour).

Qu’ils soient francophones ou anglophones, originaires de l’est ou de l’ouest du pays, de gauche ou de droite, nos experts ont majoritairement attribué la palme à Lester B. Pearson. Même s’il a gouverné dans le chaos et la confusion, avec un John Diefenbaker implacable qui ne le lâchait jamais d’une semelle, l’histoire a fait son œuvre et retenu des années Pearson un ensemble de réalisations que n’obscurcissent aucunement quelques maladresses et scandales finalement mineurs.

Selon Antonia Maioni, directrice de l’Institut d’études canadiennes de McGill, Lester B. Pearson a imprimé « un tournant dynamique à l’histoire politique du Canada. À son arrivée au pouvoir, le pays était englué dans le passé et il a pris la décision de l’en sortir. En quelque sorte, il a posé les jalons de trois éléments significatifs de l’époque actuelle : le multilatéralisme, le libre-échange ainsi que le fédéra­lisme coopératif et l’État-providence. »

En matière d’unité et de gestion de la fédération, ses réalisations les plus mémorables sont le drapeau canadien, la Commission royale sur le bilinguisme et le biculturalisme ainsi que l’esprit du fédéralisme coopératif. Sa détermination à répondre aux aspirations du Québec au sein de la Confédération a par ailleurs suscité la mise sur pied du Régime de pensions du Canada, assorti d’un droit de retrait ayant permis la création de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Alors que la Révolution tranquille en cours dans cette province présentait tous les signes d’un séisme politique, le leadership exercé par Lester B. Pearson de 1963 à 1968 en a colmaté la ligne de faille courant le long de la rivière des Outaouais.

 Lorsqu’il a quitté le pouvoir, Peter C. Newman a écrit dans un ouvrage prémonitoire intitulé The Distemper of Our Times (1968) : « Quel que soit le jugement final de l’histoire, il fait peu de doute que Lester Pearson a exercé une influence modératrice ayant concouru au moins provisoirement à maîtriser les forces centrifuges qui, au milieu des années 1960, menaçaient de séparer le Canada français et le Canada anglais. »

Et comme le note dans son évaluation Alain-G. Gagnon, titulaire d’une chaire de recherche du Canada à l’UQAM, « Lester B. Pearson est sërement le premier ministre ayant le plus contribué à rapprocher les Canadiens anglais des Canadiens français. Il s’est démarqué en faisant appel au fédéra­lisme asymétrique. »

Il est du reste ironique, ajoute dans le présent numéro son biographe John English, que Lester Pearson ait acquis sa réputation en politique extérieure du temps où il était ministre des Affaires étrangères dans les années 1950, pour construire dans la décennie suivante un héritage durable en politique intérieure à titre de premier ministre.

Des six candidats en lice, M. Pearson a donc obtenu les meilleurs résultats en ce qui touche l’unité canadienne et la gestion de la fédération, mais aussi en politique sociale et en affaires étrangères. Pourquoi pas, après tout? Outre la création du drapeau et la Commission sur le bilinguisme et le biculturalisme, n’a-t-il pas pratiqué le fédéralisme exécutif en multipliant les conférences fédérales-provinciales tant au niveau des premiers ministres que des ministres provinciaux?

Si ces conférences ne jouaient aucun rôle constitutionnel précis, elles sont devenues très importantes, voire indispensables, pour gérer la fédération durant mais aussi après les années Pearson. Quand Pierre Elliott Trudeau a voulu rapatrier la Constitution, quand Brian Mulroney a voulu la modifier et quand Jean Chrétien a voulu réaménager l’union sociale, ils ont tous convoqué leurs premiers mi­nistres à la table de la fédération. Chacun avait sa propre vision du fonctionnement du fédéralisme, mais tous ont adopté le modèle pearsonien de partenariat entre Ottawa et les provinces.

Pour ce qui est de l’unifolié, aujourd’hui symbole d’unité pour tous les Canadiens, rappelons qu’il a provoqué un débat parmi les plus virulents des 50 dernières années. Et n’oublions pas que Pearson, fermement déterminé à mener ce projet à bien, au point d’aller le défendre avec un courage tranquille lors d’une réunion de la Légion canadienne tenue à Winnipeg, a non seulement misé gros dans ce dossier mais aussi remporté son pari.

En politique sociale, outre les régimes de pension du Canada et du Québec, il a augmenté les prestations de sécurité de la vieillesse et, en tant qu’ins­tigateur du régime d’assurance maladie, il a adopté la formule du partage des coëts à égalité entre Ottawa et les provinces, formule que Trudeau remplacera par celle du financement global.

Touchant la politique étrangère et le rôle du Canada dans le monde, M. Pearson s’est également classé au premier rang, en partie grâce à ses dix années au ministère des Affaires extérieures, période marquée par la naissance de l’OTAN en 1949, et au prix Nobel de la paix qu’on lui a décerné en 1957 pour son rôle d’intermédiaire dans la crise de Suez. Mais en tant que premier ministre, il a aussi conclu le Pacte de l’auto Canada–États-Unis qui annonçait le libre-échange et restauré avec nos voisins du Sud des relations qui avaient été rudement mises à mal pendant la période Diefenbaker-Kennedy.

Brian Mulroney, qui a mis fin comme Diefenbaker à un long règne libéral, fut surtout le seul chef conservateur depuis sir John A. Macdonald à faire élire deux gouvernements majoritaires consécutifs. Au terme de son second mandat, il avait cependant épuisé la totalité de son capital politique et a quitté le pouvoir au grand soulagement de la majorité des Canadiens.

Mais une décennie plus tard, notre jury lui accorde tout le mérite de ce qui est sans conteste sa plus grande réussite : l’Accord de libre-échange Canada–États-Unis, devenu l’ALENA avec l’inclusion du Mexique. Une entente qui a fait bondir nos exportations vers les États-Unis de 100 milliards de dollars en 1988, année précédant la mise en œuvre de l’ALE, à 350 milliards en 2002. Comptant pour moins de 19 p.100 de notre PIB avant le libre-échange, elles en représentent aujourd’hui 33 p.100 : un bond vertigineux en seulement 15 ans. Selon les estimations de Pierre Pettigrew, l’actuel ministre fédéral du Commerce international, nos exportations ont créé quatre nouveaux emplois canadiens sur cinq entre l’arrivée au pouvoir du présent gouvernement en 1993 et l’an 2000.

Mais comme l’observe Kim Nossal, directeur des études politiques à l’Université Queen’s, on pourrait avoir « surestimé » la contribution de Brian Mulroney au libre-échange et « sous-estimé » les avantages de la taxe sur les produits et services (TPS) qu’il a instaurée. Car contrairement à la taxe de vente cachée de 13,5 p.100 qu’elle a remplacée, la TPS ne s’applique pas aux exportations et a stimulé de ce fait la croissance de nos échanges commerciaux avec les États-Unis, constituant au reste une mine d’or pour un gouvernement Chrétien résolu d’équili­brer le budget du pays.

Tout juste derrière Pearson, Brian Mulroney a aussi obtenu d’excellentes notes touchant le rôle du Canada dans le monde, et pour des raisons analogues puisqu’il a amélioré nos relations avec les États-Unis sous Ronald Reagan et George Bush père. Diverses ententes commerciales mais aussi l’accord sur les pluies acides figurent parmi ses réalisations bilatérales. Nombre d’experts ont par ailleurs souligné qu’à l’exemple de Pearson et Saint-Laurent, il a souvent divergé d’avis avec Washington sur des questions importantes, de la « guerre des étoiles » (le Canada déclinant l’invitation d’y participer) aux sanctions contre l’apar­theid en Afrique du Sud en passant par le traité sur la biodiversité du Sommet de la Terre de Rio, signé par Mulroney mais rejeté par Bush.

C’est au chapitre de l’unité canadienne et de la gestion de la fédération que notre jury s’est franchement divisé sur l’héritage de Mulroney. La ligne de partage s’est tracée entre francophones et anglophones mais aussi sur la nécessité et la validité de ses deux initiatives constitutionnelles : l’Accord du lac Meech, mort au feuilleton en juin 1990 quand les législatures de Terre-Neuve et du Manitoba n’ont pu en faire voter le texte comme l’avaient promis leurs premiers ministres, et l’Accord de Charlottetown, que les électeurs ont rejeté au référendum de 1992.

Certains experts du Canada anglais ont vu dans l’entente de Meech une initiative inutile dont l’échec a plongé le pays dans une crise durable. Mais nos experts québécois, anglophones comme francophones, étaient souvent d’un tout autre avis. Selon Jean Paré, ancien éditeur de l’Actualité, Brian Mulroney « a essayé de réparer les ponts entre Canadiens, mais sans succès immédiat ».

En matière d’économie et de finances, on a généralement admis que Mulroney avait hérité de Trudeau une situation catastrophique combinant déficits, dettes et interventions étatiques du genre du Programme énergétique national. Il a donc reçu de bonne notes pour les efforts de déréglementation, de réforme fiscale et de croissance de l’emploi de son premier mandat, mais on a jugé insuffisantes ses mesures visant à réduire les énormes déficits laissés par son prédécesseur. Si son gouvernement a finalement dégagé un surplus d’exploitation et abaissé le taux du déficit de 8,6 à 5,9 p.100, les années Mulroney ont vu le maintien des déficits et un nouveau doublement de la dette nationale.

Pour autant, Brian Mulroney s’est hissé au deuxième rang en bonne partie grâce à son leadership. Avec Pearson et Trudeau, notre jury a été presque unanime à voir en lui un leader animé par une réelle volonté de transformation. La majorité de nos experts ont vu en Louis Saint-Laurent et John Diefenbaker des leaders de transition, environ les deux tiers considérant que le leadership de Jean Chrétien en est un de transaction. 

Le troisième rang de Pierre Elliott Trudeau, dont les résultats par segment sont même inférieurs, ne corres­pond sërement pas à celui que lui vaudrait le sentiment populaire. Sa réalisation la plus marquante demeure le rapatriement de la Constitution accompagné de la Charte des droits et libertés ont estimé de nombreux membres du jury, sans que cela amoindrisse l’importance du bilinguisme officiel ni son rôle central lors du référendum québécois de 1980.

Présentant Pierre Elliott Trudeau à l’immense foule réunie au Centre Paul-Sauvé le 14 mai 1980, Jean Chrétien, alors ministre de la Justice, a dit qu’il faisait « la fierté du Québec et du Canada ». Ce fut l’un des plus grands discours canadiens du XXsiècle : Trudeau a brillamment incarné le sentiment d’appartenance canadienne qu’éprouvaient une majorité de Québécois. Ce moment crucial dans la vie du pays, il en a pris la mesure en s’inspirant du nom de sa mère ”” ce nom qui avait fait dire à René Lévesque qu’il n’était pas un authentique Québécois. « Bien sër que mon nom est Pierre Elliott Trudeau, a-t-il clamé avec force. C’était le nom de ma mère, voyez-vous? » Dans un Québec où du sang irlandais et écossais coule dans les veines de millions de gens, il s’est adressé aux siens mais a fustigé du même coup l’intolérance des souverai­nistes, leur talon d’Achille.

C’est ce même soir que Trudeau a mis en jeu son siège et celui de ses députés du Québec contre la promesse d’une réforme constitutionnelle, qu’il n’aurait de cesse de promouvoir jusqu’à sa mise en œuvre. On débattrait plus tard et on pourrait débattre encore des mérites de cette réforme bien différente de celle qu’envisageaient de nombreux Québécois, et de son adoption sans l’appui d’aucun des partis siégeant à l’Assemblée nationale du Québec. Toujours est-il que réforme il y a eue.

Le sondage ne mesure évidemment pas l’effet du charisme de Trudeau (ou ce que Tom Courchene appelle le Camelot factor). Du jour de 1968 où il a pris la scène politique d’assaut jusqu’au congrès libéral de juin 1984, où il a annoncé dans une pirouette caractéristique son départ à la retraite, Pierre Elliott Trudeau n’a cessé de fasciner le pays par son charisme et son anticonformisme. Mais comme le souligne dans ces pages l’historien Desmond Morton, directeur-fondateur de l’Institut d’études canadiennes de McGill: « Les princes philosophes font d’excellents héros littéraires mais des leaders moins efficaces. »

Aussi électrisantes qu’aient pu être les années Trudeau, nos experts ont ainsi été nombreux à les juger plutôt décevantes sur le plan des résultats. Son classement moyen dans les quatre domaines examinés le place en fait au cinquième rang, à faible distance cependant des scores médians, et il s’est finalement hissé au troisième rang grâce au leadership de transformation qu’il a exercé et à l’adoption de la Charte des droits et libertés, largement considérée comme une action rénovatrice.

 Louis Saint-Laurent a pour sa part été bien noté pour sa gestion de l’éco­nomie et de la fédération, et pour la forte influence du Canada dans le monde de 1948 à 1957, liée notamment à l’action de l’ONU en Corée, à l’OTAN et au Commonwealth. Celui à qui l’on doit la Voie maritime du Saint-Laurent s’est même retrouvé à égalité avec Brian Mulroney, mais il a glissé au quatrième rang du classement général en raison d’un leadership caractérisé par la transition.

Norman Webster, ancien rédacteur en chef du Globe and Mail et du quotidien montréalais The Gazette, explique le consensus dont Louis Saint-Laurent fait l’objet en rappelant qu’« il a trouvé après la guerre un pays en bon état et en pleine croissance, qu’il a laissé en tout aussi bon état. Excellent président de conseil en des temps finalement stables, c’est l’âge et l’arrogance libérale qui ont interrompu son règne. Comme son contemporain Eisenhower, il ­figure de mieux en mieux avec le temps. »

Pour Desmond Morton, Saint-Laurent « a fait du Canada une puissance moyenne et a façonné en grande partie cette nouvelle politique étrangère plus engagée, axée sur les alliances mili­taires et l’aide au tiers monde, que les Canadiens en sont venus à considérer comme leur image internationale ».

L’un des ministres de Louis Saint-Laurent a dit de lui qu’il « menait le pays avec une telle aisance qu’on a pu croire qu’il pouvait être dirigé par n’importe qui, si bien qu’on a élu n’importe qui ». John Diefenbaker, en l’occurrence, dont l’arrivée au pouvoir a témoigné de la santé de notre démocratie en confirmant que les Canadiens pouvaient évincer les libéraux une fois par génération, mais dont le mandat a bientôt dégénéré en troubles de toutes sortes.

Son règne fut en effet entaché par une série de crises, du limogeage du gouverneur de la Banque du Canada au reniement de sa promesse d’installer des armes nucléaires en sol canadien, qui allaient mener à la désintégration de son gouvernement en 1963. Mais en dépit de sa décevante performance au pouvoir, tous ont salué son énergie en campagne électorale. Même après la chute de son gouvernement en 1963, il a su rassembler ses forces pendant la campagne qui suivit pour finalement priver Lester B. Pearson d’une majorité qui semblait à portée de la main. Et il a répété l’exploit en 1965, de telle sorte qu’en deux mandats totalisant cinq années mouvementées au pouvoir, le meilleur premier ministre du dernier demi-siècle n’a pu jouir du confort d’une majorité parlementaire.

Sur la colline du Parlement, une statue de Diefenbaker le représente dans la pose typique de l’orateur enflammé, une main sur la hanche. À quelques mètres, on peut admirer le bronze d’un Pearson affable et décontracté.

Ce bronze où il semble toiser son vieil adversaire symbolise en quelque sorte sa revanche sur celui qui n’a cessé de le tourmenter au Parlement.

 

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