Une entreprise effectue des tests génétiques destinés directement aux consommateurs (DDC) afin d’offrir aux parents la possibilité de découvrir les talents « cachés » de leurs enfants. Vous pouvez (prétendument) découvrir si votre enfant a une tendance génétique pour, entre autres, la danse, la passion, l’intelligence, l’introspection et même les amours adolescentes. Cette entreprise suggère que cette information est utile puisqu’elle « vous aidera à prendre en main et à maximiser le développement de votre enfant », à personnaliser son orientation professionnelle et vos « stratégies disciplinaires » pour optimiser votre « rendement de l’investissement » (parce que, disons-le franchement, les enfants sont un gouffre financier).

Bien sûr, tout cela est scientifiquement absurde. Et un produit, quel qu’il soit, dont le dessein est d’obtenir que vos enfants fassent ce que vous leur dites de faire ne pourra que décevoir. L’équipe de commercialisation a-t-elle déjà rencontré un adolescent ?

Or, malgré l’absence de preuves, ces services de DDC farfelus continuent de proliférer et génèrent des affaires en or. La Chine, par exemple, connaît une augmentation des tests génétiques, de nombreux parents amenant leurs enfants dans des établissements de « dépistage de talents » dans l’espoir d’y recueillir des renseignements pour guider leurs décisions à l’égard de leurs enfants.

Il existe maintenant des entreprises de tests génétiques DDC qui utiliseront votre ADN pour sélectionner votre routine d’exercices, votre alimentation, votre partenaire de vie (sérieusement), vos produits anti-âge et même votre vin et votre bière. Comme plusieurs l’ont déjà fait remarquer encore et encore et encore et encore, il y a très peu de preuves pour étayer de telles affirmations. Oui, les gènes sont souvent impliqués dans les traits et les tendances de l’être humain, mais le lien est extraordinairement complexe, les gènes identifiés permettant rarement de prédire quoi que ce soit. (Et il y a souvent une façon plus économique, plus simple et plus agréable d’obtenir des renseignements raisonnablement prédictifs. Vous voulez connaître la rapidité de votre enfant ? Demandez-lui de courir. Vous voulez savoir si vous aimez tel ou tel vin ? Hm, goûtez-y.)

Pour être juste, précisons que la majorité des entreprises de tests DDC ne s’intéressent pas tant à « personnaliser » votre Molson. Les plus en vue comme 23andMe offrent plutôt des services destinés à améliorer la santé et à prédire les risques de santé futurs. Mais même dans ce contexte, leur utilité est loin d’être évidente. En effet, la campagne canadienne Choisir avec soin — qui a pour mandat d’aider les professionnels de la santé à faire des choix fondés sur des données probantes et à éviter les examens et interventions inutiles — a récemment émis une mise en garde à l’intention des médecins canadiens contre toute décision médicale fondée sur les résultats de tests génétiques DDC.

Cette recommandation se fonde en bonne partie sur de sérieux doutes quant à l’exactitude, la fiabilité et l’utilité clinique de ces tests. Mais une autre limite importante (et à propos de laquelle j’ai souvent écrit), c’est qu’ils n’ont tout simplement aucun effet sur les comportements liés à la santé. Un des messages clés de la publicité pour les tests DDC est que les renseignements génétiques sont importants parce qu’ils vont vous permettre d’adopter une « hygiène de vie qui réduira efficacement votre risque de contracter certaines maladies » ou, comme le dit une autre entreprise de tests DDC : « En sachant si vous risquez de souffrir d’un trouble génétique ou d’une maladie, vous pourrez contribuer à réduire le risque en adoptant une saine hygiène de vie, par exemple, manger santé et faire de l’exercice. »

Or les études ont démontré à maintes reprises que l’être humain ne fonctionne pas comme ça. Les comportements sont très difficiles à changer. Par exemple, une récente étude de l’Université de Cambridge a conclu que ce type de renseignements sur le risque génétique n’a eu aucune influence sur l’activité physique des participants à la recherche ni sur aucun autre comportement pertinent. Une étude de 2017 a pour sa part conclu que « les renseignements génétiques ne semblaient pas modifier » l’apport nutritionnel (l’étude portait sur les oméga-3).

Pour être honnête, je ne suis pas sûr que ces services DDC auront un jour une utilité pratique et généralisable pour la santé.

Oui, quelques études ont montré des changements comportementaux modestes, par exemple une récente étude auprès de consommateurs de tests DDC réalisée à partir de données autodéclarées. Mais le message à retenir des données disponibles est que les renseignements génétiques ont peu d’influence, ce qui, compte tenu de la principale promesse de l’industrie des tests DDC, est une conclusion assez remarquable — et volontairement ignorée.

Pour être honnête, je ne suis pas sûr que ces services auront un jour une utilité pratique et généralisable pour la santé. Au mieux, ils ouvrent la porte à un dialogue sur la génétique. Ils permettent d’explorer les stratégies de prévention de la maladie et de s’amuser avec un sujet scientifique. Je crains que les services de tests DDC deviennent surtout une mode, qu’ils ajoutent plus de confusion que de clarté quant au rôle des gènes et d’une saine hygiène de vie. (Ce n’est un secret pour personne qu’il vaut mieux s’abstenir de fumer, faire de l’exercice, bien s’alimenter, bien dormir et cultiver de saines relations interpersonnelles.)

Nous avons besoin que plus de sources fiables fassent entendre leur voix, comme la campagne Choisir avec soin avec ses recommandations au sujet des tests de dépistage DDC et de leur utilité limitée. Compte tenu de l’effet médiatique de la génétique et de la pression exercée sans relâche sur la communauté scientifique pour trouver des façons de commercialiser ses travaux, je suis persuadé que de nouveaux services DDC continueront d’émerger.

Voici une suggestion : pourquoi pas un test DDC pour découvrir si vous allez aimer les films de Dwayne « The Rock » Johnson ? Pensez à tout l’argent que vous pourriez économiser ! (Confession : j’ai ce gène.)

Photo : Shutterstock/Khakimullin Aleksandr


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Timothy Caulfield
Timothy Caulfield est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit et en politique de la santé, professeur à la faculté de droit et à l’école de santé publique, et directeur de recherche au Health Law Institute de l’Université de l’Alberta.

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