L’un des moments les plus poignants d’une semaine forte en émotions fut le message d’Hillary Clinton aux jeunes Américaines à l’air abattu qui avaient soutenu sa candidature.

« C’est vrai, nous n’avons pu briser le plus haut et le plus résistant des plafonds de verre, leur a-t-elle dit. Mais une femme y parviendra, sans doute plus tôt qu’on ne le pense aujourd’hui. »

Même au Canada, on s’est montré déçu qu’une femme accomplie et forte d’un parcours aussi impressionnant n’ait pu triompher d’un Donald Trump sans expérience de service public, sans programme cohérent et affichant en plus une attitude lamentable à l’égard des femmes.

Mais au lieu de poursuivre sur cette note déprimante, signalons plutôt que l’année 2016 a été très fructueuse pour les Canadiennes. Mis à part certains enjeux fondamentaux qui nécessitent encore d’énormes efforts — de l’équité salariale à l’insuffisante proportion de femmes à la direction des entreprises et dans les organes législatifs —, il y quelques raisons de se réjouir.

Le Cabinet

Les ministres les plus en vue du gouvernement canadien sont aujourd’hui des femmes : Catherine McKenna à l’Environnement, Jody Wilson-Raybould à la Justice, Jane Philpott à la Santé et Chrystia Freeland au Commerce international. Quoi qu’on pense des politiques qu’elles défendent, personne ne peut les accuser d’être moins compétentes que leurs homologues masculins ou prétendre qu’elles ont besoin de la « supervision d’un adulte ». (Ajoutons que Chrystia Freeland est entourée d’autres femmes d’expérience comme Christine Hogan, Susan Bincoletto et Kirsten Hillman, respectivement sous-ministre sortante, déléguée commerciale en chef, et sous-ministre adjointe aux politiques et aux négociations commerciales.)

Pour la première fois de notre histoire, des femmes détiennent ainsi les portefeuilles clés du Cabinet, et, hormis Justin Trudeau, ce sont surtout des visages féminins qu’on aperçoit aux nouvelles du soir. Oui, des femmes ont déjà été vice-premières ministres et détenu d’importants portefeuilles (Affaires étrangères, Défense, Justice), mais jamais en nombre suffisant pour constituer une masse critique qui vienne modifier l’image d’ensemble du gouvernement. (Durant les années de Stephen Harper, ses principaux porte-parole à la Chambre des communes étaient presque tous des hommes : Jason Kenney, John Baird, Pierre Poilievre, Paul Calandra et Peter Van Loan.)

Déjà, certains signes témoignent de l’incidence de ce Cabinet paritaire, y compris au chapitre des nominations. Les organisateurs de conférences, par exemple, seraient plus soucieux de la représentativité de leurs panels pour éviter tout déphasage avec la composition du gouvernement. Souhaitons que cette nouvelle réalité, qui confirme que des femmes peuvent occuper les plus hauts échelons du pouvoir, s’étende au secteur privé. Et qu’elle en incite un plus grand nombre à se porter candidates aux prochaines élections.

L’opposition officielle

Rona Ambrose, chef par intérim du Parti conservateur, a brillé à la Chambre des communes par son savoir-faire politique et son approche mesurée pour exiger des comptes de Justin Trudeau. Elle a aussi fait bouger les choses, notamment sur la question des réfugiés yézidis fuyant le groupe armé État islamique. Et elle continue de défendre avec conviction la cause des femmes et des filles (sous le gouvernement Harper, elle avait joué un rôle clé dans la création de la Journée internationale des filles).

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Photo : Art Babych / Shutterstock.com

Rona Ambrose a fait un choix significatif en désignant Lisa Raitt (désormais candidate à la direction des conservateurs) comme porte-parole de son parti en matière de finances. Si le plafond de verre subsiste au ministère des Finances, les escarmouches entre Lisa Raitt et Bill Morneau n’ont pas manqué de piquant.

Certes, deux femmes seulement ont déclaré leur candidature à la direction (Lisa Raitt et Kellie Leitch), mais leur crédibilité n’a été attaquée nulle part dans les médias. Contrairement à ce qu’avaient subi Diane Ablonczy en 2002 et Belinda Stronach en 2004, qui briguaient respectivement la direction de l’Alliance canadienne et du Parti conservateur, et même Peggy Nash et Niki Ashton, qui étaient de la course à la direction du Nouveau Parti démocratique, en 2012.

Autres temps forts

Plusieurs autres avancées ont marqué la dernière année au Canada.

Au terme des récentes élections, le Yukon est au deuxième rang, derrière la Colombie-Britannique, pour ce qui est de la proportion de femmes dans les assemblées législatives du pays.

La haute fonctionnaire Christine Hogan a été nommée administratrice du Groupe de la Banque mondiale pour le Canada, l’Irlande, neuf pays des Caraïbes, le Belize et le Guyana. De même, Nancy Horsman a été élue administratrice au Fonds monétaire international.

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Photo : Twitter

Janice Charette, ancienne greffière du Conseil privé, est devenue la deuxième femme haut-commissaire du Canada au Royaume-Uni (la première, Jean Casselman Wadds, l’avait été il y plus de 30 ans).

Une enquête a été lancée cette année pour faire la lumière sur la disparition et l’assassinat des nombreuses femmes et filles autochtones.

À l’important réseau de télévision SRC/CBC, Rosemary Barton anime aujourd’hui la grande émission d’affaires publiques, poste traditionnellement réservé aux hommes.

Tatiana Maslany a remporté un Emmy pour son rôle dans la série « Orphan Black », produite au Canada, et l’auteure et dramaturge canado-irlandaise Emma Donoghue a été nommée à l’Oscar du meilleur scénario pour le film Room.

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Photo : Tinseltown / Shutterstock.com

Si vous redoutez un recul des droits des Américaines en matière de procréation et de planification familiale, dites-vous que chez nous, le Nouveau-Brunswick et l’Île-du-Prince-Édouard s’efforcent activement d’améliorer l’accès des femmes aux services d’avortement.

Enfin, rappelons le brillant parcours de nos athlètes féminines aux Jeux de Rio : elles ont récolté 87 % des médailles du Canada !

Il reste évidemment beaucoup à faire, même un siècle après que les Manitobaines sont devenues les premières femmes du pays à obtenir le droit de vote. Mais avant de céder à la déprime en observant ce qui se passe chez nos voisins du Sud, songeons avec réconfort aux exploits des Canadiennes.

Photo : John Lehmann/The Globe and Mail/Canadian Press

Cet article fait partie du dossier L’élection présidentielle aux États-Unis.

 


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Jennifer Ditchburn
Jennifer Ditchburn est présidente et chef de la direction de l’Institut de recherche en politiques publiques. Entre 2016-2021, elle était rédactrice en chef d’Options politiques, l’influent magazine numérique de l’IRPP. Jennifer a travaillé pendant plus de 20 ans comme reporter nationale à La Presse canadienne ainsi qu’à SRC/CBC. Elle a codirigé, avec Graham Fox, l’ouvrage paru en 2016 The Harper Factor: Assessing a Prime Minister’s Policy Legacy (McGill-Queen’s).

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