Lorsqu’un de vos parents, votre partenaire ou votre enfant tombe subitement malade et a besoin de soins médicaux, sera-t-il soigné en toute sécurité ?

Le cas d’Elizabeth Wettlaufer, cette infirmière ontarienne qui a été condamnée pour le meurtre de huit patients en établissement de soins de longue durée et la tentative de meurtre ou d’agression de six autres, est certes un exemple extrême, mais il sonne l’alarme. Qu’en est-il de la sécurité des patients et quelles sont les défaillances des systèmes de soins de santé qu’il faudra corriger ?

L’Enquête publique sur la sécurité des résidents des foyers de soins de longue durée, lancée à la suite de cette tragédie pour faire la lumière sur les événements qui y ont conduit et dont le rapport final sera déposé en juillet 2019, a déjà révélé de nouveaux aspects de l’affaire. Elizabeth Wettlaufer avait en effet un lourd passé en matière d’erreurs médicales, auxquelles on n’avait pas accordé une grande importance à l’époque. C’est un fait essentiel, non seulement dans cette affaire, mais aussi pour illustrer la sécurité des patients en général.

Les Canadiens ont une grande confiance dans leur système médical. Une étude menée par EKOS en 2011 a révélé que 81 % des personnes interrogées jugeaient qu’elles pourraient recevoir les soins appropriés si elles tombaient gravement malades.

Bien que ces résultats confirment le niveau élevé de confiance du public (le plus élevé en fait depuis plus d’une décennie), la recherche laisse entendre par ailleurs que les erreurs médicales sont un phénomène courant dans les établissements de soins au pays.

Un rapport de 2016 de l’Institut canadien d’information sur la santé conclut que sur 18 hospitalisations, un patient subira un préjudice évitable. Mais le nombre réel d’erreurs est difficile à obtenir. Étant donné que la plupart des études reposent sur des dossiers médicaux ou des rapports d’événements préjudiciables, de nombreuses erreurs ne sont pas répertoriées avec cette méthode, car les dossiers sont souvent incomplets ou les erreurs ne sont pas consignées comme des incidents critiques officiels. En d’autres mots, les taux de préjudices médicaux peuvent être beaucoup plus élevés.

Ces constats sont troublants. Toutefois, on peut voir des signes positifs de changement.

Un changement important est l’adoption de lois sur la présentation d’excuses, qui sont maintenant en vigueur dans huit provinces et un territoire au Canada. Elles permettent aux professionnels de la santé de présenter des excuses pour une erreur médicale commise ou un mauvais traitement sans que celles-ci puissent être utilisées contre eux comme une admission de faute dans une procédure judiciaire. Les excuses ne privent pas les patients de la possibilité d’intenter une action en justice s’ils le souhaitent.

L’accueil de cette législation a été mitigé, mais de nombreux groupes œuvrant pour la défense des patients recommandent de telles lois.

Grâce au financement de l’Université du Manitoba et de la BC Law Foundation, nous menons actuellement des entrevues avec des patients victimes d’erreurs médicales ou de mauvais traitements afin d’analyser l’incidence que peuvent avoir les excuses médicales pour eux et leur entourage. Notre recherche montre que les erreurs médicales ne sont pas inhabituelles et que les patients se heurtent souvent à un déni total quand vient le temps de demander des comptes aux professionnels de la santé.

De nombreux patients que nous avons interviewés se sont engagés personnellement depuis à promouvoir des soins de santé sécuritaires et de haute qualité. Certains collaborent avec des organismes qui œuvrent dans ce domaine, d’autres ont déposé des plaintes auprès du Collège des médecins et chirurgiens, d’autres encore ont écrit de longues lettres aux administrateurs ou ont personnellement rencontré des médecins et des administrateurs pour exiger des changements.

L’affaire Wettlaufer marque un tournant majeur dans la reconnaissance de responsabilité. Les dossiers de l’enquête indiquent que cette infirmière avait été sanctionnée à plusieurs reprises pour harcèlement, incapacité à accomplir les tâches assignées, omission de satisfaire les besoins des patients et erreurs de médication. Pourtant, elle avait continué à travailler dans le domaine de la santé.

L’enquête propose un changement de culture, confirmant ainsi les conclusions de notre propre recherche. Si les patients ont souligné l’importance d’être considérés comme des êtres humains, ils ont aussi parlé de la nécessité de reconnaître l’humanité des médecins pour qu’il puisse y avoir des interactions ouvertes et compatissantes.

Si nous voulons donner un sens aux événements tragiques de l’affaire Wettlaufer, rappelons-nous que nous ne sommes pas différents des patients qui ont été victimes de cette personne. Les patients ne sont pas un petit groupe d’intérêt particulier. Nous sommes tous, dans un certain sens, des patients en devenir.

Photo : Pixabay / Beeki


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Fiona MacDonald
Fiona MacDonald est professeure agrégée au Département de science politique de l’Université de Fraser Valley. Elle est aussi conseillère experte auprès d’EvidenceNetwork.ca, attaché à l’Université de Winnipeg.
Karine Levasseur
Karine Levasseur est professeure agrégée au Département de science politique de l’Université du Manitoba. Elle est aussi conseillère experte auprès d’EvidenceNetwork.ca, attaché à l’Université de Winnipeg.

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