Le gouvernement fédéral a annoncé la fin du financement de son programme de Réseaux de centres d’excellence (RCE), une mauvaise nouvelle pour les Canadiens. Pourtant, le il a considéré ce programme pendant longtemps comme un joyau du soutien de la recherche en sciences. De plus, des programmes du monde entier sont modelés à son image.

Le programme finance des réseaux pancanadiens dans les domaines de la recherche, du développement et de l’entrepreneuriat, et se concentre sur des questions spécifiques et des domaines stratégiques qui présentent de grands intérêts pour les Canadiens. Ces réseaux font tomber les barrières entre les régions, les disciplines universitaires et les secteurs en réunissant des chercheurs scientifiques aux vues similaires, des utilisateurs de connaissances, des citoyens, des organisations à but non lucratif, des étudiants et des entreprises, et ce, pendant une période allant de cinq à quinze ans. En mettant en commun leurs efforts et leurs ressources, ils accomplissent ce qu’aucun organisme ou groupe de chercheurs ne peut faire à lui seul.

Outre le financement de la recherche, les RCE regroupent les résultats de la recherche pour agir sur les politiques et les pratiques. Ils fournissent également à la prochaine génération de scientifiques, d’universitaires et de cliniciens une formation qui n’est pas offerte dans les contextes universitaires ou professionnels traditionnels.

Aujourd’hui, tout cela est terminé. Le gouvernement a annoncé la création du fonds Nouvelles frontières en recherche qui remplacera graduellement le programme des RCE et soutiendra la recherche « qui présente des risques élevés et qui nécessite des résultats rapides ». Bien que le financement gouvernemental de la recherche scientifique arrive à point nommé, ce nouveau fonds n’offre pas le financement à long terme nécessaire pour que cette recherche bénéficie aux Canadiens et à notre économie. La formation unique fournie par les RCE sera également perdue. Peut-être plus important encore, la valeur que représentent les communautés de recherche distinctes qui se consacrent à des domaines d’importance pour les Canadiens s’effacera aussi.

Lorsqu’un RCE est créé, il est entendu qu’il bénéficiera d’un financement stable sur 15 ans afin que les problèmes de fond puissent être résolus et que des résultats tangibles puissent être atteints. En vertu de ce financement à long terme, le programme reconnaissait qu’il n’existait pas de solution miracle face à des questions importantes comme la santé, la sécurité et le bien-être des Canadiens.

Or la perte des RCE se fera sentir partout au pays. Et pas uniquement dans les milieux universitaires.

À titre d’exemple, le Réseau canadien des soins aux personnes fragilisées (RCSPF), financé par le programme des RCE en 2012, est le seul réseau canadien axé sur l’amélioration des soins aux personnes âgées fragiles et le soutien à leurs proches aidants. Avec l’annulation du programme, le financement du RCSPF cessera en 2023, à la fin de son deuxième mandat.

Les activités du RCSPF répondent à une préoccupation importante d’aujourd’hui : la manière de prendre soin des personnes âgées. Or le segment de la population en plus forte croissance est celui des personnes âgées de plus de 80 ans, et plus de 50 % de ces personnes sont fragilisées. Pour certaines populations, telles que les Autochtones et les anciens combattants, la fragilité est plus précoce encore et beaucoup plus importante.

Nous constatons aussi qu’une part considérable et sans cesse croissante de nos dépenses en santé et services sociaux est consacrée aux Canadiens âgés et fragilisés. Socialement, la fragilisation impose aussi un lourd fardeau aux proches aidants, incluant des coûts financiers et sociaux, ainsi que des coûts liés à la productivité.

Comment se traduira alors la fin du financement des RCE pour ces Canadiens ?

Les recherches transformationnelles importantes, actuellement en cours, ne seront plus regroupées pour influer sur les politiques et la pratique. Ce sera la fin d’une approche ciblée et coordonnée pour la mise en application des résultats de recherche pour non seulement traiter, mais aussi retarder l’état de fragilité et améliorer la qualité de vie des Canadiens âgés.

Les Canadiens engagés dans cette tâche – chercheurs, patients et soignants, cliniciens, décideurs politiques et autres – n’auront plus de tribune pour échanger des idées et tirer des enseignements des recherches effectuées.

La formation de la prochaine génération prendra fin. La recherche sur la fragilité ne cadrera plus avec l’objectif de la recherche « qui présente des risques élevés et qui nécessite des résultats rapides », tel que présenté dans le nouveau fonds de recherche.

Pourtant, les besoins en santé sont réels et importants pour les Canadiens âgés, leurs familles et les personnes qui dispensent des soins de première ligne. Qui se chargera de s’occuper des aînés vivant en état de fragilité ?

La fragilité n’est qu’un exemple des problèmes traités par l’approche des RCE. D’autres réseaux de centres d’excellence génèrent des avantages socioéconomiques pour les Canadiens en s’attaquant à des problèmes tout aussi complexes et divers que ceux posés par le cancer, les changements climatiques dans l’Arctique, les environnements marins et le soutien technologique aux personnes âgées.

Des solutions de rechange aux mécanismes de financement sont nécessaires pour soutenir le travail remarquable du RCSPF et des autres RCE afin que les Canadiens puissent continuer à tirer le meilleur parti des investissements du gouvernement.

Photo : Shutterstock / nito


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Russell Williams
Russell Williams est président du conseil d’administration du Réseau canadien des soins aux personnes fragilisées (RCSPF) et vice‑président principal, Mission, à Diabetes Canada.
John Muscedere
John Muscedere est directeur scientifique et directeur général du Réseau canadien des soins aux personnes fragilisées (RCSPF). Il est également professeur de médecine de soins intensifs à la Faculté des sciences de la santé de l’Université Queen’s et intensiviste à l’Hôpital général de Kingston.

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